Quarante-neuf ans, installé depuis un an à Beyrouth, à Achrafieh, après une longue et fructueuse carrière de plus de trente ans en France, David Daoud est déjà auréolé de plusieurs prix et récompenses (premier prix de dessin du magazine Regards, prix Lefranc Bourgeois, médaille de bronze de la ville de Conflans) d’un public qui a salué son œuvre de « paysages symphoniques » avec ferveur et enthousiasme.
« Je suis heureux d’être ici, dit l’artiste qui présente actuellement sa première exposition solo à la galerie Cheriff Tabet, car je suis sensible à la tendresse dans le regard des Libanais : il y a là une véritable empathie… » Plus d’une trentaine de toiles (mixed media, huile et graphisme) aux dimensions variées mais avec une nette propension au grand format (dont 2 m x 2 m) pavoisent aux cimaises en un éclatant jeu de miroirs et déclinent la richesse d’un univers intérieur aux diaprures sans frontières. Des toiles ruisselantes de couleurs, combinant une part de mystère et de lumière (« salvatrice ! » souligne l’artiste), certifiant le dit et le non-dit, narrant le rêve et la réalité, conjuguant le passé et le présent, s’éloignant de la violence et aspirant à la sérénité, évoquant la sédentarité et pointant la fuite dans l’espace et le temps...
Pour révéler son « intériorité » et en parler en termes d’images nuancées, palpables et tangibles, David Daoud, qui depuis l’enfance voulait être un grand peintre (il ajoute : « Je me considère comme un artisan et un artiste, le temps dira le reste… »), a opté pour l’alchimie d’un subtil mélange, d’une mixture qu’on n’attrape pas facilement au collet.
Là s’épanouit, mugit, bouillonne et se répand, en vagues ondoyantes et frémissantes, un expressionnisme alliant, dans des contours délibérément libres et flous, symbolisme, expressionnisme, mysticisme, romantisme et onirisme.
Comme une nappe phréatique dont on n’ignore pas les sources mais qu’on voit jaillir en ondes phosphorescentes de tous les remous incoercibles de l’âme, de l’esprit et de l’imaginaire. Un voyage visuel entre peintures, céramiques et œuvres graphiques, intitulé « Paysages intérieurs », qui livre en bribes fugaces et insaisissables, sur un tempo cantabile, avec quelques ostinatos, secrets, murmures, cris, tristesse, méditation, contemplation, échappées belles, élans, envolées lyriques… Une histoire à multiples facettes où se déroulent tout drame humain et sa volonté de résurrection, de reconstruction…
Essence d’un trait essentiel, expression d’une âme, d’une entité, d’une identité. Ces traits qui ne trichent jamais et ces instantanés surprenants de la nature (aussi bien du Liban-Sud ou d’ailleurs, dans tous ses fastes sans artifice ainsi que ceux de l’étranger dans ses appels moins lumineux, véhéments ou exubérants) sont aussi en étroite correspondance avec la musique. La musique classique qui tient une place prépondérante dans le cœur, la palette et le pinceau de l’artiste. Liens primordiaux qui renvoient ces toiles aux partitions de Bach, Vivaldi, Monteverdi, Haendel et moins connues celles de Ries (secrétaire et élève de Beethoven) ou du tchèque Zelenka…
Ongles teintés
Pour cet artiste féru de Delacroix, Monet, Van Gogh, Picasso (complet!), Soulages, Tintoret et du sculpteur Giacometti, et qui prend tout son temps pour signer une toile et mettre un point final, la couleur reste non seulement vibrante, omniprésente, gommée ou estompée, mais préoccupation constante. Couleur qui est non seulement chevillée à la pointe du cœur mais s’incruste en minces traits filandreux noirs jusque dans les ongles des doigts qui en gardent les marques comme une oriflamme !
Si chaque toile a son histoire, son cadrage et son format, la couleur n’en est pas moins fille, non des tubes des couleurs toutes faites, mais des pigments qu’il achète comme des légumes sur un étal… David choisit ses pigments, ses poudres, les malaxe, les broie et compose, telle une pâte magique, sa propre couleur aux nuances imprévisibles et multiformes, pour se familiariser avec ses irisations, ses froideurs, ses fuites, ses réverbérations, ses pics de chaleur, son rayonnement… Et de confier : « Lorsque je travaille, c’est un moment sacré pour mon art. Je chéris ce moment. »
Dans un éclair d’un indomptable souffle de liberté, de ton et d’énoncé, David Daoud signe une peinture éminemment lyrique comme ces visages christiques, ces flâneries entre boutons de magnolia, collines aux flancs boisés, pinèdes pour chant de cigales, brouillard pour un horizon d’où surgissent des silhouettes en détresse ou en quête de paix comme pour une procession mariale ou mortuaire...
C’est tout cela, pour les autres et pour soi, comme une mélodie rémanente qui a du mal à se diluer dans l’air, dans une intrépide modernité qui ne renie pas la part du passé, entre concise abstraction, humanité ballottée par l’adversité, ardent amour de la vie, passants fantomatiques sur fond ouaté et savante architecture désordonnée, le dire pictural de David Daoud.
L’exposition « Paysages intérieurs » de David Daoud à la galerie
Cheriff Tabet se prolonge
jusqu’au 15 février 2019.
Le 4 janvier 1970
Naissance à Beyrouth
1975
Inscription au pensionnat des sœurs de Nabatié
1977
Départ pour l’Afrique
1978
Arrivée en France
1984
Après un retour au Liban, re-départ pour la France
1992
Entre à l’École nationale supérieure des arts décoratifs à Paris et rencontre Charles Auffret
1998
Prix international du portrait pour l’Académie de France
2011
Premier prix de peinture de la Fondation de France
Dans la même rubrique
Omar Khouri, la tête dans les bulles...
Georges Tomb, chasseur d’oscars
Carlos Chahine, textuellement vôtre