Rechercher
Rechercher

Économie - Réformes

Réduction du déficit : le ministre des Finances met la pression

La Banque du Liban critique le fait que le gouvernement n’ait toujours pas pris les dossiers à bras le corps depuis sa formation.

Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil. Photo ANI

Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a mis les pieds dans le plat en fin de semaine en demandant à ses services de suspendre, jusqu’à nouvel ordre et à compter de vendredi, toute nouvelle autorisation d’engagement de dépenses publiques, à l’exception des rémunérations des fonctionnaires et à payer les indemnités de transport. La mesure a été très commentée dans la presse et certains médias durant le week-end alors que le nouveau gouvernement formé il y a presque deux mois n’a toujours pas entamé l’examen du projet de budget pour 2019 et que la situation financière du pays est sous pression depuis plus d’un an.

Si son adoption se fera nécessairement en dehors des délais constitutionnels (qui ont expiré fin janvier), cette loi des finances est très attendue par les créanciers et les soutiens du Liban. Ces derniers ne désespèrent en effet pas de voir les dirigeants libanais mettre rapidement en œuvre les engagements consacrés lors de la conférence de Paris (CEDRE) en avril 2018, dont notamment celui de réduire le ratio déficit public/PIB d’un point de pourcentage pendant cinq années consécutives.

Cet objectif – inscrit dans la déclaration ministérielle – passe par la mise en œuvre d’importantes mesures pour réduire les dépenses publiques, en réformant notamment le secteur de l’électricité et de la fonction publique, deux des trois plus importants postes de dépenses budgétaires avec le service de la dette. Des chantiers que les dirigeants libanais ont retardés pendant près d’un an, en paralysant entre autres le processus de formation du gouvernement Hariri III, de mai 2018 à janvier dernier.


(Lire aussi : Des prêts approuvés et un budget 2019 qui se fait attendre)


Toutes les institutions

« Dans ce contexte, l’initiative du ministre s’apparente clairement à un coup de pression », affirme à L’Orient-Le Jour une source bancaire anonyme. Une interprétation que n’a pas contredite Ali Hassan Khalil lors d’une conférence de presse organisée samedi pour expliquer sa décision. « Cela n’a aucun rapport avec la situation financière ni monétaire (…). C’est une décision administrative qui est liée à la préparation du budget (pour 2019) », a-t-il notamment martelé. « (Elle) s’applique à l’ensemble des institutions soumises au code de la comptabilité publique », a-t-il précisé, répondant à la question d’un journaliste.

Début mars, le Parlement a autorisé le ministère des Finances à collecter les impôts et à décaisser les dépenses sur la règle du douzième provisoire jusqu’au 31 mai, se laissant donc trois mois de marge pour adopter un budget pour 2019 conformément aux engagements du pays. Or toutes les dépenses réservées par les ministères et les institutions publiques engageront le pays et devront donc être intégrées dans la loi des finances, ce qui réduira sensiblement la marge du gouvernement pour abaisser le déficit public, a exposé M. Ali Hassan Khalil lors de la conférence de presse. « Si on laisse les ministères engager des dépenses comme ils l’ont fait ces dernières années, le Liban risque de se retrouver avec un ratio déficit public/PIB de 14 % en 2019 au lieu des 11 % qu’il devrait atteindre en 2018 », ironise la source bancaire précitée. Selon les derniers chiffres disponibles, le déficit public a atteint 5,8 milliards de dollars à fin novembre 2018, en hausse de 72 %. Ce montant est d’un milliard de dollars supérieur à celui qui figurait dans le budget 2018 voté en mars de la même année.

Répondant aux questions des journalistes, le ministre des Finances a en outre assuré que le code de la comptabilité publique lui permettait d’engager certaines dépenses d’urgence hors du cadre de la règle du douzième provisoire. Il a par ailleurs écarté tout lien entre sa décision et les propos du chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, qui a insisté, lors de sa visite de deux jours à Beyrouth, sur la nécessité pour le Liban de mettre en œuvre les réformes promises dans le cadre de CEDRE.


Manque de proactivité

M. Hassan Khalil a enfin nié toute filiation entre la limitation des engagements de dépenses des institutions et l’intervention du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, qui a critiqué vendredi sur Twitter le fait que le gouvernement n’avait toujours pas pris les dossiers de réformes à bras le corps depuis sa formation – à l’exception du plan de réforme de l’électricité présenté jeudi en Conseil des ministres.

Le même jour, le gouverneur avait déclaré à la LBCI que le manque d’initiative du gouvernement était à l’origine de la baisse régulière des prix des eurobonds (titres de dette en devises émis par l’État libanais) ces dernières semaines, alors qu’ils avaient retrouvé leur niveau presque habituel dans le sillage de la formation du gouvernement. Le gouverneur avait néanmoins une nouvelle fois assuré que la situation financière du pays était encore stable. « Il n’y a rien de nouveau depuis. Les échéances du Liban pour 2019 sont en principe couvertes, mais les investisseurs angoissent face au manque de proactivité du gouvernement Hariri III », confie encore la source bancaire.

En attendant, la dette publique a continué de grimper. Elle a atteint 85,3 milliards de dollars à fin janvier, en hausse de 6,1 % en un an, selon les derniers chiffres du ministère des Finances. La dette en livres libanaises a représenté 60,6 % de ce total en hausse de 3,7 % en un an, contre pas moins de 10 % pour celle en devises. La dette en livres était détenue à 50,3 % par la BDL, suivie par les banques commerciales (39,2 %) et les agences publiques et institutions financières (14,7 %). La dette en devises était quant à elle détenue à 93,7 % par les titulaires d’eurobonds et des bons du Trésor spéciaux émis en devises, suivi des institutions multilatérales (4,1 %) et des gouvernements étrangers (2,2 %).

Les trois principales agences de notation américaines (Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s) ont toutes récemment révisé à la baisse leurs évaluations de la note souveraine du Liban. Moody’s a toutefois décidé vendredi soir de maintenir à « stable » la perspective du système bancaire libanais (noté Caa1).


Lire aussi

Encore des mesures pour financer l’État avant même le budget

Les comptes publics reconstitués transmis à la Cour des comptes


Pour mémoire

Les besoins en carburant d’EDL assurés jusqu’à mi-mars

Eurobonds : l’embellie se confirme après la formation du gouvernement

Situation financière au Liban : quelques clés pour comprendre la fébrilité actuelle

Le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a mis les pieds dans le plat en fin de semaine en demandant à ses services de suspendre, jusqu’à nouvel ordre et à compter de vendredi, toute nouvelle autorisation d’engagement de dépenses publiques, à l’exception des rémunérations des fonctionnaires et à payer les indemnités de transport. La mesure a été très commentée dans la...

commentaires (1)

FAUT DE L,URGENCE DANS LES REFORMES.

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 08, le 25 mars 2019

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • FAUT DE L,URGENCE DANS LES REFORMES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 08, le 25 mars 2019

Retour en haut