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Liban - Distanciation

Une crise des prérogatives pour masquer les profondes divergences stratégiques ?

Le CPL est responsable de la situation actuelle des réfugiés syriens, accusent les FL.

Photo Dalati et Nohra

Comme prévu, la question du retour des réfugiés syriens ainsi que le respect de la politique de distanciation du Liban ont « électrisé » la première séance du Conseil des ministres après le vote de confiance. Et la polémique semble ne pas devoir s’estomper prochainement.

Outre le fait qu’elle reflète le désaccord libanais autour de l’épineuse question du retour des réfugiés, mais aussi autour des rapports avec la Syrie, cette querelle n’a pas tardé à se transformer en une guerre des prérogatives à laquelle se sont livrés les milieux du Courant patriotique libre et ceux du courant du Futur.

Pour rappel, le ministre des Affaires sociales Richard Kouyoumjian (Forces libanaises) a profité de son intervention lors de la séance gouvernementale pour critiquer le déplacement de son collègue pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib (proche du chef du Parti démocrate libanais de Talal Arslane et relavant de la quote-part du chef de l’État Michel Aoun), en Syrie en début de semaine. Selon M. Kouyoumjian, cette visite est aux antipodes de la politique de distanciation respectée en principe par la nouvelle équipe ministérielle. Ce à quoi Michel Aoun a répondu en établissant une nette distinction entre la distanciation par rapport au conflit syrien et celle par rapport à la question des réfugiés syriens. Le président de la République s’est même prononcé en faveur du rétablissement des relations avec Damas « en raison des liens de voisinage », critiquant par la même occasion « les pays étrangers qui ne veulent pas accueillir les réfugiés et qui ne nous permettent pas de les rapatrier ». Et M. Aoun de rappeler qu’il avait prêté serment pour défendre le pays.

Des propos interprétés dans les milieux de la communauté sunnite, notamment du courant du Futur, comme une grave atteinte au Premier ministre et à ses prérogatives en matière de définition de la politique étrangère. C’est dans ce cadre qu’il conviendrait de placer ce tweet posté hier par Mohammad Hajjar, député du Chouf (courant du Futur) : « Il est peut-être utile de rappeler que l’article 64 de la Constitution stipule que “le Premier ministre est le chef du gouvernement. Il le représente, s’exprime en son nom, et il est considéré comme responsable de l’exécution des politiques publiques définies par le Conseil des ministres”. »

Mais c’est surtout l’ancien ministre de la Justice Achraf Rifi, farouche opposant aux haririens depuis 2016, qui a créé la surprise en montant au créneau pour défendre la présidence du Conseil et Saad Hariri, tout en mettant en garde contre toute atteinte à l’accord de Taëf. « Quand le président Aoun frappe de son poing non constitutionnel (sur la table du Conseil des ministres), faisant fi de la Constitution, ainsi que du cabinet et de ses prérogatives en tant que pouvoir exécutif et source de décision, à l’heure où sévit le silence brisé seulement par les FL, dans une tentative avortée de rectifier le tir, c’est que Taëf a été modifié dans les actes », a-t-il écrit. « Protégez la Constitution avant qu’il ne soit trop tard », a ajouté l’ex-ministre à l’adresse des « gens concernés par les postes constitutionnels ».


(Lire aussi : La distanciation et les relations avec Damas divisent le Conseil des ministres)

Soutien de Raï à Aoun

En face, le chef de l’État a bénéficié, hier, de l’appui du patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, ainsi que du soutien du CPL. S’exprimant à l’issue d’un entretien avec Michel Aoun à Baabda, Mgr Raï a qualifié d’« honorable » la prise de position du président en Conseil des ministres. « Le président de la République protège la Constitution, les institutions, le peuple, l’État et l’entité. Et si cela ne relève pas de lui, personne ne peut le faire », a déclaré le chef de l’Église maronite. Concernant les accusations lancées contre M. Aoun autour d’une éventuelle atteinte aux prérogatives de la présidence du Conseil, Mgr Raï a déclaré sans détour : « La Constitution, notamment l’article 49 (qui stipule que le chef de l’État est le garant de l’indépendance, de l’unité et de l’intégrité du territoire, NDLR), est claire. Et nous avons longtemps rappelé que seul le chef de l’État prête serment pour préserver la Constitution, la souveraineté du pays et l’unité du peuple. »

