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Sport - Interview

Joyce Azzam : Je veux accomplir le grand chelem des explorateurs

Le 23 mai dernier, Joyce Azzam devenait la première Libanaise à avoir gravi les sept sommets les plus hauts de chacun des sept continents. Un exploit qu’elle a conclu en plantant, ce jour-là, le drapeau libanais sur le toit du monde, l’Everest, qui culmine à plus de 8 800 mètres d’altitude. De retour à Beyrouth, la jeune femme revient, pour « L’Orient-Le Jour », sur son exploit et, plus généralement, sa passion pour la montagne. Et explique avoir déjà un nouveau challenge dans le viseur.

« Planter le drapeau (libanais) sur l’Everest et sur tous les autres plus hauts sommets du monde était une fierté. Comme si tout le Liban était avec moi », déclare Joyce Azzam à « L’Orient-Le Jour », ajoutant qu’atteindre le toit du monde « fut un moment unique, car je venais enfin de réaliser mon rêve : boucler l’ascension des sept plus hauts sommets » des sept continents. Photo fournie par Joyce Azzam

Comment se prépare-t-on physiquement et mentalement pour l’Everest ?

J’ai fait beaucoup d’exercices cardio-vasculaires. Mais si j’ai passé pas mal d’heures, pendant ma préparation, dans des salles de sport, j’ai toujours fait en sorte de consacrer un maximum de temps à la montagne. Ce qui m’a beaucoup aidée, aussi, lors de l’escalade de l’Everest, ce sont les bains de glace, qu’on appelle des « Wim Hof ». Plongée dans l’eau glacée, pendant deux, cinq ou douze minutes par exemple, je devais me concentrer sur ma respiration. Grâce à cette pratique, j’ai pu apprendre à contrôler la température de mon corps pour réchauffer mes membres congelés et permettre à mes veines de transporter le sang normalement, même dans des conditions extrêmes.

Quelle est l’importance du mental dans une telle expédition ?

Je vais vous donner un exemple : pendant l’aventure, je suis tombée malade, j’ai eu une forte sinusite. Mais contrairement à d’autres membres de l’équipe qui sont rentrés chez eux pour cause de maladie, j’ai surmonté la faiblesse du corps pour poursuivre l’ascension.

Avec qui êtes-vous partie pour cette expédition ?

J’étais dans un groupe comprenant des alpinistes professionnels et des guides. Parmi nous, il y avait notamment deux Saoudiennes et une Omanaise.



(Bio-express : Joyce Azzam : la passion et l’engagement)



Comment avez-vous financé votre voyage ?

Toutes mes expéditions sont sponsorisées, ma famille ne pouvant pas m’aider financièrement. Mon premier sponsor a été la BLC Bank, qui m’a soutenue pour l’ascension de plusieurs sommets. Pour l’ascension du mont Vinson (le point culminant de l’Antarctique, 4 892 mètres d’altitude), j’ai été soutenue par Alfa. J’ai eu beaucoup de difficultés à trouver un sponsor pour l’ascension de l’Everest. Mais à la dernière minute, l’AM Bank m’a apporté son soutien. Sans sponsor, je n’aurais probablement pas pu faire l’Everest. Les expéditions coûtent cher. Pour l’ascension de l’Everest, une expédition qui m’a pris un peu plus d’un mois, j’ai obtenu 80 000 dollars. Selon la montagne à laquelle on s’attaque, il faut compter un budget entre 10 000 et 80 000 dollars tout de même.

Quelle a été votre sensation quand vous avez atteint le sommet de l’Everest ?

C’était spécial, c’était la première fois que je ne pleurais pas. En raison de la longue attente due à « l’embouteillage » avant le sommet, il était impossible d’y être seule, et donc de se permettre un moment d’introspection et de réalisation. Il n’en demeure pas moins que ce fut un moment unique, car je venais enfin de réaliser mon rêve : boucler l’ascension des sept plus hauts sommets du monde.

Qu’avez-vous ressenti quand vous avez planté le drapeau libanais sur le toit du monde ?

Planter le drapeau sur l’Everest et sur tous les autres plus hauts sommets du monde était une fierté. Comme si tout le Liban était avec moi. Avec ce projet, je voulais montrer que je crois en mon pays. En plantant le drapeau sur l’Everest, j’ai eu le sentiment que mon pays croyait enfin en moi et en mon rêve.



(Lire aussi : Everest 2019 : pourquoi tant de morts cette saison ?)



