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Liban - Urbanisme

Itani défend son projet de réhabilitation de la Corniche qui suscite des appréhensions

Une corniche plus large, un square ombragé par une pinède, tel est le projet de la municipalité de Beyrouth, dont les plans sont conçus par le récipiendaire du prix Agha Khan, l’architecte paysagiste libano-serbe Vladimir Djurovic, mais qui suscite les appréhensions des riverains.

Une vue de la promenade de Aïn el-Mreisseh prise depuis un immeuble Alia Haju/Reuters

Ces derniers temps, un projet de réhabilitation de la façade maritime de Aïn el-Mreisseh suscite l’inquiétude de représentants de la société civile et des riverains. C’est pour répondre à un certain nombre de ces appréhensions et questions que le projet a fait l’objet d’une récente table ronde à l’ordre des ingénieurs et architectes à Bir Hassan. En présence d’un grand nombre d’architectes, d’urbanistes et de membres de la société civile, le président du conseil municipal de la ville de Beyrouth, Jamal Itani, a défendu le projet.

Le conseil municipal a confié la réhabilitation et la mise en valeur de la corniche de Aïn el-Mreisseh à l’architecte paysagiste libanais d’origine serbe Vladimir Djurovic, concepteur du jardin Samir Kassir, au centre-ville, et d’un parc luxuriant de six hectares reliant le Centre ismaélien et le musée Agha Khan à Toronto, au Canada, pour ne citer que ces deux exemples.

L’architecte est bardé de nombreux prix dont l’Aga Khan Award for Architecture (The Tenth Award Cycle); l’Award of Excellence in Residential Design, Washington DC, remis par l’American Society of Landscape Architects ; et le First Prize Winner in Landscape Architecture, remporté en Californie lors de l’International Design Awards.


Un rideau de 700 arbres
Le premier projet présenté par Djurovic a dû être abandonné face à un tollé. Il prévoyait notamment d’élargir la promenade, ce qui impliquait de casser les rochers qui en font le charme. Le nouveau projet prévoit « une extension en porte-à-faux de 1,9 m de large de la corniche », a expliqué l’architecte paysagiste. Celle-ci pourra ainsi se déployer sur dix mètres cinquante de large, dont 2,40 m seront dédiés à une piste cyclable. Cet agrandissement en porte-à-faux résoudra le problème du manque d’espace et évitera l’emploi de pilotis qui auraient impliqué de détruire les rochers, a-t-il précisé. Quant au sol, il sera pavé de dalles allant d’une teinte foncée à une autre plus claire, comme le clapot des vagues.

De part et d’autre de la promenade de bord de mer, de larges escaliers donneront accès à deux plages de galets ouvertes au public. Quelque 700 arbres borderont le chemin de la corniche, dont le tamaris, un petit arbre très décoratif résistant et facile à planter, le figuier et le caroubier, originaires des pays méditerranéens, selon le projet. Ses concepteurs sont toutefois restés vagues quant au sort réservé aux palmiers qui jalonnent actuellement la corniche.

Enfin, quatorze passages piétons seront prévus pour traverser la chaussée en toute sécurité, ainsi que sept arrêts de bus, et quatre toilettes publiques.


Des canalisations à un kilomètre de la côte
À proximité de la Maison de l’artisan, et face au McDonalds, sera aménagé un square de 100 m x 40 m, bien ombragé par une pinède. Son bord, actuellement de sept mètres au-dessus du niveau de la mer, ne sera plus qu’à 3 m 40, fournissant un large cadre visuel et spatial avec l’eau.

Ce projet suscite un certain nombre d’inquiétudes qui ont été exprimées lors de la conférence, à l’issue de la présentation.

Première source d’interrogation : quid des eaux d’égout qui aujourd’hui sont déversées dans la mer au pied de la corniche ? « En attendant que les stations d’épuration de Ghadir et de Bourj Hammoud soient opérationnelles, les canalisations rejetteront les eaux usées à un kilomètre plus loin de la côte », assure Jamal Itani.

Des appréhensions ont également été exprimées au sujet des nuisances sonores et des bouchons que pourraient provoquer les activités du square. « Il est impossible de le déplacer vers un autre endroit de la corniche sans impacter les parois rocheuses, alors que dans ce coin, il n’y en a pas », observe M. Itani.

Pour la question de l’embouteillage, il indique qu’un parking pour 300 voitures est prévu à proximité du mémorial de Rafic Hariri, ainsi qu’une station de taxis.

Des réponses qui n’ont pas apaisé toutes les craintes des résidents de Aïn el-Mreisseh. Une nouvelle rencontre avec Vladimir Djurovic est d’ailleurs prévue lundi prochain.


