La chanteuse et rappeuse américaine Nicki Minaj, connue pour son style vestimentaire provocateur mais aussi pour les nombreuses références sexuelles qui émaillent ses chansons, se produira en concert le 18 juillet... dans le royaume conservateur saoudien. Une annonce qui n'a pas manqué de provoquer une marée de réactions.
Nicki Minaj sera la tête d'affiche du Festival international de Djeddah, lors d'un concert réservé aux plus de 16 ans, ont annoncé mercredi les autorités saoudiennes qui tentent, depuis plusieurs mois, de booster le secteur des divertissements et de se défaire, dans une certaine mesure, de l'image de pays ultraconservateur. Le concert sera en outre diffusé sur la chaîne américaine consacrée à la musique MTV.
D'autres artistes internationaux sont prévus dans le line-up du festival de Djeddah, notamment le chanteur britannique Liam Payne et le DJ américain Steve Aoki.
Riyad promet dans ce cadre de faciliter l'entrée dans le pays des visiteurs internationaux souhaitant assister à tous les événements de la saison à Djeddah en fournissant des visas électroniques, selon une procédure plus rapide qu'à l'habitude.
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"La fin est proche !"
Entre joie, choc ou frustration, sur les réseaux sociaux, les réactions au futur concert de Nicki Minaj ne tarissent pas.
"Nicki Minaj vient en Arabie saoudite, je ne peux pas y croire, mon rêve se réalise", exulte cette utilisatrice de Twitter.
Dans une vidéo, supprimée depuis mais reprise par des milliers d'internautes sur Twitter, une Saoudienne s'en prenait, elle, avec virulence aux autorités saoudiennes. "Vous ne pouvez pas me demander de porter l'abaya et de m'habiller de façon conservatrice à un concert alors que vous faites venir Nicki Minaj avec sa vulgarité et ses chansons dans lesquelles elle parle de la façon dont elle bouge son cul", dénonce-t-elle.
Un autre internaute décrit, de son côté, la venue de la rappeuse comme "choquante pour la communauté musulmane". "Ce n'est pas un bon comportement pour un pays musulman, Dieu détruira ceux qui enfreignent les limites qu'Il a établies", ajoute-t-il.
"Avez-vous vu que Nicki Minaj "l'alliée de la communauté gay" donne un concert pour la monarchie saoudienne ? Il y a à peine trois jours, elle était à la marche des fiertés et maintenant, elle se fait payer par des homophobes !", critique cette saoudienne.
Cette internaute met pour sa part en perspective le nombre de réactions sur ce concert par rapport aux réactions sur les bombardements saoudiens au Yémen, où Riyad mène une coalition qui soutient le gouvernement yéménite face aux rebelles houthis.
"L'Arabie saoudite bombarde le Yémen jusqu'à ce qu'il soit rayé de la carte, plus de 100.000 victimes, des millions d'enfants meurent de faim. Les musulmans sur Twitter : ....... Nicki Minaj va donner un concert en Arabie. Les musulmans sur Twitter : Oh mon Dieu, la fin est proche !", écrit-elle avec ironie.
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Réformes
L'Arabie saoudite a engagé de vastes réformes depuis la présentation en 2016, par le prince héritier Mohammad ben Salmane, d'un plan ambitieux appelé "Vision 2030" pour diversifier l'économie encore trop dépendante du pétrole. Ce plan prévoit une réforme des secteurs du tourisme et des divertissements.
C'est dans ce cadre que la première boîte de nuit publique a ouvert ses portes à Djeddah : une reproduction à l'identique du club libanais MusicHall, à la seule différence avec celui de Beyrouth que l'on n'y sert pas d'alcool. Et de nombreux artistes internationaux ont donné des concerts en Arabie au cours des derniers mois, comme les DJ David Guetta et Tiesto, Mariah Carey, Enrique Iglesias, les Black Eyed Peas, ou les rappeurs Sean Paul et Nelly. Le concert de ce dernier avait été réservé aux hommes. La chanteuse libanaise Hiba Tawaji s'était également produite à Riyad, lors d'un concert réservé aux femmes.
Malgré cette ouverture, certaines organisations reprochent aux artistes se produisant sur les scènes du royaume saoudien de fermer les yeux sur les exactions des autorités en matière des droits de l'homme. Des critiques exacerbées depuis le meurtre, par des responsables saoudiens, du journaliste Jamal Khashoggi, critique du régime, au consulat saoudien à Istanbul, en octobre dernier.
Les organisations de défense des droits de l'homme reprochent également aux autorités saoudiennes d'avoir incarcéré et jugé sans grande transparence des militantes pour les droits de la femme, alors que le royaume se targue d'avoir fait avancer ces droits en leur permettant, entre autres, de conduire. Les femmes sont toutefois toujours tenues par des restrictions vestimentaires strictes et restent sous tutelle d'une figure masculine pour de nombreux aspects de leur vie de tous les jours.
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12 h 19, le 05 juillet 2019