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Liban - Décryptage

Le compromis présidentiel et les dommages collatéraux

La réunion de 5 heures entre le Premier ministre Saad Hariri et le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil a constitué un grand sujet de discussion dans les milieux politiques. Il y a ceux qui ont accueilli la nouvelle avec soulagement, soucieux de maintenir le fameux « compromis présidentiel », et ceux qui en ont été déçus parce qu’elle renfloue l’accord entre le courant du Futur et le Courant patriotique libre, qui avait abouti le 31 octobre 2016 à l’élection de Michel Aoun à la tête de la République. Beaucoup de versions de cette rencontre ont circulé dans les médias, certains ayant affirmé que les deux hommes ont eu une discussion franche et constructive avec un accord sur un agenda pour l’action gouvernementale ; d’autres ont préféré donner l’avantage au Premier ministre en précisant qu’il a énuméré ses griefs à l’encontre du ministre Bassil, avant d’obtenir de lui des excuses et la promesse de ne plus s’en prendre à la communauté sunnite. Indépendamment des différentes versions qui varient selon les tendances politiques, ce qui est sûr, c’est que la discussion entre le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères était profonde, globale et franche, marquée par un souci sincère d’assainir les relations entre les deux camps et de faciliter l’action gouvernementale.

Selon des sources concordantes proches des deux camps, les deux hommes sont conscients du fait que l’entente entre eux dérange de nombreuses parties locales, régionales et internationales. Ils sont aussi conscients du fait que cette entente reste primordiale pour eux deux, mais aussi pour le pays en général, et constitue le principal pilier de la stabilité qui règne au Liban, malgré la tempête qui souffle sur la région.



(Lire aussi : Vers une nouvelle collusion CPL-Futur ?)



Sur le plan interne, cette entente ne dérange pas seulement les autres partenaires au sein du gouvernement et en dehors, comme le camp du leader druze Walid Joumblatt, les Forces libanaises, les Marada, les Kataëb et même Amal... Elle dérange aussi au sein du courant du Futur tous ceux qui se sentent exclus, et dans le camp même du CPL, tous ceux qui sentent que les choses se jouent en dehors d’eux. Les mécontents de cette entente sont donc nombreux et ils utilisent tous les moyens disponibles soit pour la discréditer, soit pour chercher à l’ébranler. C’est dans ce contexte que des sources proches du courant du Futur mettent les déclarations de figures sunnites, comme l’ancien ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk ou l’ancien ministre de la Justice Achraf Rifi qui, en critiquant des propos attribués à Gebran Bassil mais que ce dernier a démentis, cherchaient principalement à atteindre le Premier ministre Saad Hariri, son leadership et son image auprès de la communauté sunnite. Toujours selon les mêmes sources, ces critiques s’adressent aussi aux dirigeants saoudiens, qui sont traditionnellement le principal soutien de la communauté sunnite au Liban. Il s’agirait en quelque sorte de leur montrer qu’il y a une alternative au leadership de Saad Hariri et surtout que ces personnalités sont en mesure de mieux servir la vision et les intérêts saoudiens au Liban. En diabolisant le ministre des Affaires étrangères, il s’agit donc de mettre l’accent sur une prétendue faiblesse du Premier ministre face à lui. Et au-delà de Gebran Bassil, l’objectif caché est d’atteindre le Hezbollah.

En effet, pour une grande partie des mécontents, le seul moyen d’intéresser les puissances régionales et internationales à leurs calculs, c’est de parler en filigrane du Hezbollah et de faire croire qu’en brisant cette entente et en discréditant le ministre Bassil, ils touchent indirectement le Hezbollah et contribuent à l’isoler sur la scène locale.



