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Liban - Déchets ménagers

Un constat certain : il n’existe pas de technique unique en matière de gestion des déchets

Une conférence internationale, tenue récemment à l’USJ, a fait le tour des technologies dans un objectif : se diriger vers une solution intégrée à un problème multiforme, celui de la gestion des déchets.


Comment concevoir une solution complète aux déchets quand on n’a pas établi une classification précise de leur composition et de leur volume ? Photo Bigstock

Cela aurait pu être une énième conférence sur le problème des déchets solides : la conférence internationale, organisée mardi par la faculté des sciences de l’Université Saint-Joseph, avait l’ambition d’énumérer les techniques de traitement et, surtout, de valorisation des déchets, en vue d’une solution complète à la gestion – aujourd’hui déficiente – de ce secteur au Liban. « Les présentations étaient très techniques parce que nous avons voulu exposer ces technologies d’une manière scientifique une fois pour toutes, avec les avantages et les inconvénients de chacune, affirme Richard Maroun, doyen de la faculté des sciences, dans une interview accordée hier à L’Orient-Le Jour avec les experts qui modéraient les sessions. Il n’existe pas de technique unique qui peut résoudre les problèmes liés à tous les déchets. Il convient de trouver une gestion complète adaptée aux circonstances du pays. »

Discuter avec ces experts montre à quel point une gestion intégrée des déchets doit être pensée, fondée sur une stratégie claire avec des objectifs (que veut-on faire de ses déchets ? En tirer de l’énergie, réduire le taux d’enfouissement…) intégrée dans une loi et basée sur une classification et une typologie de nos ordures (ces déchets que nous jetons de quoi sont-ils composés exactement ? ). Et, surtout, toute gestion ne peut commencer que par une succession nécessaire d’étapes : la réduction de production des déchets, le tri à la source, le recyclage, les différents types de traitements. Une vision à l’opposé des solutions centralisées basées sur une seule technique, comme l’enfouissement de la quasi-totalité des ordures dans une décharge ou l’incinération massive ou encore le compostage massif…

Dans cette conférence placée sous le parrainage du chef de l’État, Michel Aoun, en présence du ministre de l’Environnement, Fady Jreissati, les sessions données par des experts internationaux ont commencé par s’attaquer à un sujet sensible, suscitant toutes sortes de craintes au Liban, celui des technologies thermales, notamment l’incinération, mais aussi la gazéification, la pyrolyse…

« Il faut savoir que ces technologies thermales sont nombreuses, il n’y a pas que l’incinération, explique Dominique Salamé, professeur à la faculté des sciences, qui modérait cette session. Nous avons montré que tous les déchets ne sont pas bons à l’incinération, qu’ils doivent être triés avec soin et préparés afin qu’on puisse espérer récupérer de l’énergie et minimiser les risques environnementaux et sanitaires. Les deux idées phares que nous avons tirées de cette session, c’est que l’une au moins de ces techniques thermales (NDLR : pas nécessairement l’incinération) est incontournable pour compléter toute gestion intégrée, mais que l’incinération massive de toutes sortes de déchets doit être prohibée. Dans ce dernier cas, ce serait comme transformer des déchets non dangereux en déchets à risques, et d’autres solutions comme l’enfouissement seraient alors préférables. »

Et d’ajouter : « Ce genre de technologies doit effectivement être soumis à un contrôle très strict, cela va sans dire, mais cela s’applique à toutes les autres techniques. »


(Lire aussi : À Berbara, la plage a meilleure mine après l’opération #SaveOurFace)



Profiter des déchets organiques

L’autre technologie qui a été explorée au cours de cette conférence a été celle des technologies de digestion biologique, en d’autres termes la digestion anaérobique (qui résulte en la dégradation des déchets organiques dans un procédé sans oxygène et en la création de gaz pouvant être utilisés), le compostage (qui permet d’en faire un produit enrichisseur de sol), ou encore la récupération des biogaz des déchetteries (qui émanent des déchets). Zeina Hobeika, professeure à la faculté des sciences, explique que ces procédés permettent de récupérer l’énergie – d’où le fait que cela n’est pas propre à l’incinération comme le laisse à penser la rhétorique officielle. Cette énergie récupérée peut se présenter sous plusieurs formes : combustible, chaleur, électricité…

