La dernière escalade provoquée jeudi dernier par le chef du CPL, Geban Bassil, qui avait été jusqu’à menacer le gouvernement d’implosion, donnant l’impression d’un début de divorce avec le Premier ministre, Saad Hariri, n’aura été au final qu’une fausse alerte. C’est ce qu’ont laissé entendre hier à tour de rôle l’un et l’autre, soulignant, chacun dans son style, que la cohabitation entre eux, scellée dans le cadre du compromis présidentiel, est incontournable.
Hier, M. Hariri a affirmé que le compromis qu’il a passé avec le chef de l’État, Michel Aoun, et le CPL était aussi solide qu’un « mariage maronite », quasiment indissoluble, tout en indiquant qu’aucune partie « ne pouvait arrêter la marche des réformes ». De son côté, M. Bassil s’est attelé, lors d’un entretien télévisé, à minimiser la portée de ses propos de jeudi, soulignant qu’ils « ne visaient personne en particulier ».
« Le compromis national est comme un mariage maronite, et ce pour une seule raison : il est lié à l’intérêt du Liban », a affirmé Saad Hariri devant une délégation de l’ordre des journalistes. « Avec le président de la République, nous avons pris une décision qui était dans l’intérêt du pays, en dépit de toutes les pressions et tensions politiques », a-t-il souligné. Il a déclaré, en allusion aux propos incendiaires formulés par M. Bassil, que « les déclarations politiques n’empêchent pas le gouvernement de poursuivre son travail et que rien n’arrêtera la marche des réformes et des réalisations ».
« Je vous assure qu’il n’y aura aucun conflit qui pourrait arrêter le travail en cours, ni avec le CPL, ni avec le mouvement Amal, le Parti socialiste progressiste, les Forces libanaises, ni avec les Marada, ni même nos conflits connus et publics avec le Hezbollah », a-t-il lancé.
Jeudi, Gebran Bassil avait menacé devant des partisans du CPL, qu’il dirige, de bloquer le gouvernement s’il n’obtenait pas satisfaction sur des dossiers aussi lourds que celui de la corruption, des réfugiés et de l’électricité. Toutefois, la tension semble être retombée à la faveur d’un entretien téléphonique entre MM. Hariri et Bassil, selon les milieux de Saad Hariri.
En ce qui concerne le dossier des réfugiés, un sujet de discorde entre MM. Hariri et Bassil, le Premier ministre a souligné que « toutes les formations politiques et tous les citoyens libanais veulent que les déplacés syriens rentrent dans leur pays, mais la question qui se pose est comment assurer ce retour ». « Depuis le début, nous avons confié au directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, la responsabilité de communiquer à ce sujet avec la Syrie, et des listes ont été présentées, mais (le régime syrien) n’a accepté qu’une infime partie », a-t-il déclaré.
Il a encore nié « tout ce qui a été dit en ce qui concerne l’implantation » des réfugiés au Liban, soulignant que « la Constitution libanaise est très claire à ce sujet ».
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Le « cri » de Bassil
De son côté, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil a souligné, lors d’un entretien hier soir à la LBCI, que ses propos de jeudi étaient un « cri » reflétant un mécontentement général. « Ce qui a été considéré comme une escalade était l’expression de mon insatisfaction à l’égard de la prestation du nouveau gouvernement et de son niveau de productivité en l’absence d’un véritable chantier de réformes », a ajouté M. Bassil, lors d’une conversation ouverte avec trois journalistes représentant divers camps politiques. « Si le gouvernement échoue, c’est nous (le CPL) qui aurons également échoué », a-t-il dit. Le ministre est revenu à plusieurs reprises sur le dossier des réfugiés syriens, affirmant pour la première fois, en réponse à une question, que « si le président syrien Bachar el-Assad ne veut pas du retour de ses sujets, c’est à nous de pousser dans cette direction et de le mettre devant le fait accompli ». La solution de ce dossier est à rechercher auprès de trois parties, a ajouté M. Bassil, à savoir le Liban, qui doit faire appliquer les lois en vigueur, la Syrie, qui doit organiser l’accueil, et la communauté internationale qui doit contribuer à la solution, notamment en s’abstenant de véhiculer les aides aux réfugiés vers le Liban, pour les réorienter vers la Syrie. Pour la première fois également, M. Bassil, qui a effectué une distinction entres les réfugiés et les migrants économiques, a reconnu l’existence de nombreux obstacles qui empêchent une partie des réfugiés de retourner, évoquant la destruction des maisons et les problèmes sécuritaires ou politiques auxquels ils seraient confrontés en cas de retour.
Évoquant le volet relatif à l’embauche d’ouvriers syriens prévue dans le cadre de CEDRE comme condition pour l’octroi d’une enveloppe de 400 millions de dollars destinés à des projets de développement, le ministre a refusé le principe des conditions préalables imposées par les bailleurs de fonds, soulignant que les aides et prêts concédés dans le cadre de ces accords « ne seront que partiellement acceptés ».
Interrogé sur ses réalisations depuis qu’il est au pouvoir, le chef du CPL a dénoncé, une fois de plus, la politique d’obstruction à laquelle il était confronté. Il s’est toutefois targué d’avoir mis en place la batterie de législations régulant le secteur du gaz et du pétrole et a rappelé les propositions de lois présentées récemment par son bloc politique pour contrer la corruption.
Interrogé sur les questions de libertés publiques et les multiples poursuites en justice engagées contre ceux qui le critiquent sur les réseaux sociaux, il a répondu qu’il était certes « en faveur de la liberté d’expression, mais non de la liberté de mentir ».
À la question de savoir pourquoi il était tellement impopulaire auprès d’un si grand nombre de personnes, le chef du CPL a répondu que « c’est le prix qu’il paie dans sa guerre contre la corruption et pour la restitution des droits spoliés des gens ».
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commentaires (6)
" Fais ce que tu peux, avec ce que tu as, là où tu es. " Theodore Roosevelt Et surtout avec des collaborateurs compétents Bassil n'a jamais apporté , dans ta toute sa prétendue carrière, que des résultats très négatifs
FAKHOURI
15 h 49, le 20 mars 2019