Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, s’est attiré les foudres de sa collègue, la ministre de l’Intérieur, Raya el-Hassan, à la suite des flèches indirectes, mais on ne peut plus explicites, adressées au directeur des FSI, le général Imad Osman, ainsi qu’au service des renseignements de ces forces.
Poursuivant ses tournées dominicales dans les régions, Gebran Bassil a visité hier plusieurs secteurs du caza de Baabda à partir desquels il a pris soin, en haranguant ses partisans, à envoyer des messages politiques dans plusieurs directions, suivant un modèle d’expression qui lui est devenu propre : « nous » pour parler de son courant politique, des réformateurs ou des militants contre la corruption et « eux » ou « ils » pour désigner tantôt ses détracteurs, tantôt ses cibles.
Dans son intervention à Chiyah, le chef du CPL a dit n’avoir « à aucun moment évoqué le remplacement du général Osman ». « Je connais les qualités et les défauts des gens. J’avais suggéré au bloc (du CPL) de présenter une proposition de loi pour légaliser les services de renseignements (des FSI) dont nous tirons profit de l’action, mais cela ne veut pas dire qu’on peut essayer de nous asservir sur base de ce que nous n’avions pas dit ou qu’on exerce des pressions sur nous, par l’intimidation ou des actes illégaux », a-t-il dit.
« Le directeur des FSI n’a pas le droit d’être au-dessus du Premier ministre, de signer des permis de construction de forage de puits et d’exploitation de carrières de sable et de graviers. Nous ne pouvons plus tolérer ces comportements alors que le Liban est dans une situation lamentable », a-t-il encore affirmé, avant d’insister : « Certains se croient au sein de l’État supérieurs au chef du gouvernement, de la Direction de l’urbanisme et des ministères de l’Environnement et de l’Énergie et menacent de suspendre leurs activités si on leur fait la remarque. Personne ne peut nous menacer. Ces méthodes n’affectent pas le CPL. Ils n’ont rien qui leur permette de pratiquer le chantage sur nous. »
Bien que ciblant directement le chef des FSI, Gebran Bassil a pris soin d’établir une distinction entre sa cabale contre le général Osman et ses rapports avec le courant du Futur dont relève ce dernier. Il a ainsi souligné l’importance de « l’entente politique (avec ce parti) que nous devons préserver à tout prix », estimant que celle-ci « ne justifie pas le maintien de la corruption ». « Ceux qui veulent compromettre cette entente sont connus et seront dévoilés. (…) Le rôle du Premier ministre et du président est de dévoiler la corruption, pas de la couvrir. Le CPL va démontrer qu’il ne couvre aucun corrompu (…). » Ils « ont inventé “la feuille de propositions de Bassil” lors de l’examen du budget et ont commencé à parler d’atteintes à des prérogatives parce qu’ils redoutent un ébranlement de l’édifice de la corruption (…) qui contrôle les Libanais et qui a réduit le Liban à ce niveau. »
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« Du parasitage »
Tout aussi incisive a été la réponse de la ministre de l’Intérieur, Raya el-Hassan, qui, dans un communiqué de son bureau de presse, a sans ambages demandé à son collègue de « cesser de pratiquer le parasitage sur d’autres ministères qui ne relèvent pas de sa compétence », après lui avoir reproché de « recourir à l’escalade à chacune de ses tournées hebdomadaires et d’avoir réussi haut la main à susciter et approfondir les divisions sur des questions les plus simples ». Après avoir indiqué qu’elle « comprend le programme et les motivations » de M. Bassil, Mme Hassan lui a aussi vivement reproché de « donner l’impression d’être le seul réformateur dans le pays et de présenter ses propos comme étant des principes devant servir de modèle ».
Elle a dénoncé « une insistance à généraliser un discours fondé sur la diffamation et le dénigrement pour ce qui se rapporte à l’Intérieur », avant d’assurer qu’elle ne « tolérera pas une atteinte aux services de sécurité ». Mme Hassan a indirectement accusé son collègue des Affaires étrangères de mener campagne contre les services de renseignements des FSI et le général Osman parce qu’il serait « importuné par le fait que ce service a concrétisé dans la pratique la lutte contre la corruption ». « Tout le monde sait où, qui et comment certains essaient de freiner cette lutte parce qu’elle est parvenue à celui qui se considère comme une ligne rouge. » « Leurs actes sont-ils à ce point contraires à leurs discours ? » s’est-elle interrogée avant de préciser que « si les carrières qui avaient obtenu des permis de l’ancien ministre de l’Environnement (Tarek el-Khatib), sans consultation préalable du Conseil national des carrières, avaient été autorisées à fonctionner, le Liban tout entier aurait été transformé en une carrière géante ». Elle a défié M. Bassil de lui présenter « un seul document prouvant que le général Osman a autorisé l’exploitation d’une carrière ».
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Pour ce qui est des permis de construction et de creusement de puits artésiens, Mme Hassan a expliqué que « cette affaire remonte à plus de dix ans et que tous les partis politiques, dont le CPL, en avaient profité ». « Je n’essaie pas de justifier quoi que ce soit, mais je ne peux que m’interroger sur les motivations de ce sursaut, qui, par un coup du hasard, a coïncidé et culminé avec l’ouverture du dossier de la corruption judiciaire au point de suggérer le recours à la formule du juge corrompu en échange d’un officier corrompu », en allusion au bras de fer entre le général Osman et le juge Peter Germanos sur fond d’affaires judiciaires.
La ministre de l’Intérieur a conclu en faisant référence en ces termes mais sans la citer à l’affaire de l’acquittement de l’ancienne responsable de sécurité Suzanne el-Hajj : « Cessons de faire l’éloge de la transparence et de l’indépendance de la justice maintenant qu’on vient d’asséner un coup profond et prémédité au corps de la magistrature. »
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commentaires (9)
Bravo madame.
Christine KHALIL
10 h 12, le 05 juin 2019