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Liban - Haute tension

Le Conseil d’État saisi par l’archevêché maronite et des habitants de Mansouriyé

La ministre de l’Énergie, Nada Boustani, a avisé les plaignants que les travaux d’installation se poursuivront tant que leur suspension n’aura pas été prononcée, affirme à « L’Orient-Le Jour » une source informée.

Des câbles à haute tension déjà installés à Mansouriyé. Photo d’archives

L’opposition à l’installation de lignes à haute tension à Mansouriyé (Metn), menée à coups de sit-in effectués depuis de nombreuses années sur le terrain, s’est transposée devant la justice. L’archevêché maronite de Beyrouth – qui possède des biens-fonds dans la région – ainsi que douze habitants craignant pour leur santé ont présenté lundi, devant le Conseil d’État, un recours contre les pouvoirs publics représentés par les ministères de l’Énergie et de l’Intérieur, et contre Électricité du Liban (EDL).

Leur action intentée par l’intermédiaire de leur avocat, Me Jean Tabet, vise à faire invalider l’arrêté du mohafez du Mont-Liban, Mohammad Mekkaoui, rendue le 2 mai, qui a permis l’occupation temporaire de biens-fonds privés afin d’y placer du matériel pour installer des câbles de 220 kilovolts.Pour Me Tabet, contacté par L’Orient-Le Jour, l’arrêté est illégal. « Le mohafez a pris une décision permettant aux employés d’EDL de s’introduire dans les terrains de l’archevêché maronite ainsi que dans des biens-fonds appartenant à des habitants de la région. Or, selon la loi, s’il a la prérogative de rendre une décision autorisant l’occupation précaire de propriétés privées, le mohafez n’a pas compétence pour permettre une emprise au sol. » L’avocat estime dans ce cadre que, sous couvert d’une décision d’autorisation temporaire, l’arrêté du mohafez simule une expropriation, d’autant que les travaux comportent la mise en place d’équipements définitifs. Et d’expliquer : « L’occupation précaire est admise pour stocker provisoirement dans des propriétés privées des matériaux (sable, pierres…) à utiliser dans des chantiers publics proches ; mais établir des fondations et implanter des éléments impliquent une expropriation dans laquelle des personnes privées, physiques ou morales, cèdent, par la force, l’utilisation de leurs biens immobiliers au profit de l’État, moyennant le paiement d’indemnités justes et préalables. » « Or cette cession forcée ne peut s’opérer qu’en vertu d’un décret émis par le gouvernement », affirme Me Tabet, soulignant à cet égard que « le mohafez a outrepassé ses pouvoirs en détournant la procédure requise », et qu’« à travers sa décision, le droit de disposer est entravé et le droit à la propriété violé ». À la question de savoir si un décret d’expropriation avait été émis par le passé, il répond par l’affirmative, précisant toutefois que « ce décret, qui date de 2003, concerne exclusivement l’expropriation de l’espace aérien ». « Le gouvernement n’avait pas prévu à l’époque la nécessité d’entrer dans les maisons et jardins d’habitation, mais plus tard, l’entreprise chargée par EDL a fait savoir que les installations ne peuvent être aménagées sans passer à l’intérieur de ces biens-fonds, ce qui a poussé M. Mekkaoui à rendre sa décision, il y a un mois », souligne-t-il. « L’arrêté du mohafez a ainsi occulté une nouvelle expropriation qui n’a pas fait l’objet d’un décret, alors que ces travaux d’exécution en nécessitent un », insiste le spécialiste.

Parmi les autres motifs du recours auprès du Conseil d’État, Me Tabet cite notamment le fait qu’« à travers son acte administratif, le mohafez a enfreint son devoir de veiller à la préservation de la santé et de la sécurité publiques et a failli à son obligation de prendre des mesures visant à empêcher la pollution ».



(Lire aussi : Les habitants de Mansouriyé en appellent aux scientifiques)



Quelle action ?
En tout état de cause, ajoute-t-il, « pour que l’État puisse procéder à une expropriation, il faut que celle-ci soit motivée par l’utilité publique ». « Cette condition n’est pas satisfaite en l’espèce, puisque de nombreuses études scientifiques ont démontré un impact sanitaire négatif causé par les lignes à haute tension », indique-t-il, estimant que « les mauvais effets sur la santé pèsent bien plus lourd dans la balance que de fournir davantage de courant électrique à la population ».

Concrètement, comment se traduit l’action des requérants ? « Nous avons d’abord demandé la suspension de la décision du mohafez », indique l’avocat, estimant que la haute juridiction « devrait se prononcer dans un délai maximum de 20 jours ». Mais d’ici là, les travaux n’auront-ils pas beaucoup avancé ? « L’installation des câbles aura peut-être été effectuée mais la durée des travaux d’électricité peut atteindre deux mois », pense Me Tabet.

L’OLJ a appris à ce propos que la ministre de l’Énergie, Nada Boustani, est entrée en contact avec l’économe de l’archevêché maronite, pour l’aviser que tant que la suspension de l’arrêté du mohafez n’aura pas été décidée, le ministère poursuivra l’exécution du chantier.

Quant au délai prévu pour la publication de la décision définitive du Conseil d’État, Me Tabet estime que celle-ci « ne serait pas rendue avant plusieurs mois, voire un an, vu que le CE pourrait désigner des experts afin de vérifier le caractère permanent des installations en cours ».



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commentaires (3)

QUE LES EXPERTS TRANCHENT !

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 24, le 07 juin 2019

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Commentaires (3)

  • QUE LES EXPERTS TRANCHENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 24, le 07 juin 2019

  • C est pour ménager qui... que ces travaux de cables électriques ne se font pas en cables souterrains ? This is the question !

    Cadige William

    07 h 57, le 07 juin 2019

  • Donc, l'archevêché réagit à une éventuelle expropriation des ses biens ou aux menaces sur la santé des habitants?

    NAUFAL SORAYA

    07 h 27, le 07 juin 2019

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