Le président de la République, Michel Aoun, a dénoncé hier la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté israélienne sur le plateau occupé du Golan syrien, affirmant qu’elle menaçait « la souveraineté d’un État frère, mais également celle de l’État libanais ». Lors de son intervention à l’occasion du 30e sommet de la Ligue arabe à Tunis, le chef de l’État a également rappelé la position du Liban concernant le retour des réfugiés syriens.
« Le président américain vient de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, après avoir déclaré Jérusalem comme capitale d’Israël en y transférant l’ambassade de son pays. Tout cela est en contradiction avec les résolutions internationales, y compris le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations unies en vertu duquel les États membres doivent s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de tout État, a dénoncé le président Aoun. Cette décision ne menace pas seulement la souveraineté d’un État frère, mais également celle de l’État libanais qui possède des terres annexées par Israël, à savoir les fermes de Chebaa, les hauteurs de Kfarchouba et le village de Ghajar. Il est à noter que l’appartenance de ces territoires à l’État libanais est corroborée par des documents et des cartes internationalement reconnues », a-t-il ajouté.
« Devant de telles violations qui bafouent les chartes internationales des frontières reconnues entre pays par les Nations unies, comment de petits pays comme les nôtres peuvent-ils être rassurés ? Qu’en est-il de l’initiative de paix arabe ? Est-ce qu’elle tient toujours ou restera-t-elle lettre morte? Après la perte de la terre, comment préserver la paix ? Comment vont se traduire sur le terrain les objections, les dénonciations et les condamnations internationales face aux événements actuels et ceux à venir ? Le Conseil de sécurité sera-t-il en mesure de protéger le droit du Liban et de la Syrie quant à leurs territoires occupés ? Et nous, en tant que Ligue arabe, comment allons-nous faire face à ces visées et atteintes à nos droits alors que des frontières sont toujours fermées entre nos pays et des sièges restent vacants ici ? » s’est-il interrogé.
Le président américain Donald Trump s’est prononcé le 21 mars en faveur de la reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur le Golan, une décision en rupture avec la position des États-Unis depuis des décennies. Le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, avait affirmé samedi que le Liban proposerait un texte condamnant la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté israélienne sur le Golan. « Le Liban propose et les Arabes acceptent : le refus de la décision américaine sur le Golan, qui est considérée comme nulle et non avenue et comme une violation des textes de l’ONU sur l’annexion de territoires par la force », avait-il écrit sur son compte Twitter. « Les pays arabes soutiennent également le droit de la Syrie à récupérer le Golan occupé et des Libanais à récupérer les fermes de Chebaa, les collines de Kfarchouba et le nord du village de Ghajar », avait-il ajouté. M. Bassil s’est longuement entretenu avec son homologue koweïtien, Khaled al-Jarallah, en marge du sommet. Ils ont principalement évoqué le dossier de la reconnaissance par Washington de la souveraineté d’Israël sur le Golan. La délégation libanaise, comprenant notamment, outre M. Bassil, la ministre de l’Intérieur Raya el-Hassan, le ministre d’État pour les Affaires des réfugiés Saleh Gharib et le ministre de la Culture Mohammad Daoud, a multiplié ses consultations afin que les dirigeants arabes prennent une position ferme contre la décision américaine après la position mitigée prise par les chefs d’État arabes après la décision des États-Unis de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. Le Liban aurait proposé durant les réunions préparatoires de baptiser le sommet de Tunis « le sommet du Golan », mais cette proposition n’a pas obtenu l’assentiment de la majorité des délégations participantes.
M. Bassil s’est également entretenu avec les membres des délégations française et russe, présentes à Tunis en tant qu’observateurs.
(Lire aussi : Les dirigeants arabes se rassemblent chez la jeune démocratie tunisienne)
Réfugiés syriens
Dans son discours, le chef de l’État libanais a également abordé la question des réfugiés syriens au Liban. « Nous sommes extrêmement inquiets de l’insistance de la communauté internationale à garder les réfugiés syriens dans notre pays alors que nul n’ignore les conditions déplorables dans lesquelles ils vivent chez nous, le monde entier sait que la majorité du territoire syrien est sécurisé, personne ne doute que le Liban n’est plus en mesure de porter ce lourd fardeau tant sur le plan économique que social et sécuritaire, a affirmé le président Aoun. De plus, les organisations humanitaires internationales ont reconnu que 80 % des Syriens déplacés au Liban souhaitent retourner et retrouver leurs terres. »
« Nous sommes préoccupés par l’usage du terme “retour volontaire” et par le fait de traiter un million et demi de personnes déplacées comme s’il s’agissait de réfugiés politiques, alors que la plupart d’entre eux ont fui les problèmes sécuritaires et les difficultés économiques qui accompagnent les guerres, a-t-il poursuivi. Nous sommes alarmés par l’insistance de la communauté internationale à lier le retour des réfugiés à une solution politique en Syrie, voire même à donner la priorité à cette solution politique, alors que nous savons tous qu’elle peut prendre un temps indéfini. À se demander si la communauté internationale n’essaye pas de “prendre en otages” les réfugiés syriens afin de les utiliser comme moyen de pression à la fois en Syrie et au Liban pour imposer des solutions programmées ? »
M. Aoun a en outre indiqué que « la cause palestinienne, vieille de 71 ans, illustre parfaitement l’absurdité de lier le retour des réfugiés à une solution politique ». « Après toutes ces années d’attente, a-t-il souligné, voilà que se dessine à l’horizon leur maintien là où ils se trouvent, mettant un point final à leurs droits. En effet, la tentative israélienne de porter atteinte à la résolution 194, en privant les Palestiniens de manière définitive de leurs terres et de leur identité nous préoccupe énormément. Adopter la loi de l’État-nation juif permet de nier le droit des réfugiés au retour, ce qui sous-entend leur implantation dans les lieux d’accueil et majoritairement au Liban », a-t-il dénoncé.
