« État d’urgence », « danger », « mort clinique »… C’est avec un ton volontairement alarmiste que les représentants de l’industrie libanaise ont dénoncé hier lors d’une conférence de presse organisée au Bristol, à Beyrouth, la détérioration de l’activité dans leur secteur. Conduit par le président de l’Association des industriels (AIL) Fady Gemayel, le rassemblement a été soutenu par le nouveau ministre de l’Industrie Waël Bou Faour et plusieurs députés issus du secteur, dont Neemat Frem, patron du groupe Indevco, qui est également président de la commission parlementaire de l’Industrie et du Commerce.
« L’industrie libanaise a sollicité à plusieurs reprises le soutien des pouvoirs publics ces dernières années sans toutefois réussir à obtenir de mesures de soutien suffisantes pour l’aider à faire face à la détérioration de la situation économique et à la concurrence étrangère. Aujourd’hui, le secteur est à bout de souffle et de nombreuses sociétés mettent la clef sous la porte », a regretté Fady Gemayel, contacté par L’Orient-Le Jour. Dans son discours, le président de l’AIL a notamment enjoint le gouvernement à adopter « dans un délai très court » des mesures pour redonner confiance « aux citoyens, aux entrepreneurs et aux investisseurs ». Neemat Frem a, pour sa part, rappelé que la situation était « douloureuse » pour le secteur industriel « depuis 1975 », date du début de la guerre civile qui dura quinze ans.
McKinsey et CEDRE
L’industrie contribue à hauteur d’environ 10 % du PIB libanais, selon les estimations qui circulent et qui sont difficiles à vérifier avec exactitude, faute de données statistiques complètes. Selon M. Gemayel, le secteur ne génère pas moins de 135 000 emplois directs, tandis que l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) soutient qu’un emploi créé dans l’industrie permet la création de 2,2 emplois dans d’autres secteurs. Enfin la production locale contribue à ralentir la hausse du déficit commercial (17 milliards de dollars en 2018, soit +1,7 % en glissement annuel), en dopant les exportations du pays (3 milliards de dollars, +3,8 %), ou en limitant les besoins d’importations (20 milliards de dollars, +2%).
« Le problème, c’est que nous sommes laissés à notre sort, alors que beaucoup de pays ont adopté des mesures pour soutenir leurs industries respectives, notamment à travers des primes à l’exportation ou des subventions sur les prix de l’énergie », résume Fady Gemayel, un discours martelé par l’AIL à de nombreuses reprises ces dernières années.
À ces deux revendications, s’ajoutent également l’adoption de mesures antidumping durables visant des produits concurrents, le renforcement de la lutte contre la contrebande, la fermeture des usines illégales (sans licence délivrée par le ministère de l’Industrie), l’exonération de l’impôt sur les propriétés bâties, le développement des zones industrielles ou encore la réduction des intérêts sur les prêts au secteur productif. Ces mesures ont été pour la grande majorité déjà mises en avant par les industriels par le passé. La dizaine des députés présents sur place ont pour leur part signé un mémorandum à travers lequel ils se sont engagés à défendre les intérêts du secteur auprès de la présidence, du Parlement et du gouvernement. Le ministre de l’Industrie a, quant à lui, imputé les difficultés du secteur à « l’absence de vision politique », avant d’ajouter « qu’un nombre non négligeable d’accords (commerciaux) entre le Liban et d’autres pays » devaient être « réexaminés ».
L’AIL a enfin appelé les autorités à mettre en œuvre les mesures que le Liban avait déjà identifiées pour restructurer l’économie, en commençant par celles du plan McKinsey commandé par le gouvernement libanais début 2018 et qui contient des recommandations pour doper les secteurs productifs et les exportations. La mise en œuvre des engagements pris par les dirigeants libanais lors de la conférence de Paris (CEDRE) en avril dernier figurent enfin en bonne place parmi les doléances du secteur.
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10 h 57, le 28 mars 2019