Le président tunisien Beji Caid Essebsi (g) et le roi Salmane d'Arabie à Carthage, à Tunis, le 29 mars 2019. AFP PHOTO / HO / PRESIDENCY PRESS SERVICE
La Tunisie, seul pays à poursuivre sa démocratisation après les soulèvements dans le monde arabe en 2011, accueille dimanche des chefs d'Etat arabes critiqués pour leurs violations des droits, qui risquent de faire l'objet de protestations, rares dans leurs pays.
Pour le 30e sommet de la Ligue arabe, sont attendus le roi Salmane d'Arabie saoudite, l'émir du Qatar cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani ou encore le président égyptien Abdel Fattah Sissi, dont les régimes sont régulièrement critiqués par des ONG de défense des droits humains.
Le président soudanais Omar el-Béchir, sous le coup de mandats d'arrêts internationaux pour génocide, s'était annoncé mais ne fera finalement pas le déplacement. Des ONG avaient appelé Tunis à l'arrêter s'il venait.
Douze organisations de la société civile tunisienne se mobilisent le jour du sommet pour défendre la liberté d'expression, les droits des femmes ou les droits économiques et sociaux dans les pays arabes. Elles devraient défiler à la mi journée sur la principale avenue du pays, à trois kilomètres du lieu où se tient le sommet. Les autorités ont assuré qu'elles autoriseraient les manifestations, réitérant leur engagement de "jeune démocratie" à laisser la société civile s'exprimer, tout en soulignant que ce sommet servait les intérêts du pays.
Le président libanais Michel Aoun s'envolera samedi pour Tunis à la tête de la délégation du Liban qui participera au sommet. La délégation libanaise comprend notamment les ministres des Affaires étrangères, Gebran Bassil, de l'Intérieur, Raya el-Hassan, et de la Culture, Mohammad Daoud, ainsi que le ministre d'Etat pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib
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"Dégage"
Berceau du Printemps arabe ayant abouti à l'éviction de plusieurs dictateurs, la Tunisie est le seul pays à poursuivre sa démocratisation après le retour des militaires au pouvoir en Egypte, les luttes de pouvoir incessantes en Libye et la guerre civile en Syrie.
Après l'échec des Printemps arabes ailleurs, la Tunisie a été "marginalisée" au sein des pays arabes, explique Youssef Cherif, expert des relations internationales. Ce sommet est donc une première pour la Tunisie post-révolution, le pays n'ayant pas accueilli de sommet arabe depuis 2004, et un test pour sa capacité à allier diplomatie arabe et démocratie.
Les poids lourds du monde arabe "ne sont pas des pays qui soutiendront des avancées démocratiques", avertit M. Cherif, et le rapprochement illustré par ces visites laisse craindre des pressions contre la démocratisation. Cependant "cette crainte exprimée par la société civile ne se retrouve pas chez les dirigeants tunisiens," souligne-t-il. De fait, aucun grand parti n'a exprimé d'opposition à ces visites, même si certains sont réticents.
Le président Sissi "concentre les critiques des proches d'Ennahdha", explique M. Cherif, en référence à ce parti tunisien d'inspiration islamiste qui a des liens historiques avec les islamistes égyptiens réprimés par Le Caire.
La société civile, elle, a déjà démontré que la Tunisie était l'un des seuls pays arabes où un dirigeant comme le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane pouvait être chahuté. Lors de sa visite en novembre après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, tué dans le consulat saoudien à Istanbul par un commando, des centaines de Tunisiens avaient manifesté aux cris de "Dégage assassin", ou encore "Le peuple veut que Ben Salmane soit jugé".
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Implication saoudienne
Le sommet fait déjà polémique, notamment sur les immenses affiches publicitaires souhaitant la bienvenue à son père, le roi Salmane. Ces pancartes sont "indignes de notre pays. La Tunisie ne sera jamais à la botte de gens qui ne respectent pas la dignité humaine", a ainsi écrit Slim Meherzi, maire de la Marsa, commune du nord de Tunis où se trouvent nombre de ces affiches. Le roi Salmane, arrivé dès jeudi pour une visite bilatérale, est accompagné de plus de 1.000 personnes, de loin la principale délégation.
"La forte implication des Saoudiens en Tunisie illustre la stratégie du régime (...) A force de mettre de l'argent, Riyad espère mettre l'élite politique tunisienne de son côté", estime Youssef Cherif. Tunis, qui n'a ni les moyens ni l'ambition d'exporter son modèle démocratique, "ne s'engage pas sur les questions des droits de l'Homme en Egypte ou en Arabie saoudite", souligne-t-il.
Pour Tunis, le dossier principal est la Libye voisine, où l'ONU tente à nouveau de dresser une feuille de route pour sortir d'un conflit déstabilisant la région. Une réunion ONU, Union européenne, Union africaine et Ligue arabe est prévue samedi, en présence du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.
La Syrie, où le groupe Etat islamique a été chassé de son dernier bastion, est également à l'ordre du jour, même si la question du retour de Damas au sein de la Ligue arabe est encore loin de d'obtenir l'unanimité requise.
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ATTENDONS VOIR LE RESULTAT. DU RIEN COMME TOUJOURS.
L,AUTHENTIQUE LIBRE EXPRESSION.
11 h 07, le 30 mars 2019