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Économie - Balance des paiements

Le gouvernement libanais souhaite « réviser » l’accord commercial avec l’UE

L’initiative envisagée par Beyrouth est perçue par plusieurs sources extérieures comme une volonté « de suspendre unilatéralement » cet accord en vue de pouvoir taxer les produits européens.

Les exportations de l’UE vers le Liban ont totalisé pas moins de 8,1 milliards de dollars en 2018, contre des exportations libanaises vers l’UE qui n’ont atteint que 578 millions de dollars la même année. Illustration Argus456/Bigstock

Le gouvernement libanais envisage de revoir temporairement les termes de l’accord d’association le liant à l’Union européenne (UE) en vue de renflouer les caisses de l’État et résorber son déficit public, ont indiqué à L’Orient-Le Jour plusieurs sources locales et extérieures qui évoquent « une suspension unilatérale ». Cet accord s’est traduit par la suppression progressive (de 2008 à 2015) des droits de douane et autres taxes aux effets similaires sur les exportations européennes à destination du Liban et vice-versa.

L’un des objectifs du gouvernement est de pouvoir soumettre les produits européens à une nouvelle taxe de 2 % sur les importations, prévue dans le projet de budget de 2019, qui est actuellement discuté par les députés. « Si cette taxe est votée au Parlement, le ministre de l’Économie et du Commerce, Mansour Bteich, notifiera la Délégation de l’UE au Liban de cette décision », confirme une source proche du CPL, parti auquel appartient M. Bteich.

Contacté par L’Orient-Le Jour, M. Bteich refuse de parler, lui, de « suspension ». « Nous souhaitons simplement réviser l’accord d’association en invoquant l’article 34 de ce dernier, qui permet à l’une des deux parties prenantes d’introduire des mesures restrictives lorsqu’elle est confrontée à un déficit de sa balance des paiements. Or depuis 2011, le Liban fait face à un déficit de la balance des paiements », souligne le ministre de l’Économie. En 2018, la balance des paiements a affiché un déficit de 4,8 milliards de dollars, alors que celle-ci connaissait un excédent de 2,8 milliards de dollars en 2006, année d’entrée en vigueur de l’accord d’association avec l’UE. Mais la situation semble être plus grave actuellement : selon les derniers chiffres disponibles, la balance des paiements a enregistré un déficit de deux milliards de dollars lors du premier trimestre 2019, contre un déficit de 198,2 millions de dollars à la même période un an plus tôt.

M. Bteich assure également que « la mise en place de ces mesures restrictives se fera en toute harmonie avec l’accord et pas de manière unilatérale » puisqu’il en notifiera la Délégation européenne. Conformément à ce même article 34, le Liban devra en « informer immédiatement l’UE et lui soumettre le plus rapidement possible un calendrier de suppression de ces mesures ».


(Lire aussi :  Les principales dispositions prévues dans le projet de budget de 2019)



L’UE prise de court

Mais du côté de l’UE en revanche, on semble être pris de court. La Délégation européenne au Liban a expliqué, en réponse à un email de L’Orient-Le Jour, que « si le gouvernement envisage l’application de telles mesures fiscales aux produits de l’UE, il devrait, conformément à l’accord d’association (entré en vigueur en) 2006, soulever formellement cette question avec l’UE. Nous en avons informé le gouvernement. » L’ambassadrice de l’UE au Liban, Christina Lassen, s’est d’ailleurs entretenue hier avec le président de la République, Michel Aoun, au palais de Baabda. Selon nos informations, la Délégation européenne évalue actuellement la faisabilité juridique d’une telle « suspension temporaire unilatérale par Beyrouth de l’accord d’association », en consultant notamment son siège à Bruxelles et le Fonds monétaire international « pour voir quelle est la procédure à suivre ». Car toujours selon l’article 34, les conditions déterminant « les graves difficultés en matière de balance des paiements » que connaît un pays doivent être « conformes aux conditions fixées dans le cadre de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce et aux articles VIII et XIV des statuts du FMI ».

Et certains vont même jusqu’à craindre que cette initiative de Beyrouth impacte négativement le processus engagé lors de la conférence de Paris (dite CEDRE), tenue en avril 2018 à Paris. « Ce n’est pas très adroit de la part du gouvernement libanais de prendre une telle décision au moment où il a besoin du soutien de l’Union européenne et des pays membres de l’UE », commente encore un observateur extérieur au Liban. Sur les onze milliards promis par la communauté internationale, la participation des Européens à CEDRE est en effet très conséquente : les pays européens et les institutions de l’UE totalisent 3,3 milliards de dollars de prêts et 769 millions de dons, soit 37 % de l’enveloppe globale.

La disposition fiscale prévue dans le projet de budget de 2019 permettrait à l’État, si elle est approuvée au Parlement, de collecter 763 millions de dollars de recettes en 2019, soit 53,4 % de plus qu’en 2018. « Une telle prévision prend forcément en compte une taxation des produits européens », assure un expert économique. En effet, les exportations de l’UE vers le Liban ont totalisé pas moins de 8,1 milliards de dollars en 2018 (soit 40 % du total des exportations vers le pays), contre des exportations libanaises vers l’UE qui n’ont atteint que 578 millions de dollars la même année, étant donné qu’elles se heurtent à des barrières administratives ou réglementaires. Cette taxe temporaire (jusqu’à fin 2022) de 2 % sur la valeur des importations devra être collectée par les douanes pour le compte du Trésor. Les véhicules électriques et hybrides, les équipements et les matières premières utilisées par les filières agricoles et industrielles en seront exemptés. De même, le gouvernement ne prévoit pas de revoir l’accord de libre-échange avec les pays arabes à cet effet, « car le volume des échanges n’est pas très significatif », estime la source proche du CPL. « On craint surtout des mesures de rétorsion à l’encontre des exportations libanaises », indique une autre source.

