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Liban - Reportage

Pour les réfugiés syriens, l’hiver se déroule au rythme des inondations

Dans la Békaa, de nombreux réfugiés ont dû quitter leurs habitations devenues insalubres.

Malgré les jours ensoleillés, les campements ne sèchent pas rapidement. Photo Patricia Khoder

« Nos camps sont infestés de crapauds et de grenouilles. Il y a aussi beaucoup de rats et de souris, l’eau les a fait sortir de leurs trous. Des mille-pattes et des vers de terre sont également remontés à la surface. » Walid, réfugié syrien originaire de la ville de Homs, raconte son quotidien dans un camp de Bar Élias, une localité de la Békaa qui compte 40 000 habitants et accueille 100 000 réfugiés syriens.

Ici, dans les campements de réfugiés, les terrains agricoles au sol rouge et fertile ont encore du mal à absorber l’eau des pluies des dernières tempêtes, malgré des journées entières de beau temps. Or, un nouvel épisode pluvieux, de plusieurs jours, a débuté hier.

Dans plusieurs campements, les inondations sont récurrentes depuis le début de l’hiver. « J’ai déjà enduré deux inondations cette année. Même si l’eau a fini par être évacuée, la tente reste très humide et tous les matins, le tapis qui couvre le sol en béton ainsi que nos matelas sont humides », affirme Walid.

Cela fait sept ans qu’il vit avec sa famille au Liban et chaque année l’hiver apporte son lot de calamités. « Il y a deux ans, il a neigé. Il faisait tellement froid. Il est arrivé, par le passé, que la tente soit inondée. Mais il n’a jamais autant plu depuis notre arrivée au Liban », explique-t-il, évoquant avec amertume le confort de son appartement à Homs. Opposant au régime de Bachar el-Assad, il sait qu’il doit faire une croix sur cet appartement, explique-t-il. Au cours des deux derniers mois, Walid, sa famille et ses voisins ont dû quitter leurs tentes pour un camp d’accueil le temps que le campement sèche. Mais même quand le sol en béton des tentes redevient sec, les chemins qui relient les tentes entre elles demeurent boueux, voire à certains endroits recouverts d’eau.

Selon des chiffres du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR), 850 campements étaient sous la menace d’inondations en janvier dernier. Pour 678 d’entre eux, l’inondation a eu lieu. Durant le mois de janvier, 47 189 personnes ont été affectées par les inondations et, en février, jusqu’à la semaine dernière 15 489 réfugiés ont été touchés. Ce qui aggrave la situation est que de nombreux campements ont été construits à proximité de fleuves et de rivières, qui sont sortis de leurs lits cet hiver, vu l’important niveau des précipitations dans la Békaa.

C’est le cas à Majdal Anjar, où une rivière qui se jette dans le Litani est sortie de son lit, inondant tout un campement.

Ici, sur une trentaine de familles, quatre seulement sont restées sur place. « C’est la deuxième inondation cette année. Je ne veux pas quitter ma tente. Jusqu’à présent l’eau nous a épargnés », affirme Khadijé, une Kurde syrienne. Sa voisine Darine, qui a également décidé de rester, vit avec ses quatre enfants, dont deux jumeaux âgés de cinq mois. Son mari, dit cette Kurde syrienne, est parti il y a quatre mois en Syrie, dans la province de Homs. Depuis, elle n’a plus de ses nouvelles. Aujourd’hui, elle préfère rester avec ses voisins même si l’eau dans le camp est montée, car elle s’y sent plus en sécurité. « Et puis, je suis lasse. Je sens que je n’ai pas la force de partir ailleurs avec les enfants, même si c’est plus sûr et plus commode d’être provisoirement dans un camp d’accueil. »


(Lire aussi : Les conditions du retour ne sont pas réunies, alertent deux experts)

« Nous avons uniquement réussi à sauver les enfants »

À Bar Élias, une fédération d’ONG libanaises et arabes, l’Union des associations pour le secours et le développement (URDA), accueille, en coopération avec le HCR, les réfugiés dans deux campements, « le camp du retour » et « le camp Yasmine ». Dans ce dernier, des préfabriqués équipés de poêles, de matelas et de couvertures ont été mis à la disposition des déplacés. Mais le nombre de réfugiés accueillis a rapidement dépassé les prévisions. L’ONG s’est ainsi attelée à construire des tentes supplémentaires et à les équiper.

Il a aussi fallu compter un nombre plus important de matelas et de couvertures, car de nombreux réfugiés sinistrés sont repartis, une fois leurs habitations séchées, avec ce qui se trouvait dans les préfabriqués.

Ali et Hind, un frère et une sœur turkmènes, ont quitté leur campement de Majdal Anjar pour venir habiter quelques jours dans le camp Yasmine, le temps que baisse le niveau de l’eau dans leur camp. « La rivière est sortie de son lit et elle a tout emporté : la télévision, les couvertures, les matelas. Nous avons uniquement réussi à sauver les enfants. Tout a pris l’eau », dit Ali, montrant les trois enfants en bas âge de sa sœur.

Depuis le début de l’hiver, le HCR œuvre avec les autorités libanaises et les ONG concernées à trouver des lieux qui puissent accueillir provisoirement et dans la dignité les réfugiés dont les campements ont été inondés. Selon l’agence onusienne, les conditions de vie des Syriens au Liban se détériorent d’une année à l’autre. Plus de 90 % des familles syriennes vivant au Liban sont endettées. Cette année, le niveau d’endettement a dépassé, en moyenne, les 1 000 dollars par famille, un chiffre record jamais atteint depuis l’arrivée des réfugiés au Liban en 2011, souligne l’organisation. Vu le manque de moyens, de plus en plus de réfugiés qui vivaient dans des structures en dur, se voient obligés de déménager pour vivre dans des structures non résidentielles et non permanentes, précise le HCR. En 2017, 26 % des réfugiés syriens vivaient dans ce genre de structure, un an plus tard ce taux a atteint les 34 %.


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commentaires (3)

Quels désastres...et misères. Des peuples qui souffrent suite à des décisions inconsidérées prises dans des palais... Des motivations absurdes et mal calculées, dont la haine est le principal moteur. Ensuite on voit ces gens horribulus dans des conseils constitutionnels et autres endroits bien chauffés qui préparent leur bonne retraite... Le summum de la honte

Sarkis Serge Tateossian

13 h 03, le 02 mars 2019

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Commentaires (3)

  • Quels désastres...et misères. Des peuples qui souffrent suite à des décisions inconsidérées prises dans des palais... Des motivations absurdes et mal calculées, dont la haine est le principal moteur. Ensuite on voit ces gens horribulus dans des conseils constitutionnels et autres endroits bien chauffés qui préparent leur bonne retraite... Le summum de la honte

    Sarkis Serge Tateossian

    13 h 03, le 02 mars 2019

  • Et les comploteurs de tout poils se réchauffent dans leurs misérables " Maison Blanche " et ailleurs à la rue du Foubourg Saint Honoré.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 37, le 27 février 2019

  • ET LE TYRAN SE CHAUFFE DANS SON PALAIS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 16, le 27 février 2019

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