Premiers de cordée, avec ailes dans le dos

«Je le fais pour ma mère. Elle est décédée quand j'avais 19 ans. J'aime la montagne, parce que j'y vis de grands moments de solitude et d'introspection durant lesquels je me sens très proche d'elle. C'est du yoga en altitude, une expérience hors de son corps où l'on remet tout en question, sa vie, ses choix», confie Peter Mouracade, 36 ans, dans la publicité depuis 12 ans et chef de service clientèle à Leo Burnett Beirut.

«Escalader les 7 sommets pour la Croix-Rouge libanaise, c'est un peu, pour moi, régler une énorme dette. La Croix-Rouge libanaise a ranimé ma mère qui est restée en vie trois semaines. Trois semaines gagnées, c'est le plus beau cadeau que j'ai pu recevoir. Il m'a permis de lui faire mes adieux.» Un deuil suivra, qui prendra également la forme de 5 permanences par semaine en tant que secouriste. «Une obsession, au lieu d'une dépression, précise-t-il. J'ai réalisé l'importance d'une petite minute qui peut changer toute une vie et le travail extraordinaire de tous ces bénévoles. Depuis, c'est resté dans mon ADN.»

Accro à son métier, «malheureusement!», dit-il, mordu de sports (randonnée, escalade, vélo, spéléologie), il a trouvé les complices idéaux: Avedis Kalpaklian, Rana Samaha, Joyce Azzam, Georges Mikhael, Lindos Daou et Sebastien Wakim, qui se sont rencontrés à l'occasion de leurs traditionnelles randonnées. Avedis est le guide, le trait d'union de cette bande de marcheurs qui ont tous en commun le «virus de la montagne». «C'est comme dans un relais, peu importe qui fait l'ascension, nous avons une même énergie et composons une seule équipe», précise Peter Mouracade au nom de ses compagnons de route, à la veille du grand départ. Première équipe nationale libanaise à tenter de planter son drapeau sur les 7 plus hauts sommets du monde, Team Lebanon mène sa «croisade» depuis 2011 pour additionner des sommets et arriver au bout de ses exploits.

4 victoires sur 7
Le projet prend enfin forme, animé par le sens d'une aventure à la fois extérieure et intérieure. Personnelle et de groupe. Dans leur carnet de route, en 4 ans, 4 sommets ont déjà été conquis: le mont Aconcagua (6,962 m), le mont Ebrus (5,642 m), la Pyramide de Carstensz (4,884 m) et le mont Kilimanjaro (5,895 m). Même si la bande n'est pas toujours au complet, que quelques-uns sont absents ou ne peuvent pas arriver au bout de leur ascension, la victoire est collective.

Peter, le «gringalet de l'école», comme on le surnommait, trouve à chaque fois la force et l'envie de repartir. Il aura fallu deux ans de préparation, «un cauchemar logistique», explique-t-il, pour préparer cette nouvelle aventure... À l'heure de boucler leurs (lourdes) valises, équipement, vivres, fuel, soit environ 70 kilos par personne, à transporter sur le dos – «il n'y a pas de sherpas ni de porteurs sur cette montagne, juste des guides» –, les sportifs se disaient prêts.

Ils seront donc trois Team Lebanon(inens) à affronter le mont Denali, ses bonheurs et ses douleurs pendant 23 jours, en fonction de la météo et des nombreuses surprises qui les attendent. Outre Peter Mouracade, le guide Avedis Kalpakian, 44 ans, polyathlète et sportif accompli (escalade, spéléologie, cyclisme, marche), et Lindos Daou, 30 ans, professeur d'université et secouriste. Également féru d'escalade, de spéléologie, de marche, de vélo, il est par ailleurs marathonien et joueur de basket. Le départ s'est fait comme prévu. Presque 48 heures d'avion plus tard, ils ont réussi à atterrir en Alaska. Trois jours d'attente en raison du mauvais temps, et les voilà débarqués, avec, au total, 500 kilos, sur le glacier Kahiltna. Au septième jour, ils ont commencé à marcher de nuit, car en journée il fait trop chaud et il y a un risque de fonte de neige. Ils grimperont par palier, grignotant, on l'espère, une victoire méritée.

La suite est à suivre sur leur site: www.teamlebanon.com. Tant leur progression que celle de leur levée de fonds, qui est l'autre objectif de ce voyage. «Le plus important, souligne Peter, est de profiter de cette visibilité pour parler de la Croix-Rouge, surtout au Liban. D'organiser des campagnes d'éveil et des levées de fonds. De toujours rappeler l'extraordinaire travail de ces extraordinaires secouristes.»

Si tout va bien, il restera deux sommets à rajouter à leur palmarès: l'Everest, dont l'ascension est prévue en avril 2017, et le mont Vinson, en décembre 2018. «Nous prenons des risques, affirme Peter Mouracade, mais ce sont des imprévus. Sinon, nous ne sommes pas fous. Nous grimpons cette montagne en suivant toutes les règles possibles. Il faut savoir sortir de sa zone de confort et prendre des risques mesurés. Ne pas être peureux, mais avoir peur. C'est cette peur secrète qui nous préserve.»

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