Mgr Raï a par ailleurs plaidé pour une nette distinction entre le retour des réfugiés et la solution politique au conflit syrien, notant que le chef de l’État n’a pas évoqué les rapports avec la Syrie, mais souligné que le Liban ne peut plus supporter les retombées négatives de la présence de 1 700 000 réfugiés syriens sur son sol.

À son tour, Assaad Dergham, député CPL du Akkar, a manifesté son appui au chef de l’État. Interrogé par la Voix du Liban 93.3, il a estimé que « le président a usé de son droit conformément aux textes constitutionnels », rappelant que Saad Hariri était au courant du déplacement de Saleh Gharib à Damas.

Loin de vouloir alimenter la polémique, un proche de Baabda se contente d’appeler, via L’Orient-Le Jour, les détracteurs du président Aoun à lire les articles 49 et 50 (qui ajoute également à la mission du président de maintenir l’indépendance du Liban et l’intégrité du territoire, NDLR) de la Constitution. « Il faut que les réfugiés rentrent chez eux. Et cela est impossible sans contact avec les autorités syriennes », souligne ce proche de la présidence, précisant que la distanciation ne signifie pas qu’il faudrait opter pour des choix qui vont à l’encontre de l’intérêt du pays, en l’occurrence le retour des réfugiés.


(Lire aussi : La polémique autour de la visite de Gharib à Damas appelée à vite se calmer)

Le silence de Hariri

Il va sans dire que ce tableau brumeux n’est pas sans susciter des interrogations autour des raisons derrière le silence que Saad Hariri a observé aussi bien avant la séance gouvernementale qu’après sa tenue. Tentant de répondre à ces interrogations, un proche de la Maison du Centre se contente d’assurer à L’OLJ que son parti est attaché au respect de la Constitution, insistant sur le fait qu’il appartient au Conseil des ministres de définir les politiques publiques. Et de réaffirmer l’attachement du camp Hariri à la distanciation.

Il n’en reste pas moins qu’un constitutionnaliste contacté par L’OLJ semble soucieux de cerner la polémique à sa stricte dimension liée à la politique politicienne. « Il revient au président de la République de présider les séances ministérielles quand il y est présent. Il a donc le droit d’y mettre fin quand il le juge nécessaire. Mais c’est au gouvernement de dresser la politique étrangère. D’autant que le chef de l’État n’est pas politiquement responsable de ses actes », précise-t-il.

Et rebelote… CPL vs FL

La querelle CPL-Futur a quelque peu camouflé les profondes divergences majeures autour de l’approche officielle du dossier des réfugiés et des rapports libano-syriens. On en veut pour preuve la polémique qui a opposé hier des ténors FL au CPL. C’est ainsi qu’il conviendrait d’interpréter les tweets postés par la ministre du Développement administratif May Chidiac. « Gare aux enchères au sujet des réfugiés ! Le régime Assad les manipule et entrave ce retour », a-t-elle écrit, avant d’ajouter : « La vraie solution est liée à un règlement politique au conflit en collaboration avec la communauté internationale. Tout lien entre cette question et la normalisation avec le régime Assad est inacceptable. » « Notre voix restera haute pour brandir les principes de la liberté et de la souveraineté du Liban », a-t-elle encore dit.

Emboîtant naturellement le pas à sa collègue, Richard Kouyoumjian a déclaré à Radio Liban libre que « le régime syrien pratique le chantage à l’encontre du Liban au sujet des réfugiés, dans la mesure où il tente d’imposer ses conditions à leur retour ». « En tant que FL, nous n’accepterons pas cela », a-t-il assuré.