Dans quel état d’esprit est-on au moment de la descente ?

La descente était plus dangereuse que l’ascension à cause de la fatigue et du nombre d’alpinistes présents. Je me disais : « Joyce, tu dois préserver ta vie. Tu as réalisé ton rêve, quand tu seras au camp de base, tu le fêteras, pour le moment, reste concentrée. »

Quel a été le moment le plus dur lors de l’ascension ?

Voir des alpinistes morts, le long du chemin.

À ce moment-là, je me disais : « Je suis là, sur la montagne, dans des conditions extrêmes, il y a un alpiniste mort qui avait tout pour y arriver, les équipements, la préparation, et qui, au final, a perdu la vie sur les flancs de cette montagne. » Je me suis posé beaucoup de questions : « Est-ce que le rêve en vaut la peine ? »

Qu’avez-vous le plus aimé lors de cette expédition ?

J’ai adoré le camp de base. Me lever chaque matin, voir l’Everest et les glaciers autour. Les levers et couchers de soleil sont indescriptibles. J’ai aimé les personnes avec qui j’ai partagé cette expédition. Elles me manquent. Vivre, pendant deux mois, avec un groupe d’individus qui partagent les mêmes objectifs, les mêmes rêves, c’est quelque chose de fort.

Qu’avez-vous le plus détesté lors de cette expédition ?

Ce que je déteste aujourd’hui, je l’aime le lendemain. Alors oui, je n’ai pas aimé le IceCall, la partie entre le camp de base et le camp1, c’est un glacier où il faut sauter, grimper, c’est très dur physiquement et mentalement. Aussi, ne pas pouvoir me laver les cheveux, ce n’est pas agréable comme sensation! Et enfin, j’ai détesté la nourriture déshydratée.



(Lire aussi : Ghassan Hajjar part à la conquête du toit du monde, et emmène avec lui les 500 enfants de l’AFEL)



Des regrets ?

J’aurais aimé ne pas voir les corps des personnes mortes pendant l’ascension. C’est réellement traumatisant. J’aurais également aimé arriver un jour plus tôt au sommet. Nous devions effectuer la montée finale le 22 mai, mais le chef d’expédition a décidé de la reporter au 23 pour nous laisser une journée de repos. Et puis, j’aurais voulu chanter l’hymne national au sommet, mais en raison de l’émotion, j’ai oublié ! Lorsque je m’en suis souvenue, j’étais déjà au camp 4 lors de la descente...

Quelles sont, selon vous, les trois choses indispensables à une telle expédition ?

Des serviettes hygiéniques ! Je ne pouvais pas passer un jour sans. Car quand vous voulez aller aux toilettes, avec le droit de priorité, il arrive que la vessie lâche. Alors il faut avoir de quoi gérer l’incident. Ensuite, des bonbons Jelly Beans à sucer, car ils procurent du sucre. Moi qui n’aime pas la nourriture déshydratée, j’ai avalé une grande quantité de Jelly Beans pour avoir de l’énergie.

Dernier objet indispensable : un miroir ! Je faisais mes sourcils à 8 000 m d’altitude. Et je prenais soin de mon visage, je mettais de la crème tous les jours.

Aujourd’hui, quels sont vos projets ?

Je travaille déjà à mon prochain challenge. Je veux accomplir le grand chelem des explorateurs. Pour l’accomplir, il faut, en plus des sept plus hauts sommets, traverser les deux pôles, en Arctique et en Antarctique. Je vais partir dès cet automne pour l’Antarctique.

Il faudra compter, je pense, cinquante jours d’expédition avec 120 kg de nourriture et d’équipements. Reste à voir pour le budget, car c’est un gros projet. Il va peut-être falloir plusieurs sponsors cette fois-ci.



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Comment se prépare-t-on physiquement et mentalement pour l’Everest ?J’ai fait beaucoup d’exercices cardio-vasculaires. Mais si j’ai passé pas mal d’heures, pendant ma préparation, dans des salles de sport, j’ai toujours fait en sorte de consacrer un maximum de temps à la montagne. Ce qui m’a beaucoup aidée, aussi, lors de l’escalade de l’Everest, ce sont les bains de glace,...

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BRAVO ET COURAGE POUR LES DEUX POLES A LA JEUNNE FEMME.

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 20, le 13 juin 2019

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  • BRAVO ET COURAGE POUR LES DEUX POLES A LA JEUNNE FEMME.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 20, le 13 juin 2019

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