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Culture - Festival de Beiteddine

Ce soir, Nadim Naaman sera « Prophète » en son pays

Si pour Gibran Khalil Gibran, « rêver, c’est aller chercher en soi, un à un, les désirs que l’on porte et les mettre à jour », le chanteur, acteur et écrivain libano-anglais a rêvé, et son rêve est devenu réalité. C’est à Beiteddine, après le London West End, qu’il va emporter le public aux confins de la vie. Celle-là même qu’il redonne, ce soir, au grand poète et philosophe libanais à travers la comédie musicale « Broken Wings »*.


Nadim Naaman, dans la tête et dans la peau de Gibran Khalil Gibran. Photo Michel Sayegh

Il est de ces regards qui murmurent la pureté et la candeur et de ces silhouettes qui chuchotent l’élégance, la discrétion. Nadim Naaman ne laisse pas indifférent quand on sait le parcours de ce jeune homme. À l’orée de la trentaine, la transparence de son discours est une détermination et l’innocence de son regard une puissance, de celles qui sont prêtes à relever les défis les plus audacieux. Adapter Al-Ajniha al-Moutakassira (Broken Wings en anglais et Les ailes brisées en français) de Gibran Khalil Gibran en comédie musicale, et y jouer le rôle de l’écrivain libanais, en est un. Mais c’est sans compter sur la ténacité de Nadim Naaman, et ce petit quelque chose enfoui au fond de lui qu’il revendique avec véhémence : ses racines libanaises.


Je veux raconter une histoire…

Issu d’une famille qui ne le prédestinait en rien à la musique, c’est un peu par hasard que Nadim Naaman emprunte ce chemin. Né en Grande-Bretagne d’un père libanais et d’une mère anglaise, il rejoint la chorale de l’école à l’âge de 12 ans et avoue y avoir pris beaucoup de plaisir. « C’était surtout un plaisir d’ordre social, car chanter conduit à l’unité et à la créativité collective. » Lorsque, deux ans plus tard, des copains de classe l’encouragent à s’inscrire à l’audition de Jésus Christ Superstar, il n’hésite pas à les rejoindre. Il n’avait alors que 14 ans. D’une simple expérience d’adolescent à une carrière qui se profilait à son insu, le fil était ténu, mais la conviction puissante. Il avoue que le déclic a opéré à ce moment-là. Il étudie le théâtre à l’Université de Warwick où il obtient un diplôme théorique, basé sur la lecture et l’écriture, avant de rejoindre la prestigieuse Royal Academy de Londres. Neuf mois durant, il passe 10 heures par jour à travailler, prendre des cours de danse et de chant, et à réciter du Shakespeare. « Une expérience des plus riches qui allait confirmer dans mon esprit ce que j’ai toujours voulu faire. La comédie musicale était définitivement ma passion. Je terminais avec un agent et des projets en perspective. Plus tard, j’ai écrit des chansons, sorti quelques albums et composé pour le théâtre pour enfants, un univers qui offre beaucoup de liberté à l’imaginaire, un univers sans limites et sans pression. Je me suis concentré, durant les cinq années qui ont suivi, sur mon travail à West End (version européenne de Broadway, c’est le cœur du monde du théâtre). J’ai lancé mon dernier album intitulé Sides, j’étais passionné et mon ambition n’avait pas de limites. » Et puis un jour, au cours d’une conversation avec son producteur Ali Matar, ils décident, à deux, que le moment est venu d’allier le chant, l’écriture et la comédie. En même temps, une compositrice du Moyen-Orient – qui est maintenant sa collaboratrice, Dana al-Fardan – se trouvait être à Londres pour donner ses propres concerts. Nadim Naaman la rencontre et tout devient plus clair. Le désir de raconter une histoire prenait forme, enfin.


Les ailes du désir

L’idée au départ était de réaliser une comédie musicale pour le Moyen-Orient comme un retour aux sources. L’univers simple, limpide, intemporel et universel de Gibran Khalil Gibran, ses images évocatrices et fortes, sa manière de transcender la religion, d’évoquer l’exode imposé suivi du retour à la terre de ses ancêtres, sa façon à lui de privilégier l’amitié et l’amour des femmes en ne se privant d’aucune voie de création... Tout était là pour convaincre que c’était le bon choix.

Al-Ajniha al-Moutakassira (Les ailes brisées), premier livre de Gibran, paru en 1912, est considéré comme le premier roman arabe écrit à l’époque moderne. À la manière d’un mémoire ou d’un journal, il relate l’histoire d’un tendre amour qui se bat contre les tabous et traditions orientaux.

Un amour condamné par la société. Bien que Gibran Khalil Gibran ait écrit la plus grande partie de son œuvre en langue anglaise, que son enseignement touche le monde entier, Nadim Naaman nous confie qu’il était peu connu en Grande-Bretagne : « On s’étonnait qu’il soit le troisième poète le plus vendu de tous les temps. Shakespeare est numéro un, puis Lao-tseu, le philosophe chinois, est numéro deux, et Gibran est numéro trois. »

Dans la comédie musicale Broken Wings, écrite par Nadim Naaman et Dana al-Fardan, mise en scène par Bronagh Lagan, sur des orchestrations de Joe Davison, 12 acteurs et 12 musiciens investiront la scène dans une grande diversité de nationalités, comme un hommage au message universel que porte l’œuvre de Gibran.

Aujourd’hui, Nadim Naaman est d’abord fier de se glisser dans la peau de cette immense figure qu’est Gibran, de se produire au Liban face à sa famille libanaise qui ne l’a jamais vu jouer ou chanter. Mais il avoue surtout être chanceux et reconnaissant envers la vie et envers ses parents d’avoir cru en lui et de l’avoir toujours soutenu dans ses choix artistiques, convaincu que le talent ne suffit pas, que la chance doit intervenir, et que vos proches doivent vous soutenir pour vous permettre de prendre votre envol.

Elles peuvent être en cire, en plume ou en papier, elles peuvent vous porter ou se briser, mais ce soir, elles sont définitivement des ailes de désir, celui de faire revivre Gibran Khalil Gibran dans un moment d’union que Nadim Naaman va offrir à Beiteddine. Un site plus que parfait à ses yeux.

*Les 24, 25 et 26 juillet au palais de Beiteddine.


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