Plus tôt dans la journée, le département médias des FL a publié un communiqué dans lequel il a répondu à un article paru hier dans les colonnes du quotidien al-Akhbar, organe du Hezbollah, et qui avait accusé le parti de Samir Geagea d’œuvrer pour que les réfugiés restent sur le territoire libanais. Le communiqué rappelle que les FL ont toujours plaidé pour le retour des réfugiés, soulignant que le problème a commencé sous le cabinet Mikati (où les FL n’étaient pas représentées), où le CPL avait dix ministres. « Ceux qui font aujourd’hui de la surenchère pour des motifs “assadistes” auraient dû organiser la présence des réfugiés dans des camps aux frontières », souligne le communiqué, imputant la responsabilité de la situation actuelle au parti de Gebran Bassil.

Le CPL, quant à lui, a publié un communiqué dans lequel il a déclaré ne pas vouloir réagir à ces propos « par souci de maintenir la réconciliation avec les FL et l’évolution de l’entente entre les deux formations ».

Il convient enfin de signaler que le ministre Saleh Gharib a reçu hier une délégation du Haut-Commissariat des réfugiés, conduite par Mireille Girard, représentante de cette agence au Liban. À l’issue de la réunion, le ministre a fait savoir que la discussion a porté sur « quelques idées à même d’assurer un retour sécurisé des réfugiés ». « Le retour des réfugiés ne contredit pas la distanciation et n’entrave pas le gouvernement », a-t-il assuré.



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Comme prévu, la question du retour des réfugiés syriens ainsi que le respect de la politique de distanciation du Liban ont « électrisé » la première séance du Conseil des ministres après le vote de confiance. Et la polémique semble ne pas devoir s’estomper prochainement. Outre le fait qu’elle reflète le désaccord libanais autour de l’épineuse question du retour des...

commentaires (3)

LA RE BELOTE est bien la. dommage que Rai se croit oblige d'intervenir ainsi a defendre aoun, alors que tous attendons ce jour beni de Dieu ou le clerge- tout le clerge- n'aura plus le droit de le faire. surtou lorsqu'il s'agit de cette rengaine de qui ,comment, qu'est ce que la constitution dit des prerogatives de celui-ci ou de celui la.

Gaby SIOUFI

13 h 42, le 23 février 2019

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Commentaires (3)

  • LA RE BELOTE est bien la. dommage que Rai se croit oblige d'intervenir ainsi a defendre aoun, alors que tous attendons ce jour beni de Dieu ou le clerge- tout le clerge- n'aura plus le droit de le faire. surtou lorsqu'il s'agit de cette rengaine de qui ,comment, qu'est ce que la constitution dit des prerogatives de celui-ci ou de celui la.

    Gaby SIOUFI

    13 h 42, le 23 février 2019

  • L,ABRUTISSEMENT DES UNS N,A D,EGAL QUE CELUI DES AUTRES ! ON SE LA BALANCE VIA MEDIA AU LIEU DE SE REUNIR ET DE DISCUTER ENTRE LIBANAIS ET TROUVER DES ISSUES AUX GRAVES ET DANGEREUX PROBLEMES DU PAYS...

    ARABOS-SIONISTES, L,ARTICLE DISPARAIT DES ECRANS

    11 h 55, le 23 février 2019

  • Cette énorme question de "L'INTERÊT SUPÉRIEUR DE LA NATION" en cache une autre , paragmatique : Le risque d'implanter les réfugiés syriens , comme leurs confrères palestiniens , en attendant le changement presque impossible du régime en Syrie , est-il de l'interêt supérieur de la Nation , ou au contraire ? La réponse est claire , libre à chacun de préferer le suicide au maintien du régime en Syrie .

    Chucri Abboud

    10 h 51, le 23 février 2019

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