À Beyrouth, milieu passablement hostile aux vélos, il faut un certain courage, voire une inconscience, pour se risquer à pédaler parmi les 600 000 automobilistes qui prennent d’assaut la capitale. À travers la ville, les voitures fusent, se croisent, se frôlent parfois. Le tout dans un concert de klaxons sur fond d’émanations de pots d’échappement.Hier pourtant, près de 900 personnes ont enfourché leur vélo pour aller travailler. Un spectacle rendu possible par l’organisation d’un événement, « Bike to Work », organisé par The Chain Effect. Pour la troisième année consécutive, des pistes cyclables éphémères ont en effet été installées dans les rues de Beyrouth, mais aussi Tripoli et Batroun. Cette initiative a vu le jour en partenariat avec la municipalité de Beyrouth et le ministère de l’Environnement.
« L’année passée, il y avait 650 personnes. Nous avons réussi à convaincre davantage de cyclistes cette fois-ci », détaille, satisfaite, Elena Haddad, cofondatrice de l’association The Chain Effect. En 2018, le parcours était de 3,5 kilomètres. Cette année, ce sont trois pistes qui ont été mises en place sur près de 12 kilomètres.
Le président du conseil municipal de Beyrouth, Jamal Itani, le ministre de l’Environnement Fady Jreissati et des députés de différents partis, au nombre desquels Eddy Maalouf, Hagop Terzian et Élias Hankache, l’ambassadrice de Suisse Monika Schmutz Kirgöz, ainsi que les ambassadeurs des Pays-Bas, de Grande-Bretagne et du Danemark se sont eux aussi mis en selle, bien entourés d’un dispositif de sécurité (également à vélo). Mme Kirgöz souligne la nécessité d’une telle initiative : « The Chain Effect est une dynamique jeune qu’il faut soutenir. Il est également important que la communauté internationale se mobilise. »
De son côté, M. Jreissati explique que « l’objectif de cet événement est de sensibiliser les gens à l’importance d’emprunter les moyens de transport écologiques ». Il met l’accent sur « la pollution causée par le secteur des transports qui forment 25 à 30 % de l’ensemble des émissions ». Insistant sur la nécessité de promouvoir la culture des transports écologiques, il a appelé les ministères de l’Intérieur et des Travaux publics à coopérer avec son ministère, d’autant que « le ministère de l’Environnement n’a pas d’autorité sur les municipalités, et ce pour consacrer des couloirs à vélo afin de protéger les cyclistes d’un éventuel accident ». Affirmant que l’attitude écologique est un « devoir » et non un « luxe », M. Jreissati a conclu en assurant que « de meilleurs jours écologiques attendent le Liban ».
(Lire aussi : « Bike to Work Lebanon » : vers la démocratisation du vélo au Liban ?)
Le nouveau projet de pistes cyclables permanentes
Le vélo en toute sécurité dans la capitale, ce sera bientôt possible d’après Jamal Itani. Le président du conseil municipal a annoncé, aux côtés de la diplomate suisse, la création de deux pistes cyclables durables. Les travaux commenceront cet été et seront « probablement terminés à la fin de l’année », a-t-il déclaré. Les Beyrouthins pourront ainsi se déplacer sur 16 kilomètres. L’idée n’est pas seulement de créer des couloirs pour les vélos, mais aussi d’aménager des espaces plus agréables et plus sécurisés, avec des ralentisseurs aux endroits où les voitures se croiseront avec les vélos. La municipalité aimerait limiter les voitures dans la capitale pour faire de Beyrouth une ville plus accessible. Il y a dix ans, elle avait déjà initié un projet semblable, la « liaison douce », en collaboration avec la région Île-de-France. Cette piste, qui avait pour objectif de relier la rue de Damas au centre-ville, semble tombée à l’eau, et M. Itani s’est montré évasif sur le sujet. Néanmoins, un des corridors du nouveau projet passe par la rue de Damas.
(Pour mémoire : À Beyrouth, les vélos n’ont toujours pas leur part du bitume)
Un moyen de transport écologique
« Il faut considérer la bicyclette comme un moyen de transport à part entière », a souligné hier matin l’ambassadrice suisse, avant de se hisser sur son deux-roues. « Nous espérons que les mentalités vont changer, que le vélo s’inscrira dans le mode de vie des Libanais », a-t-elle ajouté. De son côté, Elena Haddad se dit ravie du nouveau projet proposé par la municipalité de Beyrouth, mais, selon elle, « il en faudrait plus encore ».
Hier, déjà quelques voitures étaient garées sur les espaces réservés aux vélos. Un fait que soulève d’ailleurs Élie Assaf, un des participants. Venu de Byblos, il a échangé sa voiture contre une bicyclette au Forum de Beyrouth (l’une des trois stations de départ) et s’est dirigé vers Hamra, où il travaille comme ingénieur. « Aujourd’hui, nous avons ces problèmes d’embouteillages quotidiens, et il n’y a pas réellement de système de transport public fonctionnel », raconte-t-il, casque vissé sur la tête. Pour cet homme de 26 ans, il est nécessaire que la bicyclette entre dans les mœurs et habitudes. Et de relever aussi l’aspect écologique : « Nous faisons face à une crise des déchets depuis quatre ans maintenant et il faut régler ces problèmes de pollution, mais cela prendra du temps. »
Pour mémoire
À Tripoli, les premiers vélos-taxis du pays
commentaires (4)
Madame Monika Schmutz Kirgöz, vous êtes bien gentille...mais nous sommes à Beyrouth, Liban, et non à Genève, Berne ou Zürich !!! Irène Saïd
Irene Said
18 h 31, le 18 avril 2019