La dix-huitième réunion du Conseil des ministres qui s’est tenue hier au Grand Sérail pour discuter du budget 2019 aurait dû être la dernière. Les dissensions entre les ministres des Affaires étrangères, Gebran Bassil, et des Finances, Ali Hassan Khalil, ont eu raison des prévisions. Une conférence de presse conjointe entre le Premier ministre Saad Hariri et le ministre des Finances pour annoncer l’adoption du budget (qui doit encore être débattu au Parlement) n’a donc pas eu lieu. M. Hariri a donné 48 heures aux ministres pour examiner l’avant-projet du budget avant une nouvelle réunion demain vendredi, à 13h30.
Dans les détails, le ministre Bassil a insisté pour un examen d’une série de propositions qui, selon lui, réduiraient encore davantage le déficit public. Une source proche du dossier a précisé à L’Orient-Le Jour qu’il ne s’agit pas de nouvelles propositions, mais de la quarantaine de mesures proposées par M. Bassil et qui n’ont pas encore été examinées dans leur totalité. Les critiques formulées par le ministre des AE à l’encontre du budget préparé par M. Khalil ont créé des tensions durant la réunion, selon certaines sources, ce dernier estimant que le maximum a été réalisé dans le cadre de ce budget, et que les mesures proposées peuvent faire l’objet de décrets ministériels ultérieurs et ne doivent pas nécessairement être incluses dans le projet proprement dit.
Les rumeurs de tensions ont été démenties par le ministre de l’Information Jamal Jarrah, qui a assuré aux journalistes que l’atmosphère était « calme ». Suivant une source bien informée interrogée par L’OLJ, la discussion s’est effectivement déroulée dans le calme lors de la réunion d’une commission restreinte qui a regroupé, autour de Saad Hariri, MM. Bassil, Khalil, ainsi que le ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohammad Fneich (Hezbollah), son collègue de l’Industrie, Waël Bou Faour (PSP), et celui du Travail, Camille Abousleiman (Forces libanaises). Seules deux mesures auraient été discutées au cours de cette réunion, celle de la remise en question de la mesure n° 3 sur les indemnités des militaires (des réunions ultérieures entre la ministre de l’Intérieur Raya el-Hassan et des responsables militaires ont été décidées), et le plafond des frais de scolarité des enfants de fonctionnaires. Cependant, l’atmosphère était bien plus tendue lors du Conseil des ministres qui a suivi cette première réunion, là où tout consensus s’est avéré impossible à atteindre.
« Les discussions étaient objectives, audacieuses et se sont déroulées dans le calme. Il n’y a eu aucune tension ou passe d’armes, a déclaré M. Jarrah. De nouvelles propositions sur la table doivent être examinées par le ministre des Finances, qui doit évaluer leurs conséquences financières. » « Nous n’avons qu’un seul but, réduire le déficit budgétaire, a-t-il poursuivi en réponse à une question. Si ces nouvelles propositions aideraient à le réduire davantage, pourquoi pas ? » Selon lui, « le déficit est désormais passé de 7,68 % (chiffre annoncé il y a deux jours) à 7,5 % du PIB ».
(Lire aussi : Les principales dispositions prévues dans le projet de budget de 2019)
« Un objectif qu’il est possible d’atteindre »
Interrogé par L’OLJ sur le déroulement des réunions, le ministre Camille Abousleiman précise que « les Forces libanaises ont été les premières à exiger des mesures visant à réduire significativement le déficit budgétaire ». « Nous sommes prêts à discuter de toute mesure qui pourrait atteindre cet objectif, mais à condition que ce soit rapide, car il faut savoir que le mieux est l’ennemi du bien, poursuit-il. À partir d’un certain moment, toute journée de retard devient bien plus coûteuse que les mesures supplémentaires qui pourraient être adoptées. Je pense que nous sommes parvenus à un objectif acceptable qui est celui d’un déficit à 7,5 % du PIB. Mieux vaut se fixer un objectif qu’il est possible d’atteindre qu’un autre, plus ambitieux, mais que nous dépasserons en cours d’année, comme cela a été le cas dans les années précédentes. »
Selon la chaîne MTV, les propositions de Gebran Bassil ont tourné autour d’une douzaine d’idées, dont quelques-unes seulement ont été discutées hier par la commission pour cause de manque de temps, avant le début de la réunion du Conseil des ministres. Parmi ces propositions, un réexamen de la remise en question de la mesure n° 3 à l’encontre des indemnités dues aux militaires (M. Bassil pense que les forces armées peuvent réduire bien davantage le montant des indemnités), et la réduction du plafond des frais de scolarité pour les enfants de fonctionnaires (pour lequel il n’y a pas eu de consensus en Conseil des ministres).
Les autres mesures proposées par M. Bassil sont les suivantes : imposer des taux d’intérêt bancaires sur les bons du Trésor et sur les eurobonds détenus par la Banque du Liban (qui en étaient exemptés jusque-là), combattre la contrebande aux frontières, décréter une réduction supplémentaire des budgets des ministères (l’affaire a causé un tollé en Conseil des ministres), augmenter les taxes sur le gravier et le sable de 1 000 à 1 500 livres, imposer des taxes sur les yachts, annuler le ministère des Déplacés, réduire les salaires élevés dans l’administration, annuler les 5 000 postes pourvus récemment dans la fonction publique.
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Réunion de bras-cassés populistes.
paznavour
11 h 23, le 23 mai 2019