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Diaspora - Entretien

« La culture libanaise ne se définit pas uniquement par le taboulé et la dabké ! »

Sergio Khalil, fondateur d’un centre d’études libanais en Amérique latine, annonce une prochaine collaboration avec LEBolution (jeunesse de l’ULCM) pour encadrer 200 jeunes issus de la diaspora libanaise.

Sergio Khalil avec son épouse Marianela Chami.

« On reflète une image erronée de la diaspora libanaise, on s’adresse à elle comme si elle était une entité homogène, en négligeant la réalité de ses connexions avec le Liban et le facteur de dilution (dans la société hôte) qui résulte de l’intégration et du passage des générations », révèle Sergio Khalil. Cet Argentin d’origine libanaise est un émigré de première génération, dont le père avait quitté Majdel Maouche, au Chouf, en 1952. Sergio, suivant les pas de son père Antoine, un des fondateurs de l’Union libanaise culturelle mondiale (ULCM) dans les années soixante, a contribué à fonder le Comité de jeunesse de l’ULCM en 1984. Il réside actuellement entre l’Argentine et les États-Unis, et visite le Liban fréquemment avec son épouse, elle aussi uruguayenne d’origine libanaise, de la famille Chami, originaire de Byblos.


Comprendre la diaspora et l’analyser
Depuis le flux migratoire qui a commencé durant la seconde moitié du XIXe siècle, provoqué par les guerres et des problèmes divers, on parle de millions de Libanais expatriés à travers le monde. Sergio Khalil tend à nuancer ce chiffre : il explique qu’il y aurait des Libanais (émigrés ou descendants d’émigrés) concernés par l’actualité sociale et/ou politique du pays du Cèdre, et d’autres qui en seraient désormais détachés.

Il ajoute : « Seuls 83 000 électeurs émigrés se sont inscrits pour les dernières élections législatives du Liban en 2018. De plus, les participants aux activités des institutions et clubs libanais dans le monde sont sans doute en nombre limité. Les expatriés ne seraient pas tous concernés par le Liban de la même façon. Voilà pourquoi il est primordial de comprendre la diaspora, l’analyser et la classifier afin d’élaborer des programmes qui répondent à ses différents besoins : un Libanais qui a émigré pour des raisons professionnelles et qui maintient toujours des liens familiaux, financiers et sociaux avec son pays d’origine, n’est pas dans la même situation qu’un émigré – ou plutôt un descendant de deuxième ou troisième génération – qui, sous l’effet du facteur de l’intégration sociale, s’est retiré de toute connexion directe avec le pays de ses ancêtres. Celui-ci, en général, ne garde que quelques liens nostalgiques restreints liés à la gastronomie et au folklore. »

« Or la culture libanaise n’est pas uniquement limitée à la dabké et au taboulé ! » lance-t-il. « Elle est plutôt définie par les valeurs qui la sous-tendent : pluralisme, coexistence, liberté d’expression, caractère cosmopolite… ». Afin de diffuser cette culture spécifique aux Libanais expatriés, de même qu’aux autres communautés du monde latin, Sergio Khalil collabore avec des académiciens et intellectuels du Costa Rica, d›Argentine, du Mexique et du Chili, entre autres. Et c’est la raison pour laquelle il a fondé CELIBAL (Centre d’études libanaises en Amérique latine) à Buenos Aires et en Argentine, en 2013.


Le voyage de 200 jeunes
Après avoir travaillé plusieurs années dans une banque libanaise à New York, Sergio Khalil crée ses propres compagnies et se consacre à CELIBAL. Conçue comme une sorte de plateforme virtuelle, cette institution, à travers ses symposiums et ses conférences internationales, diffuse l’information sur l’actualité libanaise, afin que les expatriés se sentent davantage impliqués dans les activités de leur pays d’origine. À travers ses fortes connexions avec plusieurs universités d’Amérique latine, CELIBAL cherche à propager la culture libanaise à toutes les communautés sans exception. Son dernier congrès s’est déroulé en novembre au Mexique dans le Club libanais de Mexico, avec la participation de l’Université libano-américaine (LAU), sous le titre : « Le Liban, dernier bastion de la coexistence religieuse, du pluralisme politique et du multiculturalisme cosmopolite ».

Sergio Khalil révèle à L’Orient-Le Jour le nouveau projet de CELIBAL, qu’il met en place en collaboration avec LEBolution (un programme créé par la section jeunesse de l’ULCM), offrant tous les deux ans un voyage au Liban pour les jeunes descendants d’origine libanaise. Pour 2019, ce projet commencera par un cours en ligne sur le patrimoine et l’histoire du Liban, qui sera donné à 200 jeunes durant trois mois au Liban l’été prochain. Ainsi, leur voyage ne se limitera pas à une simple visite touristique, mais sera plutôt le prolongement d’un apprentissage théorique déjà fourni par le cours de CELIBAL. Le projet comprendra de même une rencontre entre les jeunes descendants d’émigrés et des étudiants d’une université libanaise, où se dérouleront des discussions ouvertes et des échanges de connaissances.


Identité atypique
Pour Sergio Khalil, la culture de la coexistence culturelle, qui caractérisait jadis la région du Levant, persiste uniquement au Liban. Les pays de la région comme l’Irak, la Libye, la Syrie, l’Égypte… sont désormais gouvernés, selon lui, par des régimes autoritaires. Or c’est l’identité plurielle des Libanais qui a constitué, du point de vue de Sergio Khalil, un facteur de résistance pour le Liban. « Notre pays a vécu plusieurs conflits qui étaient presque tous dus à des influences extérieures, provoquées par l’insécurité de chaque communauté, dit-il. Mais les Libanais ont a décidé de vivre ensemble et tiennent toujours à cette décision. »

« Le Liban est un pays unique et chacune de ses régions a son identité propre, s’enthousiasme-t-il. Comprendre le Liban, c’est comprendre sa structure. Et c’est cette idée du Liban que CELIBAL cherche à propager dans la diaspora : le Liban qui a persévéré grâce à son identité atypique, qui n’est ni seulement phénicienne, ni ottomane, ni arabe ni occidentale, mais plutôt la combinaison des civilisations qui ont façonné ce pays à travers le temps. »


Pour mémoire
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