Le président français Emmanuel Macron a affirmé mercredi vouloir élargir la définition de l'antisémitisme à l'antisionisme, sans modifier le code pénal et en s'appuyant sur un texte non contraignant adopté par plusieurs pays européens. Quelles seront les conséquences de cette annonce? Explications.
"L'antisionisme est une des formes modernes de l'antisémitisme", a déclaré M. Macron mercredi soir au dîner du Crif. "C'est pourquoi (...) la France (...) mettra en oeuvre la définition de l'antisémitisme adoptée par l'Alliance internationale pour la mémoire de la Shoah. Il ne s'agit pas de modifier le code pénal, encore moins d'empêcher ceux qui veulent critiquer (...) la politique israélienne de le faire".
"Il s'agit de préciser et raffermir les pratiques de nos forces de l'ordre, de nos magistrats, de nos enseignants, de leur permettre de mieux lutter contre ceux qui cachent derrière le rejet d'Israël la négation même de l'existence d'Israël", a-t-il ajouté.
Cette annonce a créé une certaine confusion, le président s'étant déclaré la veille opposé à une proposition de loi qui prévoyait de réprimer l'antisionisme au même titre que l'antisémitisme.
"Il n'y a pas en France de définition officielle de l'antisémitisme, tout comme il n'y a pas de définition officielle, par exemple, du racisme antimusulman ou envers les personnes asiatiques. Notre droit est fondé sur une conception universaliste et globale, pas sur un ciblage explicite de chaque religion", explique Frédéric Potier, le Délégué interministériel en France à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah).
L'avocat Richard Malka abonde: "La loi n'utilise jamais le terme +antisémitisme+. De même qu'elle n'utilise jamais le mot +juif+ ou +musulman+ ou +catholique+".
L'antisémitisme est appréhendé par le droit pénal français à travers la loi de 1881 sur la liberté de la presse, pour ce qui est des injures publiques, de la provocation publique à la haine et de la provocation publique à la discrimination fondées sur l'appartenance "à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée".
Pas de définition officielle non plus de l'antisionisme, parfois décrit comme la contestation de l'existence même de l'Etat hébreu ou comme la critique des mesures visant à instaurer un "Grand Israël" au détriment des Palestiniens.
Selon le ministère de la Justice, les tribunaux peuvent déjà condamner en France des personnes qui, "sous couvert d'un antisionisme de circonstance, véhiculent en réalité un antisémitisme réel".
La définition de l'antisémitisme à laquelle s'est référé Emmanuel Macron renvoie à un texte adopté en mai 2016 par 31 pays européens, dont la France. "L'antisémitisme est une certaine perception des Juifs, qui peut s'exprimer par de la haine envers les Juifs. Les manifestations rhétoriques et physiques de l'antisémitisme sont dirigées vers des personnes juives ou non juives, et /ou leurs biens, vers les institutions communautaires ou lieux de culte juifs", indique ce texte rédigé en anglais.
Le terme d'"antisionisme" n'y figure donc pas expressément, mais une annexe inclue toutefois le fait de "nier aux Juifs leur droit à l'auto-détermination, par exemple en affirmant que l'existence d'un Etat israélien est (...) raciste".
"Lors de formations de policiers et de gendarmes, on peut faire des études de cas, par exemple de personnes brandissant des pancartes portant les inscriptions +morts aux sionistes+, et dans les décryptages, on explicite le fait que ce sont les Juifs qui sont visés. Cela leur permettra ensuite de mieux caractériser les enquêtes et appréhender les situations concrètes", explique Frédéric Potier.
"Pour les enseignants, dans les écoles de formation, on peut imaginer un atelier où la définition sera décortiquée", pour "aider à répondre aux élèves", ajoute-t-il.
La majorité présidentielle de son côté va "adopter une résolution" non contraignante reconnaissant "l'antisionisme comme une forme déguisée d'antisémitisme".
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10 h 07, le 22 février 2019