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Économie - Rapport

Malgré le manque de soutien, l’entrepreneuriat séduit toujours au Liban

Le pays est arrivé en tête du classement régional et au 4e rang mondial en termes d’activités entrepreneuriales en phase de démarrage.

Le Beirut Digital District, premier pôle technologique libanais. Jamal Saïdi/Reuters

À en croire une récente étude sur l’entrepreneuriat, le Liban serait l’un des meilleurs pays au monde pour lancer sa propre entreprise. Le rapport 2018 du Global Entrepreneurship Monitor (GEM) classe ainsi le pays du Cèdre au quatrième rang mondial (sur 48 pays étudiés) en termes d’esprit entrepreneurial, puisque 24,1 % des Libanais interrogés pour cette étude ont affirmé être en phase de démarrage de leur activité (Total Early-stage Entrepreneurial Activity, TEA). Encore mieux, il arrive en tête du classement régional, parmi les huit pays de la zone MENA (Iran, Turquie, Égypte, Émirats arabes unis, Qatar, Maroc et Arabie saoudite). Quelque 2 000 adultes libanais, âgés de 18 à 64 ans, ont été interrogés par GEM au cours de l’été 2018 concernant leurs activités, attitudes et ambitions entrepreneuriales.

Le rapport indique que près de 45 % de la population adulte libanaise est soit en train de lancer une nouvelle activité entrepreneuriale, soit en dirige une récemment créée, ce qui fait du Liban le 2e pays au monde à la fois pour les nouvelles activités et celles déjà bien établies. Plus de 21,6 % des Libanais interrogés ont déclaré avoir une entreprise bien établie, tandis que 29,1 % d’entre eux ont l’intention d’en créer.

En outre, 68,1 % des Libanais estiment avoir les compétences nécessaires pour l’entrepreneuriat, en seconde position régionale derrière l’Arabie saoudite (83,4 %), tandis que 42 % d’entre eux perçoivent des opportunités d’entrepreneuriat. Seuls 22,4 % craignent d’échouer dans leurs expériences d’entrepreneuriat, soit le taux le plus bas de la zone MENA.


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Entreprendre par nécessité

Toutefois, GEM souligne que le taux de TEA en 2018 a enregistré une baisse pour la quatrième année consécutive, même s’il reste le plus élevé de la région. Cela « n’a pas encore véritablement réussi à favoriser la création de nouvelles opportunités d’emplois et à permettre une augmentation des salaires », note les rédacteurs du rapport. Pour Fadi Bizri, partenaire au sein du fonds d’investissement à capital-risque B&Y Venture Partners et cofondateur de SE Factory, interrogé par L’Orient-Le Jour à ce sujet, « il faut faire un distinguo socio-économique entre ceux qui entreprennent par nécessité et ceux qui le font par opportunité. Ce n’est pas parce que le taux de TEA est élevé que le pays se porte bien ». Il estime que si « l’entrepreneuriat se développe bel et bien au Liban, cela n’impacte pas forcément toutes les classes sociales ». « Il est donc nécessaire d’œuvrer pour une amélioration de la situation et des opportunités pour les personnes poussées à entreprendre par nécessité », recommande Fadi Bizri. Même son de cloche chez Angela Solomon, fondatrice de la start-up Jaleesa, un réseau de babysitting en ligne. Selon elle, l’engouement des Libanais pour l’entreprenariat s’explique notamment par l’important taux de chômage des jeunes, estimé à environ 35 %. « Il y a un sentiment d’urgence chez les Libanais à entreprendre face à cette situation, c’est pour cela que nombre d’entre eux sont des travailleurs indépendants », remarque Angela Solomon.

Preuve que la conjoncture n’est pas favorable à la création d’emplois, plus de « 58,3 % des entrepreneurs ont déclaré s’attendre à n’employer personne d’autre qu’eux-mêmes pour les cinq années à venir », toujours selon le rapport GEM. Une des pires situations dans la région, puisque seuls les Égyptiens (58,5 %) et les Marocains (64 %) ont été plus nombreux à écarter de possibles recrutements. D’ailleurs, seuls 3,7 % des Libanais ont dit s’attendre à créer plus de six postes sur la même période, arrivant ainsi en bas du classement régional. Les rédacteurs du rapport pointent du doigt « l’absence de soutien gouvernemental aux politiques entrepreneuriales ». Un constat confirmé par Fadi Bizri. « Il faut moderniser les infrastructures physiques, légales et judiciaires et numériser l’administration pour plus d’efficacité. L’adoption de lois dans ce domaine doit aussi être accélérée : la loi sur la signature électronique a par exemple été votée l’an dernier, 14 ans après sa soumission. Aussi, le développement de la Zone économique spéciale de Tripoli n’est pas encore au rendez-vous, malgré son lancement en 2015 », plaide-t-il. Mais il reconnaît que certaines mesures ont été positives pour l’entrepreneuriat, comme la circulaire 331 de la Banque du Liban, même si elle n’est pas parfaite, et l’amélioration relative de la bande passante d’accès à l’Internet. Émise en 2013, la circulaire 331 permet aux banques libanaises d’investir jusqu’à 3 % de leurs fonds propres dans des sociétés œuvrant dans l’économie de la connaissance.


(Pour mémoire : Afiouni inaugure le Conseil national de l’entrepreneuriat)

Un engouement transgénérationnel

Mais en dépit de cette situation, le rapport note que l’entrepreneuriat dispose d’une « très bonne image » au Liban, toutes tranches d’âge confondues. Ainsi la part des 25-34 ans ayant une activité entrepreneuriale en phase de démarrage est de 30,3 %, suivie des 35-44 ans (27,9 %), des 45-54 ans (23,6 %), des 55-64 ans (18,4 %), et des 18-24 ans (15,9 %).

Au niveau de la parité, 31,28 % des hommes ont déclaré avoir une activité entrepreneuriale en phase de démarrage, contre seulement 17,44 % des femmes. Cette disparité ne se retrouve pas toutefois dans la motivation à entreprendre, avec 64,3 % des femmes et 63,3 % des hommes déclarant vouloir saisir des opportunités d’entreprendre.

En parallèle, le taux de cessation d’activité au Liban est de 8 % en 2018, ce dernier désignant la part d’adultes qui, pour une raison quelconque au cours des douze derniers mois, ont décidé de quitter une ou plusieurs activités entrepreneuriales dans lesquelles ils étaient impliqués. Les raisons avancées à la cessation d’activité sont principalement le manque de profitabilité (51,1 %), suivi par une stratégie de sortie (9,9 %), à un départ à la retraite (7,8 %) ainsi qu’à un manque de ressources financières (7,1 %).

En termes de répartition sectorielle, le commerce en gros et de détail arrive en première position au Liban, avec 58,6 % des nouvelles affaires en phase de démarrage, suivi des services clients (20,8 %) et du secteur industriel et des transports (12,7 %). Des secteurs « extrêmement compétitifs » avec une « faible croissance », notent les auteurs du rapport. En revanche, le Liban est à la première place régionale en termes d’orientation à l’export (59,3 %) et d’innovation, avec 41,9 % des entrepreneurs libanais en phase de démarrage ayant déclaré développer ou proposer de nouveaux produits qui n’existent pas encore sur le marché. « Cette facilité à exporter et à innover des entrepreneurs s’explique par le fait que nombre d’entre eux travaillent dans le secteur numérique. Le digital s’exporte facilement, il n’y a pas de barrière physique », explique Fadi Bizri.


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