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Liban - Conseil des ministres

Le projet de budget en tête de l’ordre du jour la semaine prochaine à Baabda

Une réduction des traitements des fonctionnaires serait contraire au principe de la sécurité juridique, estime Antoine Messarra.


Le Conseil des ministres prévu aujourd’hui a été repoussé à la semaine prochaine. Il se tiendra au palais de Baabda. Photo ANI

En l’absence d’une vision claire et unifiée de ce que devrait être le budget, le Conseil des ministres ne se tiendra pas aujourd’hui au Grand Sérail, mais la semaine prochaine au palais de Baabda, apprend-on. Entre-temps, le président du Conseil Saad Hariri aura fait un saut à Paris, où il éteindra sa 49e bougie.

Ce report s’explique par le fait que l’accord sur les moyens de réduire de 11,5 à 9 % le pourcentage de la dette publique par rapport au PIB dans le projet de budget n’a toujours pas été trouvé. Mais force est de relever qu’au sujet de ces mesures, la thématique des ministres a soudain viré de la lutte contre la corruption, qui était à son apogée tout de suite après le vote de confiance, aux compressions budgétaires couplées avec des ponctions de salaires et des ingénieries bancaires. Ces changements de thèmes sont d’ailleurs critiqués dans certains milieux diplomatiques, qui s’étonnent de l’inconstance de la classe politique et de sa légèreté. Où en est-on donc de la lutte contre la corruption ? Par ailleurs, la question qui se pose au lendemain d’une réunion de l’Assemblée en marge de laquelle le président du Conseil, imité par certains ministres comme Ghassan Hasbani, et des chefs de parti comme Samir Geagea, a mis une nouvelle fois en garde contre un effondrement économique et surtout financier, est de savoir si ces propos agitant le spectre d’un effondrement monétaire et le matraquage auquel il donne lieu de la part des responsables et des médias qui en assurent le relais sont admissibles ? A-t-on le droit d’entamer ainsi le moral d’une population et de lui faire perdre toute confiance dans ses gouvernants ?

La crise est éthique avant d’être budgétaire, assurent des sources syndicales. C’est un véritable chantage que la classe politique exerce en ce moment sur la population, en particulier sur les fonctionnaires (300 000 familles, avec les retraités), en agitant le spectre d’une dévaluation monétaire, s’ils n’acceptent pas que leurs traitements soient réduits. Le faire, c’est rejeter la responsabilité d’un effondrement de la livre sur la population, au lieu de la faire assumer à ceux qui, par imprévoyance, paresse ou cupidité, l’ont provoquée.


(Lire aussi : Quelques milliers de manifestants lancent un ultimatum à la classe politique, mais sans grande conviction)


Le devoir de propager la confiance
« Le premier devoir d’une autorité qui se dit légitime, affirme de son côté le constitutionnaliste Antoine Messarra, est de propager la confiance, la légitimité étant l’acceptation par les citoyens du pouvoir des gouvernants. Or force est de constater que c’est l’extrême méfiance qui règne en ce moment entre gouvernants et gouvernés, ces derniers attendant, perplexes, que le budget 2019 voie le jour, pour savoir à quoi s’en tenir de leurs rentrées. »

Au sujet de la réduction de 15 % des traitements et salaires dans le secteur public, dont le ministre des AE a fait état la semaine dernière, force est de se demander : s’agissait-il d’un ballon d’essai ? Ce n’est pas exclu, puisque le ministre des Finances Ali Hassan Khalil a démenti qu’un chiffre ait été retenu – mais pas que l’idée soit envisagée – et affirmé que dans ce domaine, rien n’est encore sûr.

Pour Antoine Messarra, l’idée d’une réduction des traitements des fonctionnaires contrevient à un principe de droit fondamental, celui de la sécurité juridique. Selon ce principe, l’on ne peut annuler arbitrairement les effets d’une loi accordant une augmentation de salaire dans le cadre d’une politique globale (comme la grille des salaires accordée en août 2017), car ceux qui en ont bénéficié se sont organisés en fonction de cette loi, et que cette dernière a créé ce qu’en doit on appelle « une confiance légitime ». Sur base de l’augmentation obtenue, précise Antoine Messarra, on a peut-être acheté une voiture, un appartement ou investi dans un commerce. Que vont devenir ces engagements, si les revenus sur lesquels on comptait disparaissent ? Selon lui, une éventuelle marche arrière de l’État serait attaquable devant le Conseil constitutionnel.


(Lire aussi : Cap sur l’austérité, confirme Hariri)


Contourner la difficulté
Pour contourner la difficulté, on évoquait hier dans les milieux ministériels la possibilité qu’un seuil soit fixé en dessous duquel les traitements et salaires ne seraient pas touchés, quitte à rogner sur les indemnités des officiers supérieurs, comme le réclame Walid Joumblatt, à suspendre celles des héritiers de certains députés et à rogner sur les dépenses somptuaires, les escortes, les voyages et les indemnités journalières touchées, etc.

Certains partis, comme le Hezbollah, ainsi que les syndicats et ligues de fonctionnaires descendus dans la rue (voir par ailleurs), se sont empressés d’affirmer qu’ils feraient bloc face à des mesures qui toucheraient les petites classes et des catégories vulnérables. Dans le même esprit, le ministre des Affaires sociales Richard Kouyoumjian a rappelé que l’État dispose d’une batterie de mesures susceptibles de lui assurer des rentrées, citant notamment les biens-fonds maritimes, la généralisation de la perception des factures d’électricité, les douanes, les recettes portuaires et aéroportuaires, la lutte contre la contrebande, l’évasion fiscale, etc.

Le député Farid Haykal el-Khazen a été dans le même sens et s’est indigné de ce que l’on ait même songé à priver les fonctionnaires d’une partie de leurs salaires, et que l’on ait décidé d’aller au plus facile.

Par ailleurs, dans les syndicats, on estimait risible que les députés et ministres acceptent, comme les fonctionnaires, une réduction égale de leurs traitements, en affirmant ainsi que « l’on traite ainsi sur un pied d’égalité les victimes et leurs bourreaux ».


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