« Le Liban arrive à peine à offrir l’essentiel à sa population, vu la rareté de ses ressources, la fragilité de ses infrastructures et la multiplicité de ses problèmes économiques et sociaux. De ce fait, mon pays n’est plus en mesure d’accueillir un nombre de personnes qui dépasse la moitié de ses citoyens ! Et aucune forme d’implantation ne sera acceptée », a-t-il affirmé.
« La place naturelle de la Syrie »
« Neuf longues années se sont écoulées depuis le début des guerres terroristes qui ont frappé les pays arabes, laissant derrière elles des centaines de milliers de victimes et des millions de déplacés. Nous ne pouvons pas oublier également les milliers d’invalides, d’handicapés, de blessés et de disparus. Des régimes sont tombés, des chefs d’État sont partis, des villes entières furent détruites, des richesses dilapidées, des monuments perdus, des peuples dispersés… Un échec total pour tous ! » a dit le chef de l’État au début de son discours.
« Aujourd’hui, le son des balles et des explosions s’est estompé, le bain de sang s’est tari… Reste que les plaies engendrées par ces guerres ont profondément marqué la conscience des sociétés arabes, exacerbant les divisions et les dissensions. Il est vrai que les guerres se sont arrêtées ou presque… Mais leurs conséquences sont encore bien présentes. Combien de temps faudra-t-il attendre avant de réparer ce qui a été brisé et de d’éliminer les séquelles douloureuses ? » s’est-il interrogé.
Et d’ajouter : « Aujourd’hui, encore plus dangereux que la guerre, sont les desseins politiques et les accords illicites qui se profilent à l’horizon. Après le silence du canon, des dangers existentiels menacent nos pays et nos peuples avec le risque d’une division de la région menant à l’effondrement du concept de l’État fédérateur au profit de l’émergence d’entités racistes et sectaires. Celles-ci seront imposées par la nouvelle réalité politique et géographique afin de renforcer et justifier la déclaration d’Israël comme État juif », a poursuivi M. Aoun.
« Interrogeons-nous ensemble : “Est-ce que nous voulons réellement que la Syrie retrouve sa place naturelle au sein du monde arabe ? Est-ce que nous désirons réellement que le peuple yéménite jouisse de paix et de stabilité ? Est-ce que nous souhaitons que la Palestine cesse d’être une cause perdue et soit privée de Jérusalem et des lieux saints ?” Allons plus loin encore et posons-nous la question : “Est-ce que nous cherchons à instaurer la sécurité et la stabilité dans nos pays pour offrir la paix et la prospérité à nos peuples ?”» a encore demandé le chef de l’État avant de dire : « Si nous voulons préserver leur unité, leur souveraineté et leur indépendance, alors nous devons reprendre l’initiative. Ensemble, resserrons nos rangs, dialoguons, rejetons l’extrémisme et la violence afin d’éradiquer les sources du terrorisme. »
La question du retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, pour laquelle avait plaidé Gebran Bassil dans le cadre des travaux du sommet économique arabe à Beyrouth en janvier dernier, n’est pas à l’ordre du jour officiel du sommet.Notons que l’une des résolutions adoptées à l’issue du sommet reconnaît « la libanité des fermes de Chebaa et des collines de Kfarchouba ».
Entretiens
Avant son retour hier soir à Beyrouth, le chef de l’État s’était notamment entretenu, en marge du sommet, avec le roi Abdallah II de Jordanie, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le ministre adjoint des Affaires étrangères russes Mikhaïl Bogdanov et le vice-président du Conseil du sultanat de Oman, Sayyed Assaad ben Tarek al-Saïd.
Samedi, à son arrivée à Tunis, le président de la République avait rencontré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. L’occasion pour M. Aoun de rappeler à son interlocuteur que « la priorité du Liban est le retour des déplacés syriens chez eux pour alléger ce fardeau qui pèse sur tous les secteurs » au Liban. « Les données qui ressortent après les discussions avec le secrétaire d’État américain Mike Pompeo montrent qu’il y a des développements positifs au sujet des déplacés syriens, et cela s’est répercuté lors de son audition devant la Chambre des représentants américains, à savoir une confirmation américaine de l’urgence du retour des déplacés chez eux », avait-il ajouté.
De son côté, Antonio Guterres a affirmé, selon Baabda, que les Nations unies « sont déterminées à poursuivre leurs efforts pour obtenir la stabilité au Liban, en coopération avec le nouveau gouvernement, tout en réaffirmant la coopération entre l’armée libanaise et la Force des Nations unies au Liban-Sud, en application de la résolution 1701 (du Conseil de sécurité), afin de sauvegarder la souveraineté du Liban ».
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commentaires (8)
chebaa et qqs autres villages ! quand est ce qu'un libanais aura le courage d'en demander la propriete a qui de droit-puisque mr le pres. re-affirme qu'elle est notre - pour que celle ci soit OFFICIALISEE par l'ONU ? reponse la plus plausible : A LA ST GLINGLIN !
Gaby SIOUFI
16 h 27, le 01 avril 2019