Rechercher
Rechercher

La Consolidation de la paix au Liban - Mai 2019

Lorsque les disparus de la guerre contribuent à la consolidation de la paix civile

« Tant que Georges n’est pas revenu, ni la paix au Liban ni la reconstruction ne me concernent ! ». C’est ce qu’a répondu Oum Georges au journaliste qui lui demandait son avis sur la paix civile et le chantier de la reconstruction. 

La paix a été déclarée au Liban en 1990,** sans que l’on évoque le drame des personnes disparues ni celui de leurs familles. Ce qui signifie que cette paix était et est encore incomplète et fragile, menacée d’être ébranlée à tout instant.

Ce qui faisait pleurer dans ce processus officiel, qui n’a pas su tourner la page de la guerre, est devenu risible avec la tendance officielle actuelle de considérer les familles des disparus comme une menace pour la paix civile. Chaque fois que ces familles réclament le droit à connaître le sort de leurs disparus, elles sont accusées de vouloir rallumer une nouvelle guerre.

Pourtant, la meilleure preuve de la fragilité de la paix civile actuelle est dans le retour des responsables politiques aux barricades de la guerre et les appels adressés à leurs partisans de descendre dans la rue, dès qu’il y a un conflit politique entre eux. A chaque divergence, ils menacent ainsi la sécurité des citoyens.

29 ans après l’annonce de cette paix « venue d’en haut et de l’extérieur »***, une loi « venue d’une base populaire et de l’intérieur » était promulguée. Elle était destinée à consolider la paix civile, à travers la nécessité de connaître le sort des personnes disparues pendant la guerre. Ce point fait d’ailleurs partie de ses attendus ****.

On peut dire ainsi que les familles des disparus de la guerre ont réussi à obtenir une reconnaissance légale et juridique de leur droit à connaître le sort de leurs proches. Cette loi est un passage obligé vers la véritable réconciliation interne. Seule la connaissance du sort des disparus, qu’ils soient morts ou vivants, ouvrira la voie au pardon. La reconnaissance de ces crimes de guerre et de l’ampleur de l’injustice qui a frappé les familles peut contribuer à alléger le drame qu’elles ont vécu et les sortir de leur statut de victimes.

La connaissance de la vérité sur le sort des disparus est donc aujourd’hui un droit consacré par la loi, grâce aux familles. C’est une loi sociale par excellence qui couvre la nécessité de connaître toutes les vérités cachées et qui jette les fondements de l’édification de l’État sur la base d’une mémoire unifiée, de l’égalité, de la justice et de la démocratie. La reconnaissance par l’État de la nécessité de dévoiler le sort des disparus en les considérant comme des êtres humains comme les autres, des citoyens égaux sans distinction confessionnelle ou régionale et sans les appréhender comme appartenant à une communauté déterminée, est le premier pilier de la construction de la paix et de la consolidation de la société, et empêche ainsi cette dernière de glisser vers une nouvelle guerre.

Certains peuvent dire : cela suffit de faire des analyses pour rendre hommage à cette loi et la considérer comme une victoire. Y a-t-il un État au Liban pour l’appliquer ? Cessez de rêver !

A ceux-là, je répondrai : Nous avons le droit de rêver d’une patrie, car désormais le plat est sur le feu. Pour bien cuire, il a besoin des informations que tous, les coupables et les autres, doivent nous transmettre. Tous doivent profiter de l’équation que nous avons imposée : les informations sur le sort des disparus, en contrepartie du pardon. C’est la seule voie qui mène à la naissance d’une patrie qui nous rassemble, édifiée sur les bases d’une paix réelle et profonde. Je demande aussi à l’État de nous aider à construire une véritable paix civile, celle qui dure et qui est à la base de la patrie qui unit.


* Présidente du Comité des parents de personnes enlevées et disparues au Liban

**‭ ‬Le Parlement libanais‭ ‬a approuvé en date du 5/11/1989‭ ‬l’accord de Taëf‭ ‬qui mettait fin aux hostilités dans le pays‭.

