Camille Abousleiman.
Le ministre du Travail explique, dans une « lettre ouverte » qu’il a fait parvenir à L’Orient-Le Jour, les tenants et les aboutissants de sa décision d’appliquer les dispositions du code du travail relatif aux étrangers, face à la vague d’opposition manifestée par les réfugiés palestiniens. Voici ce texte :
« Nous avons récemment entendu de nombreuses déclarations et assisté à des mouvements de protestation contre le plan du ministère du Travail pour la réglementation des travailleurs étrangers dans la mesure où ce plan affecte les réfugiés palestiniens au Liban. M. Hassan Mneimné, président du Comité de dialogue libano-palestinien, a déclaré le 30 juillet 2019 que “le ministre du Travail insiste sur l’inclusion de dispositions qui font obstacle aux solutions proposées dans le document libanais unifié publié par le Comité de dialogue libano-palestinien en mars 2017 quant à la situation des réfugiés palestiniens au Liban”, incluant dans ces dispositions l’exigence d’un contrat de travail comme condition d’obtention d’un permis de travail.
« Certaines de ces déclarations étant fondées sur des informations fausses ou incomplètes, et dans le but d’encourager un dialogue ouvert et objectif entre les personnes de bonne volonté, j’aimerais apporter les précisions suivantes :
« 1 – Le code du travail libanais et autres lois applicables stipulent que tous les travailleurs non libanais, y compris les Palestiniens, doivent obtenir un permis de travail, conformément aux dispositions légales suivantes :
« a) Article 59, alinéa 3, du code du travail, modifié par la loi 129 du 24 août 2010, dispose ce qui suit :« – Avant modification : en fin d’emploi, les travailleurs étrangers jouissent des mêmes droits que les travailleurs libanais sous condition de réciprocité et doivent obtenir un permis de travail émis par le ministère du Travail.
« – Après modification : article 1, le troisième paragraphe de l’article (59) du code du travail adopté le 23/9/1946 est modifié comme suit : en fin d’emploi, les travailleurs étrangers jouissent des mêmes droits que les travailleurs libanais sous condition de réciprocité et doivent obtenir un permis de travail émis par le ministère du Travail. Les réfugiés palestiniens, dûment inscrits au registre du ministère de l’Intérieur et des Municipalités – direction des Affaires politiques et des réfugiés, sont expressément exemptés de la condition de réciprocité et sont également exemptés de payer les frais de permis de travail pour obtenir un permis de travail délivré par le ministère du Travail ; article 2, la présente loi entrera en vigueur dès sa publication au Journal officiel.
« Il convient de noter que la loi 129 exempte les réfugiés palestiniens du paiement des frais du permis de travail, mais ne les exempte pas de l’obligation d’obtenir un permis de travail.
« b) La loi réglementant l’entrée et le séjour au Liban et la sortie du Liban datée du 07/10/1962, modifiée par la loi 173 du 14/2/2000, dispose ce qui suit :
« Article 1 : la présente loi définit un étranger comme toute personne physique qui n’a pas la nationalité libanaise.
« Article 25 : à l’exception des artistes, il est interdit aux étrangers d’exercer des activités commerciales ou une profession au Liban, sans permis émis par le ministère du Travail conformément aux lois et règlements en vigueur.
« Il est donc établi que toute personne n’ayant pas la nationalité libanaise souhaitant travailler au Liban autrement que comme artiste doit obtenir un permis de travail.
« c) Loi 70/1 du 17/1/1970, modifiée en dernier lieu en 2002 : l’article 26 alinéa 2 dispose que les Palestiniens inscrits auprès de la Direction générale des réfugiés s’acquittent de 25 % des frais requis pour l’obtention d’un permis de travail ou d’une autorisation préalable. La loi implique donc clairement qu’un permis de travail est requis pour les travailleurs palestiniens.
