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La Consolidation de la paix au Liban - Mai 2019

Éducation aux médias et transformations culturelles

Dans un pays réputé pour ses guerres civiles, son sectarisme religieux, son racisme, son élitisme, son sexisme, son homophobie et son faible sens de la citoyenneté et de l’identité, quel rôle peut jouer l'éducation aux médias pour réduire les divisions et transformer les cultures de conflit, de contradiction et d’exclusion en cultures d'humanisme universel, d'harmonie communautaire et de justice inclusive ? Les médias libanais continuent de reproduire les divisions sociales et politiques, ainsi que le système patriarcal confessionnel corrompu et enraciné. Les faibles niveaux d'instruction sur les médias parmi le public et le manque d'éducation aux médias dans les écoles et les universités signifient que les reflets gênants des maux sociaux entretenus par ces médias restent incontrôlables, non contestés et souvent invisibles. L’éducation aux médias a le potentiel de faire passer les individus et les collectivités de leur statut de consommateurs dociles et passifs de contenus médiatiques qui divisent, en acteurs, producteurs, réinventeurs et perturbateurs actifs et autonomes des messages et processus médiatiques, devenant ainsi des agents de transformation culturelle.

© Illustration Mona Abi Wardé

L'éducation aux médias a beaucoup à offrir au Liban et à la région. Pourtant, elle en est encore à ses balbutiements et a du mal à s'ancrer dans les écoles et les universités, malgré les nombreux progrès réalisés au cours des dix dernières années. Mais les problèmes directement ou indirectement liés au faible niveau d'instruction aux médias s'étendent au-delà de la sphère politique et peuvent être liés au consumérisme généralisé du Liban et à une culture matérialiste croissante, obsédée par l'apparence physique, les titres et le statut, et compliquée par une identité conflictuelle se nourrissant de modernité – en particulier une interprétation superficielle de la modernité occidentale – et s’accrochant en même temps à des valeurs oppressives traditionnelles et contradictoires. Ajoutez à cela la discrimination généralisée à l'égard des femmes et de nombreuses minorités, qui restent gravement sous-représentées aux postes de responsabilités, en particulier dans les secteurs publics et les médias, et sont confrontées à un panel oppressif de lois discriminatoires, assorti uniquement de stéréotypes sexuellement répandus, objectivant une culture paradoxale de la sexualité, laquelle confond l'affichage sexuel postmoderne du corps avec les attentes traditionnelles d'hétéronormativité. Sans parler de la pandémie de dépendance numérique, qui affecte autant les jeunes que les adultes, mais dont l’effet négatif sur le développement – mental, physique et social – sur les enfants n’a pas encore été pris en compte.

L’éducation aux médias incite en revanche les élèves à poser des questions analytiques sur l’auteur du message, les intentions, les objectifs, la conception, les méthodes de persuasion, les techniques de création, les publics ciblés, ainsi que sur les styles de vie et les valeurs représentées. Elle leur permet de répondre avec une voix, du texte, des images, du son, des vidéos et des données empaquetées de manière convaincante et crédible, puis efficacement canalisées. Nos étudiants ont appris dans nos recherches que l'éducation aux médias développait une compréhension nuancée de cette industrie et un discernement sophistiqué de son influence et de ses processus. « Le cours a changé ma vision du monde et de mon rôle dans le monde » est la réaction commune de nombreux étudiants qui ont suivi un cours ou un atelier de formation aux médias, même plusieurs années après l'obtention de leur diplôme. Henry Jenkins a souligné que l'éducation aux médias permet de créer une forte culture participative et, partant, d'aider les jeunes à devenir des citoyens autonomes et engagés, capables de créer avec confiance des expressions culturelles diverses. Et ceci n'est que la pointe émergée de l'iceberg. Nous recherchons un concept d’éducation aux médias qui induirait un changement réel, profond et significatif dans les sociétés libanaise et arabe. Le temps est venu de faire progresser l'éducation aux médias dans les écoles et les universités du Liban. Nous avons un besoin urgent d'un changement d'éducation qui puisse offrir une pédagogie de la libération et du changement culturel.