(Lire aussi : Les équipements de la plage publique de Ramlet el-Baïda retirés sans autre forme de procès)


Dérogations et décrets présidentiels
Lors de la conférence, à laquelle assistaient le président et le directeur de la ligue des ingénieurs spécialisés à la Direction de l’urbanisme, respectivement Firas Mortada et Mostafa Ibrahim, le président de l’ordre des ingénieurs et architectes Jad Tabet a par ailleurs donné un aperçu des textes de loi qui ont annihilé tout règlement d’urbanisme.

Il a rappelé qu’en 1954, un schéma directeur avait déclaré deux zones non aedificandi, c’est-à-dire non constructibles : la zone 9 correspondant à la corniche Aïn el-Mreisseh-Manara et la zone 10 allant de Raouché à Ramlet el-Baïda. Cependant, des exceptions ont été accordées à l’AUB et au Bain militaire. Très vite, le Long Beach, le Sporting, le Riviera, puis Arouss el-Bahr, Café Chatila et Dbaïbo ont tiré avantage de cette mesure pour s’implanter.

En 1966, le décret n° 4810 modifie les règles de la zone 10 relatives aux terrains contigus au domaine public maritime. Pour certains lotissements, ce seront des aires protégées, où l’interdiction de construire est maintenue. Pour les autres, des règles fixent les coefficients d’exploitation et les reculs, tout en retenant l’interdiction d’occuper le domaine public maritime. L’article 1 du décret n° 4918, daté de 1982, prévoyait de céder 25 % de la superficie de ces terrains à la municipalité afin de créer des espaces verts.

Ces dispositions seront toutefois annulées par le décret n° 169, promulgué en août 1989 dans un contexte politique particulier. « Le gouvernement était démissionnaire et l’arrêté n’a fait l’objet d’un avis ni du Conseil supérieur de l’urbanisme, ni de la municipalité de Beyrouth, ni du Conseil d’État. Il n’a d’ailleurs jamais été publié au Journal officiel », a souligné le président de l’ordre des ingénieurs et architectes Jad Tabet, ajoutant que le décret a été spécialement promulgué en faveur de l’hôtel Mövenpick. De ce fait, les constructions se sont démultipliées : Grand Café, Petit Café, le Palace, agrandissement du Bain militaire, etc. En 1995, le décret n° 7464 autorise les établissements balnéaires à augmenter leur plan d’eau ; et un permis est octroyé au Mövenpick pour occuper 40 000 m2 du domaine public maritime, dont 10 000 m2 gagnés sur la mer. La même année, la loi 402 permet aux propriétaires des biens-fonds de doubler leur coefficient d’exploitation.

En plus de ces textes de loi, le président de l’ordre des ingénieurs et architectes pointe du doigt les décrets présidentiels et les dérogations accordées sur proposition d’« hommes influents » à l’hôtel Eden Bay à Ramlet el-Baïda, pour lequel « aucune régularisation n’est possible vu les infractions accumulées dans ce bâtiment ; il faudrait en détruire une grande partie », dit-il. En bref, les infractions et empiétements sur le domaine public, qui se sont multipliés depuis la guerre civile, constituent aujourd’hui un fléau majeur que les autorités publiques ne parviennent pas à endiguer. Ajoutez à tout cela les déchets et eaux usées déversés dans la mer, le long de la Corniche...



Pour mémoire
Développement de la corniche : des habitants de Aïn el-Mreissé insistent sur d’autres priorités

Ces derniers temps, un projet de réhabilitation de la façade maritime de Aïn el-Mreisseh suscite l’inquiétude de représentants de la société civile et des riverains. C’est pour répondre à un certain nombre de ces appréhensions et questions que le projet a fait l’objet d’une récente table ronde à l’ordre des ingénieurs et architectes à Bir Hassan. En présence d’un grand...

commentaires (3)

ON TROUVE TOUJOURS DES VASES A MIEL POUR Y PLONGER LES DOIGTS... OU LA MAIN TOUTE ENTIERE !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 55, le 22 juin 2019

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Commentaires (3)

  • ON TROUVE TOUJOURS DES VASES A MIEL POUR Y PLONGER LES DOIGTS... OU LA MAIN TOUTE ENTIERE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 55, le 22 juin 2019

  • Une réhabilitation qui fait des vagues et des remous...

    Tina Chamoun

    11 h 43, le 22 juin 2019

  • Cher Monsieur Jamal Itani, vous êtes bien gentil...mais si, au lieu d'envisager des projets pharaoniques pour notre Corniche... vous utilisiez cet argent pour assainir et moderniser, réparer enfin les installations d'écoulement des eaux usées, ainsi que tout ce qui défigure Beyrouth et sa Corniche avec la saleté, la pollution et autres problèmes dus à vos négligences depuis des années ? Nous, simples citoyens, par expérience,sommes certains que votre projet serait encore une occasion pour vous et vos collègues et copains de se remplir les poches. Alors qu'il y a beaucoup d'autres priorités pour Beyrouth et sa Corniche ! Et que faites-vous des économies demandées par nos brillants et très efficaces responsables du Budget 2019 ? Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 03, le 22 juin 2019

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