« Étant donné que l’obligation d’obtenir un permis de travail est établi par les lois, le ministre du Travail n’a donc pas l’autorité d’exempter les Palestiniens de cette obligation à moins que ces lois ne soient modifiées.
« 2 – Les réfugiés palestiniens ont un statut particulier comparés aux travailleurs étrangers. Ce statut est reconnu en droit libanais et consacré dans diverses lois et décisions de précédents ministres du Travail. Nous le respectons donc et le ministère du Travail l’a appliqué depuis son entrée en vigueur. Sont prévus principalement les exemptions et avantages suivants :
« – Exemption des travailleurs palestiniens du paiement des frais de permis de travail (loi 129 – amendement de l’article 59 du code du travail) et de l’obligation de réciprocité.
« – Les travailleurs palestiniens bénéficient des indemnités de fin de service de la CNSS.
« – Exemption des employeurs palestiniens de 75 % des frais de permis de travail pour employeur (loi 70/1).
« – Exemption des tests de laboratoire (décision n° 7/1 du 22/1/2013).
« – Exemption du certificat de dépôt bancaire (décision n° 7/1 du 22/1/2013).
« Aucun des précédents ministres du Travail n’a exempté ni n’avait légalement le droit d’exempter les travailleurs palestiniens, de l’obligation d’obtenir un permis de travail, comme en témoigne par exemple la décision 7/1 du ministre Salim Jreissati, qui a allégé les formalités requises pour l’obtention du permis de travail, mais n’a pas (et n’aurait pas pu) lever l’obligation d’obtenir un permis de travail.
« Le projet de décret présenté par le ministre Mohammad Kabbara le 27 juillet 2018 (après la date des recommandations du Comité de dialogue libano-palestinien en mars 2017) stipule que les réfugiés palestiniens doivent obtenir un permis de travail et précise les documents requis pour chaque catégorie de travailleur pour obtenir ces permis de travail, y compris “la soumission d’un contrat de travail portant le sceau de l’employeur” ainsi qu’“une preuve de l’engagement pris par l’employeur d’enregistrer l’employé auprès de la Caisse nationale de Sécurité sociale”.
« 3 – En mars 2017, le Comité de dialogue libano-palestinien a reconnu l’obligation pour les travailleurs palestiniens d’obtenir un permis de travail et a soumis des recommandations au Conseil des ministres incluant un projet de décret d’application de la loi 129. Le projet de décret prévoit que les permis de travail peuvent être émis sur la base d’une simple demande du travailleur palestinien et sans le besoin d’y adjoindre un contrat d’emploi ou toute autre confirmation d’emploi de la part de l’employeur.
« Il est à noter que la loi libanaise n’exige pas la publication de décrets d’application pour la loi 129, car la loi 129 :
« – est entrée en vigueur depuis la date de sa publication au Journal officiel, et
« – a été mise en œuvre par le ministère du Travail depuis cette date.
« 4 – Néanmoins, le ministère du Travail n’est pas opposé à l’adoption d’un décret d’application de la loi 129 si cela contribue à diminuer les craintes des Palestiniens quant à une application discrétionnaire de la loi.
« 5 – Depuis que le ministère du Travail a commencé à mettre en œuvre son plan en juin 2019, nous avons accordé de nouvelles exemptions et pris de nouvelles dispositions en faveur des réfugiés palestiniens, notamment :
« – exemption de l’obligation pour les travailleurs palestiniens de soumettre un document attestant de leur enregistrement auprès de la CNSS ou un engagement de l’employeur à ce titre ;
« – exemption de l’obligation des employeurs palestiniens de contribuer un minimum de 100 millions de livres libanaises au capital de l’entreprise ;
« – exemption de l’exigence de certification notariée ;
« – élimination des quotas pour les travailleurs palestiniens, contrairement aux quotas appliqués pour l’emploi de travailleurs étrangers ;
« – égalité de traitement entre Libanais et Palestiniens dans les amendes imposées par la loi ;
« – acceptation comme preuve d’emploi soit d’un certificat de l’employeur, indiquant le poste, le salaire mensuel, la date de début d’emploi et le type de travail, soit d’un contrat de travail ;
« – flexibilité dans la soumission de documents prouvant l’existence de l’employeur (certificat de la municipalité, d’un moukhtar).
