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Liban - Décryptage

Le cri du commandant en chef de l’armée

C’est un véritable cri du cœur qu’a lancé samedi le commandant en chef de l’armée à partir d’un lieu tout en symboles, le musée Fouad Chéhab à Jounieh. Le général Joseph Aoun, qui a évité depuis sa désignation à la tête de l’armée en 2017 d’entrer dans des polémiques avec les différents leaders et courants politiques, préférant se concentrer sur l’armée et rien que sur elle, s’est vu contraint de briser le silence pour dénoncer les restrictions prévues dans le budget de l’armée.

« On cherche à nous encercler », a-t-il affirmé, sans donner de détails ni expliquer son idée, dans l’espoir que le message parvienne à qui de droit. Cette petite phrase en dit pourtant long sur le malaise qui règne au sein de l’armée depuis qu’ont commencé les débats ministériels sur le projet de budget, et dont les militaires à la retraite se sont plus ou moins fait l’écho à travers leur mouvement de protestation.

Depuis sa désignation à la tête de l’armée, le général Joseph Aoun sait que sa mission n’est pas facile, surtout dans une période aussi délicate au Liban et dans la région. En apparence, tous les courants politiques déclarent haut et fort leur appui à l’armée, mais dans les coulisses, la plupart d’entre eux estiment avoir un droit de regard sur la mission de la « grande muette », et même sur ses nominations internes.

Ce sont d’ailleurs ces tiraillements politiques qui avaient paralysé l’armée pendant les années de la guerre dite civile (1975-1990), lorsque les brigades se sont divisées selon la coloration confessionnelle et politique, sauf la fameuse « huitième brigade » qui avait tenu ce qu’on avait appelé « le verrou de Souk el-Gharb » (face aux forces qui, à un moment donné, voulaient atteindre le palais de Baabda), et dont le chef était Michel Aoun. Des années plus tard, après l’éviction du général Michel Aoun de Baabda, le général Émile Lahoud a entamé la difficile mission de réunifier la troupe en lançant une vaste opération de mixage des brigades et en instaurant le service militaire obligatoire pour permettre aux jeunes de se retrouver dans de mêmes tranchées. Mais pour que cette mission puisse être accomplie, il fallait avant tout relever les salaires des militaires, qui étaient très bas, et leur donner des avantages économiques, pour réduire leurs liens avec leur confession ou avec la classe politique. En même temps, l’armée a été dotée d’une ligne idéologique claire, en harmonie avec l’accord de Taëf qui définit Israël comme étant l’ennemi et qui reconnaît le droit à la résistance pour libérer le territoire. Il a fallu attendre les arrangements d’avril 1996 pour que la résistance du Hezbollah soit officiellement reconnue. L’armée a alors instauré une sorte de modus vivendi avec cette formation qui a largement contribué à la stabilité interne du pays. Les crises ont eu beau se succéder au Liban, l’armée n’a pas été ébranlée et sa popularité est restée intacte auprès des citoyens qui, selon des sondages effectués par des universités, la considèrent comme l’institution publique la plus efficace. Avec la désignation de Joseph Aoun à la tête de la troupe, la confiance populaire dans l’armée s’est renforcée, surtout après « la bataille du jurd » (été 2017) contre le groupe État islamique et l’ex-Front al-Nosra, qui a permis d’éloigner la menace terroriste du Liban, et grâce aussi au renforcement de la coopération entre les différentes institutions militaires et les services de sécurité du pays.