‭*** ‬Même‭ ‬source‭, ‬comprendre‮ ‬‭: ‬les députés libanais réunis à Taëf‭, ‬en Arabie‭ ‬Saoudite‭, ‬pour approuver l’accord du même nom‭.‬

‭**** En‭ ‬date du 30/11/2018‭, ‬le Parlement a adopté la loi n°105‭ (‬Loi sur les victimes de disparition forcée‭), ‬au terme‭ ‬d’un combat acharné de 36‭ ‬ans mené par les parents et proches des victimes‭.‬


Les articles, enquêtes, entrevues et autres, rapportés dans ce supplément n’expriment pas nécessairement l’avis du Programme des Nations Unies pour le développement, ni celui de L'Orient-Le Jour, et ne reflètent pas le point de vue du Pnud ou de L'Orient-Le Jour. Les auteurs des articles assument seuls la responsabilité de la teneur de leur contribution.





When the Missing Contribute to Building Civil Peace


Peace was declared in Lebanon (1990)** without heeding the tragedy of missing persons and their families, which means that peace was and remains imperfect, fragile and at risk of relapsing into conflict.

What is regrettable about an official course that got it wrong when closing the book on the war has now become laughable as this «official» side has now turned to accusing the families of the victims of undermining the civil peace and laying the ground for a new war, every time they demand for their right to know the fate of their missing.

What is most revealing of the fragility of this «peace» is the return of officials to belligerent discourse at every chance they get and with any disagreement, and their supporters taking it to the streets, threatening people’s security and safety.

Twenty-nine years after the proclamation of that peace «a top down»***, externally enforced proclamation of peace, a law was passed a nationally driven grassroots, «bottom up law» was passed aiming to strengthen civil peace by revealing the fate of the missing and the forcibly disappeared according to its explanatory statement.****

The families of the missing and the forcibly disappeared succeeded in enshrining their right to know the fate of their loved ones in a legal document. The application of the provisions of this law is the inevitable path toward real reconciliation. Only the truth about the fate of the missing-alive or dead-would open the door to forgiveness. Recognizing the war crimes and the extent of injustice inflicted on their families will contribute to alleviating their chronic suffering and delivering them from their «victimhood».

Knowing the truth is a right enacted by the families. It is, first and foremost, a societal right that applies to knowing all the facts, and lays the groundwork for rebuilding the state on the basis of a unified memory, and of equality, justice and democracy. The State’s formal approval of the search for missing persons means searching for them as human beings, as equal citizens without any sectarian, religious or regional discrimination rather than as subjects of religious groups. This is the first foundation of peacebuilding and of inoculating society against a relapse into war.

Some may say, enough with speculation and cheering for this law, there’s no government in Lebanon to implement it, surely, you’re dreaming?!

It is our right to dream of a homeland after our «chickens have hatched». To raise them, we need a «trough» of information from everyone, perpetrators and non-perpetrators alike. Let everyone benefit from our exchange of knowledge for forgiveness because we look forward to the resurrection of a nation that comes together on the basis of the true values of civil peace.

We ask the State to give us a hand and contribute to building civil peace.


* Head of the Committee of the Families of the Disappeared and Missing

**On November 5, 1989, the Parliament ratified the Taif Agreement, by virtue of which hostilities were ended in Lebanon

***Ibid., i.e. The meeting of Lebanese MPs in the city of Taif, Saudi Arabia, and the approval of the Taif Agreement

****On November 30, 2018, the Parliaments enacted Law No. 105 (Law for the Missing and Forcibly Disappeared), as a result of the 36-year-long unflagging struggle of the families of these victims


The articles, interviews and other information mentioned in this supplement do not necessarily reflect the views of the United Nations Development Programme nor of L'Orient-Le Jour. The content of the articles is the sole responsibility of the authors.

La paix a été déclarée au Liban en 1990,** sans que l’on évoque le drame des personnes disparues ni celui de leurs familles. Ce qui signifie que cette paix était et est encore incomplète et fragile, menacée d’être ébranlée à tout instant.Ce qui faisait pleurer dans ce processus officiel, qui n’a pas su tourner la page de la guerre, est devenu risible avec la tendance officielle...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut