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Liban - Parution

Fady Noun signe une biographie spirituelle puissante de saint Charbel

« Un petit livre dense et d’une grande beauté, véritable plongée dans la vie contemplative et monastique de saint Charbel », dans la collection « Prier 15 jours » (éditions Nouvelle Cité).

L’auteur au couvent de Annaya. Photo Pierrette Balbont

Un livre sur saint Charbel n’est pas une entreprise aisée, tant sont maigres les données concrètes de sa vie terrestre et tant il est difficile de cerner sa personnalité de son vivant. En atteste le nombre réduit des ouvrages sur le saint moine dont la lumière auréolant le caveau a fini par rayonner bien au-delà du Liban. Écrire sa biographie est une chose, sonder le mystère de cette vie entièrement tournée vers Dieu est une autre aventure. Aventure spirituelle dans laquelle Fady Noun s’est lancé avec la rigueur analytique, le discernement et l’écriture inspirée qu’on lui connaît. C’est à une véritable plongée dans la vie contemplative et monastique de saint Charbel qu’il nous invite, dans la collection Prier 15 jours (éditions Nouvelle Cité), qui aligne déjà une belle série de figures saintes et de théologiens ayant marqué l’histoire du christianisme.

Avec sensibilité et justesse, Fady Noun s’attelle à chercher l’extraordinaire dans l’ordinaire de la vie de Charbel, l’action de la grâce dans cette existence qui s’est consumée humblement dans la prière, le silence, le travail, dans la rigoureuse observance de la règle écrite par Abdallah Carali pour l’ordre libanais maronite, au point que l’on ne sait pas « qui, de la règle ou de saint Charbel, gardait l’autre ». Pendant oriental de la règle de saint Benoît en Europe, que résume la devise « Ora et Labora », cette règle qui structure l’érémitisme maronite (lequel donnera trois saints à la même époque) est, pour le laïc engagé qu’est Fady Noun, l’occasion de rappeler le rôle des laïcs dans l’Église, fondateurs d’ordres religieux ou de mouvements, tels François d’Assise, Ignace de Loyola, Antoine le Grand et… Carali lui-même.


Un pèlerinage

Dans cet ouvrage de 15 chapitres conçus comme un pèlerinage de 15 jours, l’auteur va quérir l’origine du feu sacré qui habite le jeune Charbel Makhlouf, ce qu’on appelle la vocation. Il brosse le contexte sociopolitique de l’époque, la vie rurale et austère du milieu montagnard dont le moine maronite est issu, il pioche dans son quotidien, dans les paroles (rares) qu’il a prononcées, il l’accompagne dans ses travaux domestiques ou agricoles, puise les signes et prodiges qui jalonnent son chemin, tente de se rapprocher au plus près de ses pensées, de ses souffrances (inexprimées), de ses doutes (s’il en a eus), interprète ses silences, ses lectures, s’arrête aux témoignages de ses familiers et compagnons moines.

Il faut de l’intuition, de la foi et une solide connaissance théologique pour percevoir et dessiner le portrait de Charbel, « moine modèle » qui s’est appliqué à transcender sa condition humaine à coups de renoncements, de privations, de détachement, jusqu’à l’effacement de sa volonté, pour ne plus être qu’un « fol-en-Christ », plongé nuit et jour en oraison. L’auteur décrit « l’âpre combat spirituel » de l’ermite de Annaya, dont l’obéissance poussée à l’extrême et incomprise par ses contemporains fut l’autre pilier de son ascèse. Fady Noun réussit à rendre, in fine, le parfum d’une âme habitée par Dieu, immergée dans la contemplation au point d’être étrangère à ce qui l’entoure et absente même à la foudre qui frappe un soir la chapelle où il prie, brunissant la nappe de l’autel. Au fil des pages, se déroule la sainteté d’une vie absorbée dans « un colloque quasi ininterrompu avec le Seigneur » (cf. Paul VI dans son homélie de canonisation de saint Charbel). « On aime croire que la beauté du ciel a adouci, et même rendu possibles, les rigueurs d’une ascèse qui a semblé par moments inhumaine », commente Fady Noun.