* Président du Département des arts de la communication à la Lebanese American University


Les articles, enquêtes, entrevues et autres, rapportés dans ce supplément n’expriment pas nécessairement l’avis du Programme des Nations Unies pour le développement, ni celui de L'Orient-Le Jour, et ne reflètent pas le point de vue du Pnud ou de L'Orient-Le Jour. Les auteurs des articles assument seuls la responsabilité de la teneur de leur contribution.




Media Education and Cultural Transformations


In a country notorious for recurrent civil strife, religious sectarianism, racism, classism, sexism, homophobia, and a weak sense of citizenry and identity, what role can media education—or media literacy—play to bridge divides and transform cultures of contention, contradiction and exclusivity to cultures of universal humanism, communal harmony, and inclusive justice? Lebanese media continue to reproduce social and political divisions and the entrenched, corrupt confessional patriarchal system. Weak levels of media literacy among the public and lack of media education at schools and universities means that such troublesome media recreations of social ills go unchecked, unchallenged and often unseen. Media education has the potential to transform individuals and communities from passive docile consumers of divisive media content, to active and empowered producers, reinventors, and disruptors of media messages and processes, thereby becoming agents of cultural transformations.

Media education has much to offer Lebanon and the region, yet it remains in its infancy, struggling to find a footing in schools and universities, despite many advances in the past decade. But problems directly or indirectly related to low media literacy levels extend beyond the political sphere and may be linked to Lebanon’s widespread consumerism and a growing materialist culture, obsessed with physical appearance, titles and status, and additionally complicated with a conflicted identity that strives for modernity—particularly a superficial interpretation of western modernity—yet clings onto contradictory traditional oppressive values. Add to that widespread discrimination against women and many minorities, who remain severely underrepresented in positions of power, especially in government and media industries, and face an oppressive regime of discriminatory laws, matched only by rampant sexually objectifying media stereotypes and a paradoxical culture of sexuality that conflates postmodern sexual body display with traditional expectations of heteronormativity. Not to mention the pandemic of digital addiction that has plagued youth and adults equally, but its adverse developmental effect—mental, physical and social—on children is yet to be reckoned.

Media education instills a sense of almost reflex-like criticality that compels students to ask analytical questions about a message’s author, intentions, purposes, design, persuasion methods, creative techniques, targeted audiences, and the lifestyles and values represented. It empowers them to respond with voice, text, pictures, sound, video and data that are packaged persuasively and credibly, and channeled effectively. We know from students we have engaged in our research that media education develops a nuanced understanding of the media industry and a sophisticated understanding of media influence and processes. “The course changed my view about the world and my role in it” is a common statement by many students who have taken a course or workshop in media literacy, even years after they graduate. Henry Jenkins noted that media education helps foster a strong participatory culture, and accordingly helps youth become empowered and engaged citizens able to confidently create diverse cultural expressions. And that is only the tip of the iceberg. We seek a brand of media education that instigates real, deep and significant change in Lebanese and Arab societies. The time is ripe for advancing media literacy education in Lebanese schools and universities. We urgently need a shift in education that offers a pedagogy of liberation and cultural change.


* Chairperson, Department of Communication Arts, Lebanese American University


The articles, interviews and other information mentioned in this supplement do not necessarily reflect the views of the United Nations Development Programme nor of L'Orient-Le Jour. The content of the articles is the sole responsibility of the authors.

L'éducation aux médias a beaucoup à offrir au Liban et à la région. Pourtant, elle en est encore à ses balbutiements et a du mal à s'ancrer dans les écoles et les universités, malgré les nombreux progrès réalisés au cours des dix dernières années. Mais les problèmes directement ou indirectement liés au faible niveau d'instruction aux médias s'étendent au-delà de la sphère...

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