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Lifestyle - Gastronomie

Un zaatar franco-syrien, pour mêler « les souvenirs » au « rêve »

Deux chefs cuisiniers, un Syrien et un Français, ont uni leurs forces pour revisiter le thym, une des épices les plus utilisées dans la cuisine moyen-orientale.

Mohammad Elkhaldy et Olivier Roellinger, un bel échange de saveurs et de souvenirs. Photo DR

Mohammad Elkhaldy et Olivier Roellinger se sont rencontrés chez ce dernier à Cancale, à quelques kilomètres au nord de Saint-Malo, en Bretagne. « Mais Cancale n’est pas la capitale du monde, contrairement à Damas », plaisante immédiatement le chef français.

Le ton est donné : de Damas à Cancale, les deux cuisiniers syrien et français expliquent au public les liens entre leurs deux cuisines, à l’occasion d’une conversation organisée récemment par le Refugee Food Festival. Cette association réunit chefs français et réfugiés pour améliorer l’accueil et l’insertion de ces derniers. « Je connaissais le mélange (du zaatar), mais je ne pouvais pas me permettre d’en faire un parce que je n’ai aucune légitimité. Même si j’aime beaucoup la cuisine libanaise, ce n’est pas ma culture, » explique Olivier Roellinger. Mais en croisant le chemin de Mohammad Elkhaldy, il réalise « qu’il n’y a pas de barrières entre cuisiniers. Et puis tout de suite, j’ai dit : “Tu ne veux pas me présenter ton zaatar ?” »

Aucune hésitation pour le chef réfugié, qui ne peut pas « imaginer sa vie sans épices ». Arrivé en France en 2015 avec sa famille, il était cuisinier dans son pays avant de devoir fuir Damas et les ravages de la guerre syrienne. Début 2016, il obtient le statut de réfugié. Il collabore rapidement avec le Refugee Food Festival et se familiarise avec la scène française.


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« Terriblement ému »
Début 2018, Olivier Roellinger et Mohammad Elkhaldy décident de revisiter le zaatar, fusion incontournable de thym et d’épices de la cuisine moyen-orientale. Le chef français, triple étoilé en 2006, est connu pour sa passion pour les épices venant du monde entier, raison pour laquelle il a fondé son entreprise Épices Roellinger. Lui a été « terriblement ému et bouleversé » par le parcours difficile du chef syrien et passionné par la cuisine de la région, qu’il avoue moins connaître que les traditions culinaires d’Asie du Sud-Est et d’Inde.

Ce produit métissé mêle du thym cueilli à la main dans les garrigues de la région du Languedoc, dans le sud de la France, avec du sumac, « pour l’acidité », du sésame et du cumin. Mohammad Elkhaldy, habituellement, confie rajouter « de l’anis vert, de la cardamome et du fenouil » dans son mélange personnel, mais assure « développer sa manière de cuisiner » en inventant de nouveaux mélanges.

Pour le chef syrien, impossible de différencier par exemple le zaatar syrien et le zaatar libanais. Lui évoque la Grande Syrie, Bilâd al-Cham, qui englobe la Syrie, le Liban, la Jordanie, la Palestine et certaines régions irakiennes et turques, pour parler d’un héritage culinaire commun et panarabe. « Chaque ville, chaque village dans la montagne produit un zaatar différent, poursuit-il, à partir d’une même base : le thym sauvage. »

À composition métissée, consommation cosmopolite : ce zaatar hybride se consomme aussi bien sur « des œufs, au plat ou brouillés », ou même un « soufflé », pour Olivier Roellinger, que pour « tout, sauf le thé », sourit Mohammad Elkhaldy.


« Le drame du Moyen-Orient »
Qu’est-ce qu’évoque ce mélange, pour les deux chefs, au-delà d’une collaboration fructueuse ? « Un rêve », résume Olivier Roellinger. Né dans une région de corsaires et de boucaniers, près d’une ville bretonne où tous les peuples se sont rencontrés pour commercer et échanger, le chef français a été sensible à une rencontre en particulier, un jeune Israélien qui a atterri un beau jour dans ses cuisines. « Mon rêve, c’est que le zaatar puisse un jour réconcilier Israéliens et Palestiniens, parce que la cuisine se doit d’être une grande concorde entre les peuples, » lance-t-il, ému.

« Le zaatar pour nous en France, c’est d’abord le Liban, et puis au-delà (...), c’est tout le drame du Moyen-Orient, interprète Olivier Roellinger. Et s’il pouvait être un lien ? » En tout cas, il est une manière pour Mohammad

Elkhaldy de « faire découvrir la cuisine ». « Beaucoup de gens prennent des recettes d’internet, ils ne connaissent pas l’âme du zaatar, les souvenirs (qui vont avec). » À lui donc de le réinventer en France, à défaut de pouvoir directement emmener les gastronomes à Damas, comme lui en rêve.


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