« Insister sur la suppression de tout document fourni par l’employeur comme preuve d’emploi vide le permis de travail de sa substance, est contraire aux décisions des précédents ministres du Travail et sera source de confusion pour la CNSS.
« 6 – Les travailleurs palestiniens doivent établir leur statut de réfugiés inscrits au registre du ministère de l’Intérieur et des Municipalités pour pouvoir bénéficier des dispositions des lois 128 et 129. Cela contredit les déclarations selon lesquelles obtenir un permis de travail affecterait le statut de réfugié.
« 7 – Le plan du ministère du Travail ne vise pas les Palestiniens mais, face aux demandes d’exempter les entreprises palestiniennes de l’inspection du travail, je me dois de confirmer qu’il n’est pas légalement possible d’exempter certaines personnes ou catégories de personnes de l’application de la loi.
« 8 – Le permis de travail confère aux travailleurs palestiniens de nombreux avantages prévus par le code du travail, dont le salaire minimum, la durée du travail, les congés et la protection contre les licenciements abusifs. Le permis de travail permet également aux travailleurs palestiniens inscrits à la CNSS d’obtenir les indemnités de fin de service. En effet, la CNSS fait bénéficier les travailleurs palestiniens de ces indemnités depuis 2010. Selon les dernières estimations, il y aurait environ 3 100 travailleurs palestiniens inscrits à la CNSS, dont seulement 1 000 bénéficient des indemnités de fin de service parce qu’ils détiennent un permis de travail, alors que les 2 100 travailleurs palestiniens qui ont aussi contribué à la CNSS ne peuvent pas bénéficier de ces indemnités en raison de l’absence de permis de travail. La CNSS dispose d’un fonds spécifique et indépendant dédié aux travailleurs palestiniens, qui affiche un solde positif d’environ 14 milliards de livres libanaises.
(Lire aussi : Abousleiman : 1 400 emplois ont été créés pour les Libanais en un mois)
« Nous sommes ouverts à toutes discussions et tout dialogue au sein du Conseil des ministres concernant le plan du ministère du Travail et ses implications pour les travailleurs palestiniens. Nous sommes également disposés à débattre de toute proposition écrite soumise par nos interlocuteurs palestiniens ; sauf qu’aucune proposition ne nous a encore été soumise par écrit à ce jour.
« Les calomnies, les campagnes haineuses et les accusations de complot ne m’affecteront pas, mais je voudrais rappeler que je compatis avec la souffrance du peuple palestinien tant à l’étranger qu’au Liban et que je rejette complètement le “marché du siècle” et tous les projets d’implantation. Je continuerai à soutenir la cause palestinienne qui est une cause juste et primordiale pour le monde arabe. Au cours des trois derniers mois, dans mon rôle de président de l’Organisation arabe du travail, j’ai exprimé mon soutien à la cause palestinienne et aux droits des travailleurs palestiniens, au Caire et à Genève au cours de la célébration du centenaire de l’Organisation internationale du travail. Je remercie le président palestinien, M. Mahmoud Abbas, et son envoyé spécial, M. Azzam el-Ahmad, pour leur sagesse et leur attitude responsable, ainsi que pour leur rejet de toute forme de surenchère, leur soutien pour le maintien du dialogue et en faveur de l’application des lois libanaises.
« La loi est ma seule protection dans l’exercice de mes fonctions afin de préserver l’État et ses institutions, et défendre les droits des Libanais et des non-Libanais présents au Liban. »
En ce qui me , on a assez payé pour la “cause “ palestinienne , pourquoi ne pas les envoyer à gaza ? Robert
05 h 02, le 15 octobre 2019