(Lire aussi : La cohabitation entre Bassil et Hariri réanimée)



Ce n’est en effet pas un secret de rappeler que lors de la conclusion du fameux « compromis présidentiel » en 2016 entre Michel Aoun et Saad Hariri, le troisième partenaire, même s’il était resté discret, était le Hezbollah. Le chef druze Walid Joumblatt le savait parfaitement à l’époque, alors que le leader des Forces libanaises ne le déclarait pas ouvertement, disant plutôt que sa décision d’appuyer l’élection de Michel Aoun à la présidence de la République était essentiellement destinée à l’éloigner du parti chiite. En tout état de cause, il était clair que ce compromis avait été conclu à un moment particulier où le rapport de force régional n’était pas en faveur du camp du 14 Mars. L’accord sur le nucléaire iranien avait été signé, les Russes avaient renversé la donne en Syrie et les pronostics donnaient Hillary Clinton comme future présidente des États-Unis. Certes, concernant ce dernier point, c’est finalement Donald Trump qui a été élu, et le camp hostile à l’Iran et réservé à l’égard de la Russie a cru un moment que le rapport de force régional allait changer. Mais la situation est trop compliquée pour que de petits acteurs comme les différentes parties libanaises puissent s’impliquer dans les bouleversements régionaux.

C’est pourquoi, en dépit des apparences, des polémiques et des critiques, ce qu’on appelle « le compromis présidentiel » est plus solide qu’on ne le croit, tout simplement parce que les trois partenaires qui en constituent les piliers (le courant du Futur, le CPL et le Hezbollah) sont encore convaincus de son utilité, face à une situation régionale fluctuante. Tous trois sont conscients de leurs divergences, notamment sur la plupart des dossiers régionaux, mais ils savent aussi que s’impliquer directement et activement dans un camp contre l’autre serait une aventure risquée dont ils pourraient payer le prix...



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La réunion de 5 heures entre le Premier ministre Saad Hariri et le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil a constitué un grand sujet de discussion dans les milieux politiques. Il y a ceux qui ont accueilli la nouvelle avec soulagement, soucieux de maintenir le fameux « compromis présidentiel », et ceux qui en ont été déçus parce qu’elle renfloue l’accord entre le...

commentaires (4)

toujours aussi sympa l'auteure ! tout ce "decrypatge" pour confirmer koi a la fin- si jamais on en avait encore besoin - QUE AOUN ET NASRALLAH S'ADORENT , QUE LEURS VOLONTES SACREES LE SONT BIEN : SACREES ET QUE TT LE RESTE EST FAIBLESSE !

Gaby SIOUFI

12 h 03, le 21 juin 2019

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Commentaires (4)

  • toujours aussi sympa l'auteure ! tout ce "decrypatge" pour confirmer koi a la fin- si jamais on en avait encore besoin - QUE AOUN ET NASRALLAH S'ADORENT , QUE LEURS VOLONTES SACREES LE SONT BIEN : SACREES ET QUE TT LE RESTE EST FAIBLESSE !

    Gaby SIOUFI

    12 h 03, le 21 juin 2019

  • ARTICLE INDIGNE DE COMMENTAIRE. DES BULLES DE GAZ NON D,EAU DE ROSE NI DE JASMIN.

    JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA

    10 h 05, le 20 juin 2019

  • Pour résumer tout ça en peu de mots, un homme politique pro-Hezbollah avait rappelé récemment que grâce à leurs fusils, Michel Aoun fut "mis" à la tête de l'Etat. "Kheir el-kalam, ma qalla wa dall" (La meilleure parole c'est la plus courte).

    Un Libanais

    08 h 49, le 20 juin 2019

  • surtout que ces personnalités sont en mesure de mieux servir la vision et les intérêts saoudiens au Liban. En diabolisant le ministre des Affaires étrangères, il s’agit donc de mettre l’accent sur une prétendue faiblesse du Premier ministre face à lui. Et au-delà de Gebran Bassil, l’objectif caché est d’atteindre le Hezbollah. Haha à la bonne heure !! .... juste en diabolisant ...

    Bery tus

    05 h 31, le 20 juin 2019

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