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Liban - Environnement

Cimenterie de Aïn Dara : les habitants déterminés à poursuivre le combat

Un sit-in de protestation contre la décision du Conseil d’État d’autoriser la construction de l’usine al-Arz a été observé samedi.

Fady Jreissati lors de sa tournée d’inspection des carrières de Aïn Dara. Photo ANI

Les derniers rebondissements dans le dossier relatif à la cimenterie al-Arz de l’homme d’affaires Pierre Fattouche à Aïn Dara (caza de Aley) sont loin de se tasser et la décision du Conseil d’État de désavouer le ministre de l’Industrie Waël Bou Faour qui avait annulé le permis de construire cette usine continuent de faire des remous. « Les habitants du village ne comptent pas baisser les bras », affirme à L’Orient-Le Jour Antoine Haddad, vice-président du mouvement du Renouveau démocratique et habitant de Aïn Dara. « Il est vrai que cette décision a entraîné une régression dans le dossier, mais les habitants sont déterminés à défendre leur droit à vivre dans un environnement propre. »

M. Haddad explique que ce projet nuit non seulement au village de Aïn Dara, mais à plusieurs autres localités qui se trouvent dans le périmètre. « Si cette cimenterie était édifiée, il ne restera pratiquement personne des 10 000 habitants originaux de Aïn Dara, d’autant que le village sera transformé en zone industrielle, et que cette industrie est dangereuse. De plus, ce projet vient secouer le mode de vie des habitants du village », déplore-t-il.

Dénonçant la rapidité avec laquelle le Conseil d’État a pris sa décision (dix jours), M. Haddad confie ignorer « l’ampleur des intérêts que cache ce projet », ce qui expliquerait à son avis cette détermination à construire cette usine. « Les habitants de Aïn Dara méritent de continuer de vivre tranquillement et dans un environnement propre, insiste-t-il. Comment le feront-ils avec cette usine. On a vu ce qu’ils ont déjà fait avec les carrières. L’impact de cette usine sera encore plus grave. » Et de constater « la légèreté avec laquelle les autorités traitent avec les citoyens, la vie des gens et les habitants des petits villages ».

Antoine Haddad a en outre signalé un problème au niveau de la procédure du Conseil d’État, le ministre de l’Industrie Waël Bou Faour et le conseil municipal du village n’ayant pas été notifiés de cette décision, et seuls les responsables de la cimenterie ayant eu connaissance de cette décision.


(Lire aussi : Aïn Dara, pomme de discorde entre le PSP et le Hezbollah)


Une décision « scandaleuse »
Une décision que M. Bou Faour a qualifiée de « scandaleuse ». « Le ministère de l’Industrie n’a pas été notifié de cette décision du Conseil d’État, contrairement à la cimenterie », a-t-il déclaré samedi lors d’un sit-in pacifique observé par les habitants de Aïn Dara auquel ont pris part des représentants du Parti socialiste progressiste, Fayçal Sayegh, député et membre de la Rencontre démocratique, Nicolas Habre, président de la Fédération des municipalités du jurd, ainsi que les présidents des conseils municipaux de Aïn Dara, Qab Élias, Majdel Baana, Sofar, Chanay et Bmehray. Au cours du sit-in, les habitants de Aïn Dara ont appelé le chef de l’État Michel Aoun à accorder une attention particulière à ce sit-in.

« Cette décision est le plus grand des scandales », s’est insurgé M. Bou Faour, se demandant comment « une autorité judiciaire notifie un adversaire dans un procès contre l’État ». Il a en outre critiqué « la rapidité avec laquelle a été prise la décision, ce qui laisse penser qu’elle avait été préparée à l’avance ». « Nous avons demandé des éclaircissements au ministre de la Justice (Albert Serhane), mais nous n’avons pas eu de réponses jusqu’à présent, a ajouté M. Bou Faour. Le ministère de l’Industrie ne peut pas rester silencieux face à ce scandale », a-t-il encore martelé, réclamant « une enquête transparente » au sujet de la décision du Conseil d’État et de la cimenterie. Il a par ailleurs estimé que l’usine semble située dans un « îlot protégé », faisant état « d’informations sur la présence de milices et d’hommes armés ».

M. Bou Faour a ensuite transmis aux habitants de Aïn Dara « un message de Walid Joumblatt et du PSP : nous ne vous laisserons pas seuls dans ce combat, qui n’est pas terminé. Il s’agit d’un combat législatif, judiciaire et administratif, rien de plus ». Et de conclure en assurant que les Syriens qui ont quitté le Liban en 2005 « ne reviendront pas, ni avec leur armée, ni avec leurs services de renseignements et ni avec leurs carrières ».


(Pour mémoire : La mégacimenterie gelée, mais le danger des carrières persiste)


« Contradiction »
Hier, le bloc parlementaire des Forces libanaises a exprimé à son tour son « étonnement » après cette décision « prise en un temps record », alors que le Conseil d’État « n’a pas encore statué sur notre recours sur le décret de naturalisation pris l’année dernière ». « En faisant preuve de deux poids, deux mesures, le Conseil d’État s’expose à des interrogations sur sa neutralité alors qu’il doit être au-dessus de cela », estiment les FL dans un communiqué, appelant le ministre de la Justice à « clarifier les raisons de cette contradiction ».

La décision du Conseil d’État a également été dénoncée hier par Raji Saad, candidat malheureux aux législatives de mai 2018 au siège maronite de Aley, qui a déclaré que « cette usine de la mort ne peut pas être érigée malgré la volonté des habitants de Aïn Dara et de ceux de la Montagne ». Il a affirmé qu’il soutiendra le village dans « sa bataille existentielle » contre cette cimenterie qui « concerne tous les habitants de la région, parce que si celle-ci était édifiée, elle entraînera le déplacement des habitants de Aïn Dara et des villages avoisinants, en raison des graves dommages environnementaux » et « de la pollution du sol, de l’air et de l’eau souterraine ». Et M. Saad d’estimer qu’« il est inconcevable de mettre l’État et la justice au service d’agendas intérieurs et extérieurs ».

Vendredi, le Comité de l’initiative civile – Aïn Dara a lui aussi critiqué la décision du Conseil d’État, estimant que les décisions juridiques relatives à cette usine ont été publiées, « alors que notre droit constitutionnel à un procès équitable a été occulté, en cachant les preuves de fraude, c’est-à-dire en nous empêchant de prendre connaissance du rapport de l’impact environnemental et du dossier administratif ».


Tournée de Jreissati sur les carrières
Par ailleurs, le ministre de l’Environnement Fady Jreissati a affirmé samedi que les propriétaires de carrières sauvages ne bénéficieront plus de « protection politique ». « Il existe des lois qui doivent être respectées », a-t-il poursuivi lors d’une tournée d’inspection dans la Békaa et à Aïn Dara, insistant sur l’importance que les carrières respectent les normes environnementales. Dénonçant « les agressions commises à l’encontre de l’environnement », M. Jreissati a promis de « fermer toutes les carrières illégales ».


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