Alors que le Conseil des ministres a consacré pas moins de 15 réunions à l’examen de l’avant-projet de budget depuis le 30 avril, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a confirmé ce week-end que le gouvernement envisageait bien d’émettre des bons du Trésor à taux réduits afin d’alléger le service de la dette.
Dans un message publié samedi sur Twitter, le ministre a évoqué une nouvelle émission de 11 000 milliards de livres libanaises, soit plus de 7,2 milliards de dollars, avec un taux d’intérêt de 1 %, ce qui, selon lui, permettra à l’État d’économiser 1 000 milliards de livres (plus de 663 millions de dollars). Contacté par Reuters, M. Hassan Khalil a précisé que le ministère des Finances lancerait cette nouvelle émission – si elle devait avoir lieu – avec la Banque du Liban (BDL) et les banques du pays « après l’adoption du budget », sans plus de détail, notamment sur leur terme.
Selon une source bancaire anonyme, l’information circule depuis le début du mois et explique que l’État ne soit pas pressé de lancer une nouvelle émission d’eurobonds (titres de dettes en devises), ce qu’il prévoyait initialement de faire aujourd’hui pour un montant de 2,5 à 3 milliards de dollars selon les annonces qui avaient été faites. « La formule qui avait été présentée au début prévoyait deux émissions distinctes à 1 % : une première en livres, pour un total équivalent à 5 milliards de dollars, et une seconde en devises, pour un montant de 3 milliards de dollars, le tout sur cinq ans. Le changement de formule, s’il se confirme, est sans doute le résultat de négociations qui ont dû avoir lieu entre le gouvernement, la BDL et le secteur bancaire », confie-t-elle.
Le fait que ces obligations ne sont pas aux taux du marché veut dire qu’elles ne pourront pas être négociées sur le marché secondaire. « C’est une mesure exceptionnelle qui va impacter les profits des banques. Elle n’est pas risquée en soi et doit permettre de donner de la marge aux dirigeants pour mettre en œuvre les réformes qu’ils vont inscrire dans le budget. Sans réformes, cela ne servira par contre qu’à gagner un peu de temps », expose la source précitée.
Le Liban doit adopter un budget pour l’année 2019 qui reflète les engagements pris par ses dirigeants lors de la conférence de Paris d’avril 2018 (CEDRE), en commençant par la réduction du déficit public (plus de 6 milliards de dollars en 2018, soit près de 11,5 % du PIB) à un rythme d’un point de pourcentage par an pendant cinq ans. Un objectif qui passe par l’adoption de mesures draconiennes pour notamment réduire les dépenses publiques, relancer une économie en berne (le pays affiche 0,2 % de croissance en 2018 selon la Banque mondiale) afin de pouvoir réduire à terme son endettement (plus de 85 milliards de dollars à fin 2018, soit plus de 150 % du PIB).
(Lire aussi : Budget 2019 : Khalil affirme avoir revu les chiffres)
Critiques de Kanaan
Si le gouvernement n’a toujours pas finalisé l’examen du projet de budget, qui devra ensuite être adopté par le Parlement, le ministre des Finances a assuré samedi sur Twitter que les ministres étaient parvenus à réduire plusieurs postes de dépenses publiques « de 20 à 35 %, notamment sur la facture des carburants ». M. Hassan Khalil a en outre estimé que le débat sur le budget pouvait être rapidement conclu.
Le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, qui avait lui aussi suggéré de réduire le service de la dette, avant de remettre au gouvernement une série de propositions qui sont discutées depuis le milieu de la semaine dernière, s’est, lui, défendu de chercher à retarder l’adoption du budget. « Il est inconcevable d’œuvrer à réduire le déficit tout en refusant de changer les chiffres et la politique économique » prévue dans l’avant-projet de budget, a-t-il notamment déclaré.
Enfin le président de la commission parlementaire des Finances, le député Ibrahim Kanaan, a, lui, annoncé que le rapport sur les recrutements abusifs dans la fonction publique réalisé avec le concours notamment de l’Inspection centrale, sera publié dans les 48 heures. Ce document ferait état de milliers d’irrégularités, notamment l’embauche illégale de 5 000 fonctionnaires depuis mi-2017, année de l’entrée en vigueur de la nouvelle grille des salaires. Des abus qui ont notamment contribué à faire exploser le déficit public en 2018.
Le député a en outre critiqué le fait que le budget ne soit toujours pas adopté au cinquième mois de son année d’exécution. « Un budget voté après échéance n’est pas un véritable budget, mais un budget de fait accompli que le Courant patriotique libre (dont il est membre) n’approuvera pas », a-t-il martelé.
Le budget aurait dû en principe être adopté avant son année d’exécution – ou au maximum à la fin du mois de janvier. L’autorisation accordée début mars par le Parlement pour permettre à l’État de se financer selon la règle du douzième provisoire expire, elle, le 31 mai. Le Premier ministre, Saad Hariri, a, lui, espéré hier que le projet de budget sera transmis au Parlement en début de semaine.
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commentaires (4)
ON COINCE DE TOUS COTES LES BANQUES QUE CE SOIT AVEC LES 10PCT D,IMPOT SUR LES INTERETS DES DEPOTS OU L,EMISSION DE BONS DU TRESOR A 1PCT D,INTERET. CES MESURES VONT FAIRE BEAUCOUP DE TORT AU SECTEUR BANCAIRE LIBANAIS QUI VA S,AFFAIBLIR CAR LES NOUVEAUX DEPOTS DE LA DIASPORA VONT RALENTIR ET LE RISQUE DE FUITE DE DEPOTS GRANDIT.
LA LIBRE EXPRESSION
12 h 04, le 20 mai 2019