Depuis son arrivée à la tête de l’armée, le général Joseph Aoun est resté discret, apparaissant peu dans les médias, tout en donnant l’image d’une grande efficacité. Il a même réussi à se rendre quatre fois aux États-Unis, à l’invitation des autorités militaires américaines, sans susciter de critiques de la part d’une classe politique divisée sur tous les sujets, et qui fait en général feu de tout bois. Jusqu’à présent, il a donc réussi à éviter les pièges qui seraient de nature à remettre l’armée au cœur des conflits internes, et voilà que soudain, tous ces acquis semblent remis en question. Non seulement il est question, dans le cadre des coupes budgétaires, de toucher aux salaires et aux indemnités des militaires, mais de plus, ce sujet a été exposé dans les médias de façon désobligeante pour les soldats, au lieu d’être discuté discrètement par les autorités concernées. De nombreux militaires ont eu l’impression que l’armée a été ainsi jetée en pâture aux médias, alors que jusque-là, les problèmes concernant l’armée avaient été réglés dans la plus grande discrétion, pour ne pas égratigner l’image de la troupe et sa crédibilité.

Pour certains, la campagne actuelle vise à discréditer l’armée dans le cadre d’un plan préétabli destiné à détruire systématiquement l’État et ses institutions, pour replonger le Liban dans un chaos qui ne profite qu’à ses ennemis. Pour d’autres, il s’agit plutôt d’une tentative maladroite de faire des coupures rapides dans le budget dans le but de satisfaire les bailleurs de fonds étrangers. Loin de toutes ces analyses et interprétations, le commandant en chef de l’armée a tiré samedi la sonnette d’alarme. Reste à savoir si son cri a été entendu.

C’est un véritable cri du cœur qu’a lancé samedi le commandant en chef de l’armée à partir d’un lieu tout en symboles, le musée Fouad Chéhab à Jounieh. Le général Joseph Aoun, qui a évité depuis sa désignation à la tête de l’armée en 2017 d’entrer dans des polémiques avec les différents leaders et courants politiques, préférant se concentrer sur l’armée et rien...

commentaires (4)

Aujourd'hui j'ai vu des soldats avec des boucliers anti émeutes. Comprenne qui pourra la mission de la troupe

M.E

17 h 44, le 03 juin 2019

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Commentaires (4)

  • Aujourd'hui j'ai vu des soldats avec des boucliers anti émeutes. Comprenne qui pourra la mission de la troupe

    M.E

    17 h 44, le 03 juin 2019

  • ON CRITIQUE JAMAIS NOTRE ARMÉE. MAIS QU'ON ON ENTANT DES RUMEURS, "FAUX OU VRAIS" QUE DES FAUX OFFICIERS SANS DIPLÔMES SE TROUVENT DANS LES RANGS DE NOTRE ARMÉE. PARCE QU'ILS APPARTIENNENT À DES PARTIS POLITIQUES, ON SE POSE BEAUCOUP DE QUESTIONS. ET CE N'EST PAS QU'AVEC CES GENS LÀ QUE LE CHEF AOUN VA METTRE ISRAEL À GENOUX COMME IL NOUS A PROMIS RÉCEMMENT.

    Gebran Eid

    15 h 29, le 03 juin 2019

  • L,ARMEE RESPECTEE PAR TOUS. MAIS UN PEU DE SACRIFICES FINANCIERS POUR LA PARTICIPATION AU SAUVETAGE DU PAYS NE LUI FERAIT PAS DE MAL.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 27, le 03 juin 2019

  • ...Que tout le monde sans exception, se le tienne pour dit... Cette mise en garde et ce message multidirectionnel du Général en chef de l'Armée: 1- Ne mêlez pas politique, lutte contre la corruption et statut administratif et budgétaire de l'Armée. 2- Ne remettez pas en question la ligne idéologique adoptée par l'Armée (confortée par la nomination du Général Joseph Aoun).Aucun des associés à cette ligne ne doit essayer de profiter de sa situation personnelle, pour déstabiliser l'Armée, ou y créer des déséquilibres et des sujets de discorde en son sein ou entre elle et les différents partis et composantes socio politiques agissants sur la scène intérieure ou même régionale...! 3- Evitez de mêler les deux piliers essentiels de la République, l'Armée et les Finances Publiques aux "magouilles" des Politiques, car celà aboutira immanquablement à l'éclatement de l'Etat de Droit et la fin de l'Entité Nationale. A bon entendeur, salut !

    Salim Dahdah

    10 h 31, le 03 juin 2019

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