La question des carrières a été examinée, comme prévu, hier en Conseil des ministres. Le projet de politique de gestion complète du secteur a été présenté par le ministre de l’Environnement, Fady Jreissati, et il a été adopté « tel quel », affirment des sources. Toutefois, le Conseil des ministres a décrété un délai de trois mois au ministère de l’Environnement pour la présentation d’un plan directeur sur base duquel devrait être conçue la réorganisation de ce secteur qui échappe à tout contrôle, et qui défigure de nombreuses montagnes.Cette décision, qui devrait être explicitée aujourd’hui par M. Jreissati lors d’une conférence de presse (il était injoignable hier), a laissé de nombreuses questions en suspens, notamment le fait de savoir si les carrières, comme celles des cimenteries à Chekka, qui avaient été fermées il y a trois semaines en raison du refus de la ministre de l’Intérieur Raya el-Hassan de leur accorder des permis temporaires, seraient rouvertes durant ces trois mois (voir L’OLJ du 21 mars). Une source bien informée indique à L’OLJ que durant ce délai de trois mois, les carrières actuellement arrêtées devraient recommencer à fonctionner, « mais pas sans contrôle, afin qu’il n’y ait pas de création de stocks excédentaires », précise-t-elle. Une fois ces trois mois écoulés et le plan directeur présenté, « les carrières qui seront conformes aux normes rouvriront leurs portes, et celles qui ne le sont pas seront fermées », selon cette source. Et d’ajouter : « En fin de compte, ce problème est très ancien et doit être réglé une fois pour toutes, surtout au niveau des carrières de sable qui provoquent des ravages. Il y a eu débat autour de cette question au Conseil des ministres. L’une des propositions avancées est que le contrôle ne soit plus effectué par les forces de l’ordre, mais par des bureaux de consultants. »
Le Comité de l’environnement à Kfar Hazir (Koura), un mouvement civil qui milite contre les carrières des cimenteries sur les terres de la localité, a vu ses pires craintes se concrétiser. Les militants ont observé hier un sit-in de protestation contre cette décision, et envisagent même, selon leur chef, Georges Inati, un sit-in bientôt face au siège du Conseil des ministres à Beyrouth. À L’OLJ, M. Inati déplore que « la logique de partage du gâteau entre les forces politiques ait triomphé, au profit du secteur du ciment et au détriment des ressources naturelles du pays ».
Concernant la décision prise hier, les militants de tous bords ont de sérieuses raisons de douter : durant toutes ces années, c’est à coup de délais administratifs accordés aux carrières que celles-ci ont le plus souvent continué à fonctionner. Ces trois mois seront-ils un délai vers une réelle solution ou un nouveau report du problème ?
(Pour mémoire : Bou Faour désavoue son prédécesseur et... le Conseil d’État)
Le plan du ministère
Contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer, c’est dans la politique présentée par le ministère hier qu’on trouve un constat particulièrement sombre de l’état du secteur. Ce document, dont L’OLJ a pu consulter une copie, est formé de cinq pages et fait un tour d’horizon de la question dans ses grandes lignes.
Fait marquant, dans son introduction, le ministère reconnaît l’absence de chiffres dans le secteur : selon les statistiques de 2013 des Forces de sécurité intérieure, il y aurait 147 carrières de sable, 189 carrières de pierre et de gravier et 219 carrières de pierres décoratives. Des chiffres qui sont loin d’un recensement effectué en 2010, qui dénombre 1 278 carrières, sur une superficie de plus de 5 200 hectares. Le texte conclut à une « impossibilité actuelle d’avancer des chiffres précis », d’autant plus qu’un grand nombre de carrières sont enregistrées sous d’autres dénominations, comme celles des « délais administratifs », de la « bonification de terrains », ou autres. Et cela résulte en des pertes considérables dans les garanties bancaires qui auraient dû affluer au ministère de l’Environnement, et qui se limitent, pour l’heure, à 9 milliards de livres, un budget « qui ne permet pas au ministère de déterminer les emplacements exacts de ces exploitations, ni la nature de leur activité, ni la quantité de matière première extraite, et, par conséquent, une incapacité à évaluer leurs dégâts potentiels sur la nature comme sur le Trésor et l’application des lois ».
L’aspect exécutif est central dans le document, puisqu’il s’attaque aux mesures devant être prises d’ici à la finalisation du plan directeur dans trois mois, un délai durant lequel une base de données devrait être créée graduellement grâce à un recensement effectué par l’armée, conformément à une décision de 2017. Suivant ces mesures, un avertissement devrait être lancé aux exploitants de carrières légales pour appliquer le décret 8803/2002 (qui régit le secteur). Dans le cas des exploitations où le travail est terminé, les garanties bancaires doivent être saisies, si elles existent et si les exploitants ont enfreint la loi, sans compter une plainte légale en cas de non-réhabilitation du site dégradé. Et dans le cas des carrières illégales, fonctionnant en dehors du cadre du décret précité ou au-delà du délai du permis accordé ou en dépit d’une décision de fermeture, elles feront l’objet de poursuites. Ce chapitre insiste beaucoup sur les efforts de réhabilitation devant être entrepris sous les directives du ministère, et évoque, une première, une « étude de faisabilité concernant l’importation de sable et de gravats ou autres matières premières », ainsi qu’une vision du recyclage de matières résultant de diverses activités.
D’un point de vue financier, le texte évoque « la nécessité de réviser le montant des frais imposés et des pénalités ». On apprend ainsi qu’une loi est en préparation au ministère. Le contrôle devrait se renforcer par le biais de rapports réguliers soumis par les propriétaires de carrières, ainsi qu’avec le concours des avocats généraux spécialisés dans les questions environnementales, et la police verte quand elle sera créée. Enfin, une campagne de sensibilisation devrait être lancée par le ministère sur l’importance du recyclage, de la réhabilitation des sites dégradés, des richesses naturelles à préserver et des dangers environnementaux à éviter.
Vaste programme en perspective. Si la volonté politique y est, le ministère pourra-t-il éviter les multiples écueils (intérêts financiers occultes, protections politiques de contrevenants…) qui ont fait échouer de précédents plans ?
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TRES BEAU PANORAMA QUE CETTE PHOTO. L,IGNORANCE ET L,INCOMPETENCE ET LA CORRUPTION DANS NOTRE PAYS N,ONT PAS D,EXEMPLE AU MONDE AUCUN !
20 h 16, le 22 mars 2019