Ces technologies, en forte progression dans le monde, sont adaptées aux déchets produits au Liban, qui présentent des biomasses (matières organiques d’origine animale ou végétale) très intéressantes, selon l’experte. Et si elle peut avancer de telles théories sans hésiter, c’est qu’un projet mis sur pied depuis fin 2013 à la faculté des sciences explore l’adaptabilité de ces techniques au cas libanais, notamment sur les déchets provenant de l’industrie agro-alimentaire. « Toutes les biomasses explorées contiennent une forte quantité de méthane et sont donc exploitables, dit-elle. Notre projet de recherche se concentre actuellement sur une étude de faisabilité économique, en collaboration avec des chercheurs allemands. »

La faculté des sciences de l’USJ a, comme pour ce projet, plusieurs programmes de recherche innovants pour lesquels des brevets ont été déposés, ainsi que le précise Richard Maroun.


(Lire aussi : Journée de nettoyage des plages : rencontre avec une jeunesse mobilisée et... désabusée)



De plastique en carburant

La conférence s’est également concentrée sur le recyclage des plastiques et sur l’exploitation de certains déchets agro-alimentaires pour la fabrication de bioplastiques (non créés à partir de produits pétroliers, comme le plastique ordinaire). Sur le premier point, Maher Abboud, professeur à la faculté des sciences, précise qu’un projet de recherche sous sa direction a développé une technique pour subdiviser la chaîne chimique qu’est le plastique afin d’en faire des microfragments qui prennent la forme gazeuse (sorte de technique thermale). Ces gaz ainsi créés peuvent remplacer les carburants comme le mazout, sachant qu’ils ne nécessitent pas de stockage et peuvent être transférés directement à une machine donnée. « Les résultats en laboratoire ont montré des taux de pollution bien moindres que le mazout », explique-t-il.

À savoir que la question du plastique, vue dans une perspective d’économie circulaire, avait été abordée par Antonis Mavropoulos, président de l’Association internationale de déchets solides (ISWA). Partant du fait que l’utilisation de plastique dans le monde est beaucoup trop massive pour être entièrement réglée par le recyclage, il a préconisé d’une part la réduction de la production et de l’utilisation, et d’autre part les solutions techniques comparables à celles proposées par l’équipe de Maher Abboud.

Enfin, une session a été consacrée aux nouvelles technologies qui, si elles sont utilisées couramment dans d’autres secteurs, sont encore expérimentales dans le secteur des déchets. Un des exemples cités par Ziad Francis, modérateur de cette session et professeur à la faculté, est celui d’une « benne intelligente qui facilite le tri par reconnaissance de l’image des déchets jetés ». Un avenir pas si lointain qui doit figurer dans tout texte de loi sur le sujet, insiste Richard Maroun.


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commentaires (1)

Quel soulagement et en même temps de l'encouragement pour les gens qui font déja le tri à la maison et séparent les déchets recyclables dans des sacs: papier et carton; plastque et aluminium, mais sauf le verre que Arc-en-Ciel(faute de municipalité), n'accepte pas de les récupèrer. Ils passent à domicile les transporter chaque 15 jours. Donc le recyclage n'est ni difficile ni irréalisable! Bravo les professeurs de l'USJ!

Zaarour Beatriz

15 h 43, le 22 juin 2019

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Commentaires (1)

  • Quel soulagement et en même temps de l'encouragement pour les gens qui font déja le tri à la maison et séparent les déchets recyclables dans des sacs: papier et carton; plastque et aluminium, mais sauf le verre que Arc-en-Ciel(faute de municipalité), n'accepte pas de les récupèrer. Ils passent à domicile les transporter chaque 15 jours. Donc le recyclage n'est ni difficile ni irréalisable! Bravo les professeurs de l'USJ!

    Zaarour Beatriz

    15 h 43, le 22 juin 2019

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