Si Charbel accomplit déjà des miracles de son vivant, guérit, bénit, célèbre la messe, veille les malades, mais se retire aussitôt pour fuir remerciements et honneurs, c’est après sa mort que le grand solitaire, « mort au monde », sera plus présent à l’humanité, à ses détresses et ses faiblesses qu’il ne l’a jamais été, à l’écoute et priant pour elle. Son corps, qu’il aura mortifié sans fléchir, malgré la rudesse des hivers et les maladies, sera glorifié à sa mort : demeuré souple, exsudant un liquide séreux, semblable à la sueur de sang du Christ au jardin des Oliviers, il est le premier lieu du miracle chrétien et connaît la glorification comme prélude à la Résurrection, comme le souligne la théologienne orthodoxe Elizabeth Behr-Sigel, citée par l’auteur. L’humilité et l’effacement d’une vie « ordinaire » auront donné des fruits extraordinaires qui disent à quel point son existence terrestre fut un long aparté avec le Seigneur. Charbel est devenu le saint plein de compassion pour les hommes, leur intercesseur et le « détaillant de l’immense sollicitude de Dieu », selon la remarquable expression de Fady Noun.


« Hauteurs insoupçonnées »

De cette fenêtre ouverte sur un secret de sainteté, il ressort un petit livre dense, d’une grande beauté, servi par le style poétique de l’écrivain, s’apparentant davantage à L’histoire d’une âme, de sainte Thérèse de Lisieux. Un livre qu’on ne lit pas d’une traite car on s’arrête en cours de route pour s’imprégner du récit comme on hume un parfum de rose, pour vivre un peu avec Charbel, se laisser transporter sur les cimes où il respire et prie, « sentir et goûter les choses intérieurement », comme dirait Ignace de Loyola. On ne tourne pas les pages de ce diaire particulier, on est dedans, on rejoint des hauteurs insoupçonnées auxquelles l’humanité aspire parfois sans le savoir et pour laquelle un grimpeur, un « athlète de Dieu », a fait l’escalade au quotidien au nom de tous. C’est là qu’il se tient debout les bras tendus, priant surtout pour ce qu’il redoutait le plus, les « âmes froides, les tièdes, les timorés » que nous sommes tous un peu. C’est là qu’il sanctifie ce monde « qui se construit sur le rien et détourne son regard de la Croix », comme le note l’auteur.

Et au bout de ces quinze jours de rencontre avec un saint Charbel devenu plus familier au lecteur, la plume de l’auteur s’efface délicatement là où commence l’inexprimé, laissant au saint maronite son mystère et à son colloque avec Dieu son histoire discrètement protégée.


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commentaires (4)

Je vous cite : ...""in fine, le parfum d’une âme habitée par Dieu, immergée dans la contemplation a"" et ...""s’imprégner du récit comme on hume un parfum de rose,"" Le charbon ardent du thuriféraire nous fait sentir, (nous lecteurs inconditionnels de M. Noun), non pas un parfum de rose, mais de grandes bouffées d’encens…

L'ARCHIPEL LIBANAIS

17 h 32, le 17 juillet 2019

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Commentaires (4)

  • Je vous cite : ...""in fine, le parfum d’une âme habitée par Dieu, immergée dans la contemplation a"" et ...""s’imprégner du récit comme on hume un parfum de rose,"" Le charbon ardent du thuriféraire nous fait sentir, (nous lecteurs inconditionnels de M. Noun), non pas un parfum de rose, mais de grandes bouffées d’encens…

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    17 h 32, le 17 juillet 2019

  • Merci pour ce très bel article dont la conclusion me touche particulièrement: "Et au bout de ces quinze jours de rencontre avec un saint Charbel devenu plus familier au lecteur, la plume de l’auteur s’efface délicatement là où commence l’inexprimé, laissant au saint maronite son mystère et à son colloque avec Dieu son histoire discrètement protégée." Fady Noun "laïc engagé" nous fait entrevoir un coin de ciel.

    N. Noon

    16 h 39, le 17 juillet 2019

  • IL N,Y A DE SAINT QUE LE SAINT ESPRIT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 55, le 17 juillet 2019

  • Très intéressant ouvrage. Bravo et merci à Fady Noun

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 37, le 17 juillet 2019

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