À condition qu’il se réunisse, le Conseil des ministres pourrait émettre un décret d’application de la loi antitravail illégal, qui délesterait davantage les réfugiés palestiniens de certaines exigences imposées aux autres étrangers.
En attendant, les tournées des inspecteurs du ministère du Travail, escortés par des éléments des Forces de sécurité intérieure, se poursuivent dans tous les coins du pays pour contrôler l’application du code de travail en vertu duquel les travailleurs étrangers doivent détenir un permis de travail. C’est que Camille Abousleiman, ministre du Travail, est déterminé à poursuivre l’exécution du plan de lutte contre le travail illégal qu’il a mis sur pied en mai dernier, adressant des avertissements et établissant des procès-verbaux à l’encontre d’entreprises détenues illégalement par des non-Libanais ou employant des étrangers non détenteurs d’un permis de travail, voire même ordonnant la fermeture de ces entreprises.
À L’Orient-Le Jour, M. Abousleiman affirme qu’il continuera en ce sens jusqu’à ce que le Conseil des ministres en décide autrement à travers la modification de la loi, d’autant qu’à ce jour, le dialogue avec les représentants des factions palestiniennes n’a pas abouti à des résultats concrets. Il réitère que « la loi est claire quant à la nécessité d’un permis de travail pour les Palestiniens », affirmant que « si le Conseil des ministres ne veut pas l’admettre, il faudra qu’il supprime cette exigence via des décrets d’application ». Depuis près d’un mois (11 juillet) que le plan est entré en application, M. Abousleiman tente de rassurer les réfugiés palestiniens en leur affirmant que compte tenu de leur statut spécifique, leur permis de travail n’est pas soumis aux conditions imposées aux autres étrangers et constitue en outre une garantie pour la préservation de leurs droits à l’égard de leurs employeurs. Mais face à lui, les Palestiniens continuent d’afficher un refus de se voir assujettir à cette autorisation administrative.
Le Rassemblement des partis dits nationaux a dans ce cadre critiqué hier les mesures prises par M. Abousleiman, estimant dans un communiqué qu’« elles constituent un mépris pour le statut spécial des réfugiés palestiniens », et s’interrogeant sur « les motivations qui poussent le ministre du Travail à maintenir sa position sous prétexte d’appliquer le code du travail libanais aux travailleurs étrangers et à refuser de répondre aux appels du président de la Chambre et du Premier ministre de geler sa décision et de renvoyer l’affaire au Conseil des ministres pour en discuter et adopter la décision qui prendrait en considération la spécificité des réfugiés palestiniens conformément aux résolutions internationales qui les concernent ». Questionné sur ces points par L’OLJ, M. Abousleiman dément le fait qu’il a refusé la soumission du dossier au gouvernement mais confirme que Nabih Berry et Saad Hariri lui ont demandé de suspendre sa démarche, affirmant cependant qu’il ne peut obtempérer parce qu’il ne peut geler l’application de la loi à l’égard d’une seule catégorie de gens. Autrement dit, il ne peut appliquer la loi de manière partielle en l’imposant à tous les étrangers à l’exception des Palestiniens.
(Lire aussi : Les réfugiés palestiniens, cet épouvantail qu’« on » agite...)
Une simple requête
D’une part donc un ministre soucieux d’appliquer la loi, et d’autre part l’opposition des réfugiés palestiniens à se voir soumis à l’obtention d’un permis de travail. Pour tenter de trouver une issue au problème, il a ainsi été décidé d’en débattre au sein du Conseil des ministres afin d’aboutir à un décret qui préciserait les modalités d’application de la loi contestée. C’est ce qu’a affirmé également l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, à l’issue d’une réunion avec une délégation du Rassemblement des institutions civiles de Saïda. « Le statut des Palestiniens impose que toutes les parties déploient des efforts afin que la présence palestinienne soit soumise aux lois libanaises, et pour que dans le même temps les circonstances spéciales liées à ces réfugiés soient prises en compte », a indiqué M. Siniora, évoquant « la possibilité de les dispenser de l’obligation d’un certificat de travail émis par l’employeur, pour se suffire d’une simple requête signée par le travailleur ». « Cette solution pourrait être consacrée dans un décret d’application pris en Conseil des ministres », a signalé l’ancien chef du gouvernement.
Entre-temps, les représentants des différentes factions palestiniennes ne désarment pas. Si la mobilisation sur le terrain s’est désenflée ces derniers jours, ils poursuivent leurs tournées auprès des différents responsables pour demander leur appui face au plan antitravail illégal de M. Abousleiman.
Une délégation de la Commission du travail national palestinien s’est ainsi rendue auprès du chef du bureau politique du mouvement Amal, Jamil Hayek, pour lui exprimer « la nécessité d’arrêter ces mesures le temps qu’un dialogue libano-palestinien parvienne à résoudre la crise dans le cadre de la loi et le temps aussi que le dossier soit transmis au gouvernement en vue de faire obtenir aux Palestiniens leurs droits humanitaires et sociaux ».
Le secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naïm Kassem, a pour sa part reçu une délégation des Forces de l’alliance palestinienne au Liban, devant laquelle il a mis l’accent sur « la nécessité de geler les mesures prises par le ministère du Travail en attendant les décisions que devrait prendre à ce sujet le Conseil des ministres ».
Des représentants de factions palestiniennes du Liban-Nord se sont quant à elles rendues auprès de l’ancien ministre Youssef Saadé, coordinateur de la Commission des affaires sociales au sein du courant des Marada, à qui ils ont demandé d’exhorter le chef du parti, Sleiman Frangié, à se tenir à leurs côtés pour appuyer leur cause « aux plan politique et humain ».
(Lire aussi : Lettre ouverte de Camille Abousleiman à ses détracteurs)
Permis de travail et permis de séjour
Un proche de Bahia Hariri, députée de Saïda, rapporte à L’OLJ la position du Forum des hommes d’affaires palestiniens. Cette organisation refuse l’imposition d’un permis de travail au motif que celui-ci est accordé pour une durée déterminée, ce qui nécessite son renouvellement constant et ouvrirait la voie à l’exigence d’un permis de séjour pour la même durée. Or, se demande le groupe professionnel, comment un employeur palestinien pourrait-il obtenir un prêt bancaire sur plusieurs années afin de développer ses projets, alors que ses titres de travail et de séjour vont expirer dans quelques mois ? De plus, affirment ces hommes d’affaires palestiniens, le permis de travail est accordé pour des professions précises, ce qui soumet les réfugiés à l’autorité du ministère du Travail quant au choix du métier. Ils déplorent également qu’un détenteur d’un permis de travail ne peut changer d’entreprise ou de profession sans l’accord du ministère du Travail, critiquant sur un autre plan le fait que le système d’affiliation à la Sécurité sociale auquel ils sont soumis est injuste à leur égard, puisqu’un Palestinien doit payer 25,5 % de son salaire pour n’en obtenir que 8,5 % comme indemnités de fin de service.
Pour mémoire
Le travail des Palestiniens, un dossier délicat et un timing sensible, le décryptage de Scarlett HADDAD
commentaires (3)
Ca a un nom et ça s'appelle "tirer sur une ambulance" pas très glorieux....
Abou Halab
22 h 31, le 06 août 2019