Une semaine après les incidents de la Montagne, les esprits sont encore échauffés au sein de la communauté druze. Le chef du Parti démocrate libanais, le député Talal Arslane, a de nouveau insisté durant le week-end sur la nécessité d’une saisie de la Cour de justice, concernant les incidents survenus il y a une semaine entre des partisans du Parti socialiste progressiste et des membres du convoi du ministre d’État pour les Affaires des réfugiés et membre du PDL, Saleh Gharib. Une demande que le chef du PSP, Walid Joumblatt, et ses alliés continuent de refuser catégoriquement.
« Hier nous avons enterré le martyr Rami Salmane, et aujourd’hui nous enterrons le martyr Samer Abou Farraj. Mais nous n’enterrons pas l’affaire, a déclaré M. Arslane samedi, lors des funérailles de Samer Abou Farraj, un des gardes du corps de M. Gharib tués lors des affrontements. Ceux qui croient que ces enterrements signifient que nous tournons la page se trompent. »
« Nous réclamons la Cour de justice » pour qu’elle se saisisse de cette affaire « car elle fait partie du corps judiciaire libanais », a insisté Talal Arslane, tout en rappelant que d’autres affaires d’ampleur avaient été déférées devant cette instance.
Dimanche dernier, le convoi de M. Gharib avait été pris pour cible par des tirs attribués par le parti de M. Arslane à des partisans du PSP au niveau de Qabrchmoun. Ces incidents étaient survenus après que le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, eut été empêché d’entrer dans le village de Kfarmatta, proche de Qabrchmoun, par des partisans du PSP qui lui reprochaient des propos provocateurs sur la guerre de la Montagne.Pour le député Marwan Hamadé, proche du PSP, « l’affaire n’est pas encore réglée car la médiation du directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim (entre le PSP et le PDL) se heurte à chaque fois aux exigences de M. Arslane concernant la Cour de justice ». « Il s’agit d’un geste politique de la part de M. Arslane pour couvrir les tribulations scandaleuses de Gebran Bassil et son propre aventurisme, a ajouté M. Hamadé. Ce genre de discours (tenus par M. Bassil) doit être banni après une réconciliation », a souligné M. Hamadé à L’Orient-Le Jour, en allusion à la réconciliation de la Montagne, en 2001.
Qu’en est-il dans un tel contexte de la tenue d’un Conseil des ministres cette semaine, sachant que le Premier ministre, Saad Hariri, a annulé la séance de mardi dernier pour éviter les tensions au sein du gouvernement? « Nous faisons face à un problème économique énorme qui nécessite la tenue d’un Conseil des ministres, mais le gouvernement ne se réunira pas suivant les conditions posées par MM. Bassil et Arslane. Il faut que M. Hariri et le président de la République établissent un nouvel agenda qui prenne en compte les priorités du pays, sinon nous ne pourrons pas faire adopter le budget », a prévenu M. Hamadé.
(Lire aussi : Incidents de la Montagne : Après l’accalmie sécuritaire, une crise politique ?)
Le PSP chez Geagea et Raï
Samedi, au moment où le PDL enterrait un de ses morts, une délégation du PSP s’est rendue chez le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, puis chez le patriarche maronite, Béchara Raï, à Bkerké, dans le but de consolider les effets de la réconciliation de la Montagne.
À l’issue de la réunion entre M. Geagea et la délégation druze, qui comprenait notamment le ministre de l’Éducation, Akram Chehayeb, et le secrétaire général du parti, Zafer Nasser, M. Chehayeb a estimé que le gouvernement « n’est pas paralysé car toutes les parties veulent activer son rôle, en raison de la situation économique et financière difficile que nous connaissons ». « Paralyser le gouvernement est un crime à l’encontre de la nation », a pour sa part déclaré hier Samir Geagea, dans une interview à Radio Liban Libre.
Lors de la rencontre avec Mgr Raï, Akram Chehayeb a insisté sur la pérennité de la réconciliation de la Montagne. « Nous ne nous opposons qu’aux discours qui divisent » les Libanais, a-t-il dit. « Certains essaient de dépeindre les événements de la Montagne comme un revers pour la réconciliation, mais la réconciliation se maintient », a-t-il ajouté. Répondant aux questions des journalistes, le ministre de l’Éducation a affirmé que « la loi autorise tout le monde à se rendre dans toutes les régions du pays, mais la loi interdit les discours qui sèment la division. Nous ne nous opposons à rien d’autre qu’à ces discours ».
Du côté du CPL, et à l’heure où les critiques fusent de toutes parts à l’encontre de Gebran Bassil, le député de Zahlé, Salim Aoun, a tenu à défendre sa formation politique lors d’un entretien, samedi, à Radio Liban. « Le CPL veut que (les chrétiens) vivent en paix dans la Montagne, avec les musulmans et les druzes. Ceux qui créent les problèmes sont ceux qui mettent des conditions à la circulation dans certaines régions », a-t-il dit.
L’ancien ministre Wi’am Wahhab a pour sa part appelé hier à une réconciliation interdruze « parrainée par (les) grands dignitaires (religieux) » druzes. Affaire à suivre...
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17 h 21, le 08 juillet 2019