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Liban - Partis

Aïn Dara, pomme de discorde entre le PSP et le Hezbollah

Une tension politique, centrée entre autres sur l’annulation du permis de la mégacimenterie, a émergé ces derniers jours.

Aïn Dara, qui subit déjà les nuisances de carrières immenses s’étendant sur près de deux millions de mètres carrés, a rejeté le projet de cimenterie. Photo d’archives

Des tensions palpables sont apparues ces derniers jours entre le Parti socialiste progressiste et le Hezbollah, sur fond d’un tweet du chef du PSP, le leader druze Walid Joumblatt, dans lequel il critique le régime syrien et son rôle « dans le cadeau gratuit, mais précieux fait au (Premier ministre Benjamin) Netanyahu, et pour lequel il faut remercier le régime syrien, champion de la Moumanaa ». Une campagne médiatique a été lancée par certains médias proches du Hezbollah, note le journal al-Chark al-Awsat, évoquant « une rupture de contacts » entre les deux formations, surtout depuis que M. Joumblatt a critiqué implicitement les armes du parti chiite, demandant que « la décision de la sécurité et de la défense contre les ennemis soit aux seules mains de l’armée ».

Cette montée des tensions ne s’est pas limitée aux déclarations des uns et des autres, mais s’est centrée sur le dossier de la mégacimenterie dont la construction était prévue par l’homme d’affaires Pierre Fattouche à Aïn Dara, dans le caza de Aley non loin de la réserve des cèdres du Chouf, et dont le nouveau ministre de l’Industrie Waël Bou Faour (bloc joumblattiste) a annulé le permis dernièrement. Ce projet de cimenterie provoque une polémique depuis longtemps entre ses propriétaires, d’une part, et le conseil municipal de Aïn Dara et de nombreux citoyens et militants, d’autre part. L’annulation de ce permis a lui-même fait l’objet de campagnes dans la presse proche du Hezbollah, ce qui a poussé hier le ministère de l’Industrie à publier un communiqué détaillant les raisons qui l’ont poussé à annuler ce permis, sachant que la décision précédente de l’accorder avait été prise par l’ancien ministre de l’Industrie Hussein Hajj Hassan, du groupe parlementaire du Hezbollah.


(Lire aussi : Jreissati à une délégation de Aïn Dara : Plus de délais administratifs !)


Dans son communiqué, le ministère précise « répondre à un article paru dans un journal sur l’annulation du permis accordé précédemment à la cimenterie al-Arz à Aïn Dara ». Le communiqué souligne que « le permis a longtemps fait l’objet d’opposition et de protestations de la part des habitants des villages environnants et du conseil municipal de Aïn Dara, en passant par les villages de Aley », évoquant les craintes sanitaires et environnementales liées à ce projet.

Et d’ajouter : « Le permis de la mégacimenterie présente de nombreuses irrégularités du fait qu’il ne prend pas en considération les dangers environnementaux et sanitaires. » Le communiqué explique en détail pourquoi les décisions concernant l’octroi du permis étaient « contraires à la loi ». « Conformément à ses prérogatives accordées par la loi et aux règles légales en vigueur régissant l’octroi des permis aux industries », le ministère a donc décidé d’annuler les décisions en vertu desquelles le permis de la cimenterie avait été accordé.


« Nous sommes habitués à ces campagnes »

Interrogé sur les campagnes qui visent le leader du PSP dernièrement, en passant par les critiques contre l’annulation du permis de la cimenterie, Khodr Ghadban, membre du conseil d’administration de ce parti, affirme à L’Orient-Le Jour que « ces campagnes venant des médias de la “Moumanaa” ne sont pas nouvelles, parce que ceux-ci ne ratent jamais une occasion d’attaquer Walid Joumblatt ». Il explique que, de manière générale, « le PSP et le Hezbollah se sont entendus depuis un certain temps déjà sur l’organisation de leurs conflits, malgré les différences d’approches sur des sujets comme l’appui ou l’opposition au régime syrien ». Il précise cependant que « concernant cette dernière campagne sur l’annulation du permis de la cimenterie, il n’y a pas eu de message direct du Hezbollah à ce propos ».

