Le texte, qui prolonge pour trois ans la loi n° 288/2014 permettant à l’exécutif de délivrer des licences de production d’électricité à des acteurs du secteur privé, en attendant la création d’une autorité de régulation du secteur, constitue un élément-clé du plan de réforme approuvé par le gouvernement début avril et qui prévoit de confier la construction et la gestion de nouvelles centrales à des entreprises privées. Le 9 mai, dix députés, dont le chef des Kataëb Samy Gemayel, ont déposé un recours auprès du CC pour obtenir l’invalidation du texte.
Au final, seul un des arguments avancés par les auteurs du recours a été retenu par la juridiction suprême. « Le CC a jugé que la loi n° 129 violait le principe juridique de clarté de la loi et a annulé le passage du texte qui autorisait le gouvernement à se soustraire aux lois en vigueur pour mettre en œuvre les Build-Operate-Transfer (BOT, le dispositif contractuel permettant à l’État de déléguer la production de courant) », a expliqué à L’Orient-Le Jour Lara Saadé, la conseillère juridique de Samy Gemayel. « La bonne nouvelle, c’est que le CC a supprimé l’article, sans ouvrir la possibilité au Parlement de l’amender comme il pouvait choisir de le faire. Cela veut dire que l’exécutif ne pourra pas se soustraire aux lois en vigueur en matière de passation des marchés publics, ainsi qu’aux institutions compétentes pour exercer leur contrôle, comme la Direction des adjudications, la Cour des comptes ou le Parlement », ajoute-t-elle.
Avis dissident
En revanche, la juridiction suprême n’a pas retenu les autres arguments du recours. Ce dernier avait notamment soulevé une incompatibilité de la loi n° 129 – et donc la n° 288 par extension – avec l’article 89 de la Constitution qui réserve au Parlement le pouvoir d’accorder « toute concession ayant pour objet l’exploitation d’une richesse naturelle du pays ou un service d’utilité publique » ou monopole, à condition que ce soit pour une durée limitée. L’argument invoquant une violation de l’article 36 de la Loi fondamentale, qui prévoit que le vote d’une loi se fait toujours par appel nominal à haute voix, n’a pas non plus été retenu.
Une situation qui a d’ailleurs poussé un des membres du CC, le juge Antoine Messarra, à formuler un « avis dissident », publié en même temps que la décision – une possibilité accordée par les textes régissant la juridiction. Selon lui, la loi contestée est « inconstitutionnelle et, plus généralement, incompatible avec toutes les normes reconnues de régulation et de l’État de droit ». Le texte « s’intègre dans le non-droit » en « libérant le pouvoir de toute limitation, contrôle, exigences de transparence (…) avec la volonté de propager dans l’opinion que le principe de légalité est un obstacle à l’efficience, la bonne gouvernance et la justice ».
Pour mémoire
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L'Etat de non-droit au sein duquel la Loi est considérée comme l'ennemi du pouvoir en place.
10 h 46, le 05 juin 2019