Non seulement le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil n’a pas annulé sa visite à Tripoli, il l’a même avancée. Elle aura donc lieu aujourd’hui et devrait être assez rapide, la capitale du Nord étant désormais une étape d’une tournée dans toute la région qui le mènera au Akkar, plus précisément à l’École nationale orthodoxe du village de Cheikh Taba (cette localité abrite le siège de l’archevêché grec-orthodoxe du Akkar), puis à Rachiine dans le caza de Zghorta, où il participera à un dîner organisé par la branche du CPL dans ce caza. Tout au long de la journée d’hier, les réunions se sont multipliées pour préparer la visite et en assurer la sécurité, et le programme a été soigneusement mis au point pour ne pas constituer un défi envers les autres parties politiques et surtout ne pas permettre son exploitation à des fins populistes.
Pour le CPL et son chef, le maintien de la visite est en soi une victoire face à certaines déclarations présentant la venue du ministre Bassil dans la capitale du Nord comme une provocation à l’adresse des habitants de la ville. Dans les réunions internes au sein du CPL, certains ont proposé d’attendre que la situation du pays se calme un peu après les incidents sanglants de Qabr Chmoun avant de se rendre à Tripoli. Mais d’autres ont estimé que tout report de la visite constituerait un recul face à ceux qui veulent maintenir les frontières entre les Libanais et le partage des régions entre des leaders confessionnels. Il serait ainsi considéré comme une victoire pour ceux qui mènent « une campagne de diabolisation du ministre Bassil », dixit ces sources, pour atteindre en fait, à travers lui, le président de la République et son projet de renforcer les liens entre les Libanais, toutes régions et confessions confondues.
D’ailleurs, les milieux du CPL précisent que depuis les élections législatives, Gebran Bassil n’a jamais caché son intention de se rendre dans toutes les régions du pays pour y ouvrir des permanences de son parti et montrer que le CPL est vraiment un parti national ouvert à tous les Libanais. Il a décidé de se consacrer à la réalisation de cet objectif pendant cette période parce que l’échéance législative est encore éloignée. Il n’a donc pas l’intention de se rétracter.
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Mais en même temps, selon les mêmes milieux, il a tenu compte de la tension actuelle provoquée par les affrontements interdruzes de Qabr Chmoun suite à sa tournée et ses propos dans le caza de Aley, le week-end dernier, en réduisant la durée de sa présence dans la ville de Tripoli, tout en ne cherchant pas à y tenir des rencontres politiques.
En effet, le ministre ne souhaite pas que sa visite dans la capitale du Nord soit exploitée dans le cadre des rivalités locales entre les parties politiques influentes à Tripoli, notamment entre les partisans de l’ancien Premier ministre Nagib Mikati, ceux de l’ancien ministre des Finances Mohammad Safadi, ceux du courant du Futur, ceux du député Fayçal Karamé et d’autres personnalités en mal de popularité. Les déclarations des deux derniers jours ont montré de fait que chaque camp commençait à utiliser la visite de Gebran Bassil pour marquer des points contre ses rivaux. Entre les proches de Nagib Mikati et ceux de Mohammad Safadi, notamment, mais aussi au sein même du courant du Futur, entre le député Samir Jisr et le cadre Moustapha Allouche, sans parler de l’ancien ministre de la Justice Achraf Rifi et de l’ancien député Misbah Ahdab. Au départ, le chef du CPL avait pourtant prévu de rencontrer le mufti de Tripoli, le cheikh Malek Chaar, ainsi que le député Fayçal Karamé. Mais face aux tiraillements entre les différentes personnalités de la ville, il se contentera de participer à une rencontre populaire, notamment avec les partisans du Courant patriotique dans la ville.
Selon des journalistes tripolitains, la visite devrait donc se dérouler dans le calme, contrairement à celle de Aley dimanche dernier. Des mesures de sécurité sont d’ores et déjà prises, et la ville, qui vient de panser les blessures de l’attaque terroriste à la veille de la fête du Fitr, n’a aucun désir d’être le théâtre de nouveaux incidents.
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D’ailleurs, après certaines déclarations violentes, la plupart des personnalités de la ville ont invité les Tripolitains au calme, leur rappelant la tradition d’hospitalité qui leur est chère. L’ancien Premier ministre Nagib Mikati a tenu un tel langage, ainsi que le député Samir Jisr et même le mufti Chaar. Quant à Fayçal Karamé, qui avait reçu le ministre Bassil à l’occasion d’un iftar à Tripoli pendant le mois de jeûne, il a rappelé que la ville reste ouverte aux visiteurs. Le langage de la modération commence donc à prévaloir et, selon les milieux du CPL, ceux qui continuent à protester et à chercher à attiser les sentiments confessionnels sont ceux qui n’ont rien d’autre à proposer aux citoyens et cherchent par de tels propos à accroître leur assise populaire.
Selon ces mêmes milieux, Tripoli ne ressemblera pas à Qabr Chmoun, ni sur le fond ni sur la forme. Gebran Bassil devrait d’ailleurs multiplier les appels à l’ouverture et aux retrouvailles pour construire un Liban d’unité et de dialogue. Ceux que de tels propos dérangent critiqueront, mais les autres, qui sont les plus nombreux, selon les milieux du CPL, ne pourront qu’approuver...
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commentaires (6)
Le pays se morfond sans aucun visionnaire pour le sortir de sa torpeur. Les gens se disputent une rue, un quartier et une visite... Que l'on soit avec ou contre telle personne... c'est juste....Lamentable..
LE FRANCOPHONE
19 h 35, le 07 juillet 2019