Pour ce qui est du projet de la cimenterie, M. Ghadban assure « qu’il est définitivement fini ». « Depuis le début, nous étions aux côtés des citoyens et de l’intérêt général, poursuit-il. Nous ne pouvons créer la plus grande réserve naturelle du Liban et accepter l’établissement d’une telle industrie lourde à 1 700 mètres d’altitude. Nous avons déclaré depuis le début que ce projet ne verrait pas le jour, même à l’apogée de l’influence de ses concepteurs. »

Pour sa part, Antoine Haddad, vice-président du Renouveau démocratique et habitant originaire de Aïn Dara, affirme à L’OLJ qu’« au-delà des querelles politiques, ce qui nous importe, c’est que la décision du ministre Bou Faour est basée sur des arguments objectifs en rapport avec les dégâts qu’auraient causés cette usine dans la région, et sur le fait que ce permis est tout bonnement illégal parce que son octroi a fait abstraction de plusieurs législations, comme celle régissant les carrières par exemple ». « Une erreur a été rectifiée, insiste-t-il. Et pour nous, c’était une bataille de vie ou de mort. Nous voulons faire hériter à nos enfants le même village dans lequel nous avons grandi. »

Craint-il que la politisation à outrance de cette affaire ne provoque un revirement de situation ? « Je compte sur la fermeté des positions du ministre Bou Faour et de Walid Joumblatt, dit-il. Je souhaite également que le Hezbollah ne se positionne pas contre l’intérêt et la volonté de la population locale. Et j’espère aussi que d’autres partis influents dans cette région soutiennent de manière plus évidente l’annulation de ce permis. »


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commentaires (5)

C'est dommage qu'on passe le temps avec des "tensions palpables" et des accusations ... à la limite personne ne gagne comme ca. Une note de terminologie, j'ai remarqué qu'on utilise le mot "moumanaa" ce qui est probablement un concept arabe-libanais qu'on ne peut pas traduire en français, des autres articles OLJ utilisent ce mot à partir de 2008 pour "obstruction" ou "refus" ou "axe irano-syrien", ce sont des concepts comme "ennahda" des mots qu'on ne sait probablement pas bien traduire en français, quoique parfois on utilise des mots comme "résistance" ou "renaissance" mais dans le context libanais-moyen orient ce n'est pas la même chose qu'en français. Ici dans ce context specifique de problème environmental je me demandais "moumanaa" blockage ou refus de quoi exactement ? J'ai l'impression qu'il vaut mieux ne pas utiliser des termes lourdes comme ca dans ce context.

Stes David

09 h 56, le 10 avril 2019

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Commentaires (5)

  • C'est dommage qu'on passe le temps avec des "tensions palpables" et des accusations ... à la limite personne ne gagne comme ca. Une note de terminologie, j'ai remarqué qu'on utilise le mot "moumanaa" ce qui est probablement un concept arabe-libanais qu'on ne peut pas traduire en français, des autres articles OLJ utilisent ce mot à partir de 2008 pour "obstruction" ou "refus" ou "axe irano-syrien", ce sont des concepts comme "ennahda" des mots qu'on ne sait probablement pas bien traduire en français, quoique parfois on utilise des mots comme "résistance" ou "renaissance" mais dans le context libanais-moyen orient ce n'est pas la même chose qu'en français. Ici dans ce context specifique de problème environmental je me demandais "moumanaa" blockage ou refus de quoi exactement ? J'ai l'impression qu'il vaut mieux ne pas utiliser des termes lourdes comme ca dans ce context.

    Stes David

    09 h 56, le 10 avril 2019

  • Je suis à 3183 km à vol de faucon pèlerin + 30 km entre l'AIB et Aïn-Dara soit au total 3213 km. Je précise avec regret que je n'appartiens pas aux religions des protagonistes. Je n'accepte pas que la localité de Aïn-Dara, haut-lieu de l'Histoire druze, devienne un casus belli entre le druze Walid Joumblat et des non-druzes venus de l'extérieur. Je voudrais bien espérer que les Autorités publiques ou ce qu'il en reste, d'intervenir dans les meilleurs délais avant le déclenchement des cancers des poumons chez les habitants de Aïn-Dara.

    Un Libanais

    15 h 09, le 09 avril 2019

  • "Nous voulons faire hériter à nos enfants le même village dans lequel nous avons grandi." Sans aucun parti-pris, je connais la zone de Chekka-el-Héri depuis 1940. Ma dernière visite remonte à l'année 2001, il ne reste plus rien du paysage de 1940, tout a été dévoré par la Société des Ciments libanais et, en retour, les habitants ont reçu des milliers de cas de cancer des poumons. Depuis 1950, venant de la Békaa, arrivé à la fin de la route de Dahr-el-Baïdar, je regardais à ma gauche le célèbre village de Aïn Dara que je connaissais par la bataille de 1711 entre les Kaysites et les Yéménites. La voir aujourd'hui livré à la gloutonnerie des frères Fattouche, venus de l'extérieur du village, pour installer une mégacimenterie et ses cancers des poumons. C'est impossible.

    Un Libanais

    13 h 22, le 09 avril 2019

  • Que le Hezb importe du ciment de la Syrie...

    Jack Gardner

    11 h 42, le 09 avril 2019

  • DECISION JUSTE DU MINISTRE BOU FAOUR.

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    09 h 21, le 09 avril 2019

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