Industriels et commerçants convaincus

Le gouvernement semble du moins avoir réussi à convaincre à la fois les industriels et les commerçants de la nécessité d’adopter une telle mesure fiscale. « Nous pensons que c’est la moins mauvaise des solutions pour éviter un carnage commercial, même si on estime que le protectionnisme est une forme de violence économique », affirme le président de l’Association des commerçants de Beyrouth, Nicolas Chammas, qui craignait que cette taxe soit supérieure à 2 %, comme l’avaient initialement prévu les ministres du CPL. Du côté de l’Association des industriels du Liban, « on regrette que seule une infime partie des recettes générées par cette taxe soit destinée au soutien à l’industrie locale », confie son vice-président Ziad Bekdache. La disposition prévoyait initialement que de 2020 à 2022, 35 % des recettes générées par cette taxe seront allouées à des programmes de soutien aux secteurs productifs et au financement des prêts au logement subventionnés, mais cette clause a finalement été supprimée à la dernière minute en Conseil des ministres. Mais on se réjouit surtout d’une autre mesure protectionniste approuvée tout récemment par le gouvernement, suite à une demande formulée par l’AIL en mai 2017. Ainsi, de nouvelles barrières tarifaires et non tarifaires seront introduites pour une vingtaine de produits (les produits laitiers, les biscuits, l’aluminium, les produits métalliques, les détergents, la papeterie...) considérés par le ministère de l’Économie comme faisant l’objet d’une concurrence déloyale. Elles devraient viser particulièrement les produits en provenance de Chine et de Turquie.



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Le gouvernement libanais envisage de revoir temporairement les termes de l’accord d’association le liant à l’Union européenne (UE) en vue de renflouer les caisses de l’État et résorber son déficit public, ont indiqué à L’Orient-Le Jour plusieurs sources locales et extérieures qui évoquent « une suspension unilatérale ». Cet accord s’est traduit par la suppression...

commentaires (7)

dans tout ca, ou est notre ministre -d'etat ?? _ du commerce exterieur etc,,,, bla bla bla ?

Gaby SIOUFI

13 h 48, le 04 juin 2019

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Commentaires (7)

  • dans tout ca, ou est notre ministre -d'etat ?? _ du commerce exterieur etc,,,, bla bla bla ?

    Gaby SIOUFI

    13 h 48, le 04 juin 2019

  • Rien ne fonctionne comme prévu. C'est inquiétant

    Sarkis Serge Tateossian

    13 h 42, le 04 juin 2019

  • 2% est très peu à mon avis. La moitié ira dans la réorganisation administrative qui va accompagner un tel changement au niveau des douanes. 5% restera un taux indolore pour les importateurs je pense.

    Shou fi

    12 h 55, le 04 juin 2019

  • FAUSSES IDEES. FAUX CALCULS. NOS ABRUTIS CORROMPUS, IGNORANTS, INCOMPETENTS, M,ENFOUTISTES, RESPONSABLES CRIMINELLEMENT DES DEBOIRES DE L,ECONOMIE ET DES FINANCES DU PAYS ONT PERDU LA LOGIQUE DES CHOSES. ILS NE SAVENT PLUS CE QU,ILS FONT. PREUVE CE PROJET DE BUDGET AVEC DE MAIGRES MESURES ET DES REFORMES DE LA BLAGUE ET QUI NE SERONT POINT APPLIQUEES EXCEPTION FAITE DE 2/3 MESURES EN EXEMPLE LA TAXE SUR LES INTERETS DES DEPOTS QUI FRAPPE UNE PARTIE SILENCIEUSE DU PEUPLE ET SURTOUT DE LA DIASPORA LIBANAISE ET QUI RESULTERA EN MOINS DE DEPOTS VENANT AU PAYS. IL FAUT QU,ILS DEGAGENT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 27, le 04 juin 2019

  • Et voilà, nos brillants responsables à la recherche de sous pour remplir les caisses qu'eux-mêmes ont vidées pendant des années ! Comme d'habitude, ces recherches se font sans trop réfléchir et à la va-vite, quitte à perdre encore plus de sous...ainsi que notre crédibilité auprès de l'UE ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 41, le 04 juin 2019

  • "les pays européens et les institutions de l’UE totalisent 3,3 milliards de dollars de prêts et 769 millions de dons, soit 37 % de l’enveloppe globale: Des prêts grâce auxquels ils feront marcher leurs industries puisque le Liban s'engagera dans de nouveaux projets de construction exécutés par des entreprises européennes (il me semble) et devra payer des intérêts à ses créditeurs... Si l'UE doit payer 2% de taxes, ce n'est pas la fin du monde... mais peut-être une (petit) juste retour des choses...

    NAUFAL SORAYA

    07 h 48, le 04 juin 2019

  • Il est utile de savoir s’il y aura rétorsion : quel serait le sort que L’UE réserverait aux (rares) exportations libanaises qui bénéficient actuellement d’exemptions de droits de douane. (Certificat EUR1)

    Chelhot Michel

    01 h 57, le 04 juin 2019

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