Les instances sunnites sont montées au créneau après des déclarations de la ministre libanaise de l'Intérieur, Raya el-Hassan, qui a affirmé vouloir "ouvrir la porte au dialogue pour faire reconnaître le mariage civil" au Liban, alors que des responsables politiques appuyaient ses propos.
"Personnellement, je suis pour qu'il y ait un cadre régulant le mariage civil", a affirmé Mme Hassan, première femme ministre de l'Intérieur du monde arabe, lors d'une interview sur la chaîne Euronews. "Je vais essayer d'ouvrir une porte pour un dialogue sérieux et profond", à ce sujet, a souligné la ministre, elle-même sunnite de Tripoli, au Liban-Nord. Et d'ajouter : "En prenant en compte toutes les dimensions politiques et confessionnelles, je voudrais lancer le dialogue avec toutes les instances religieuses et autres, avec le soutien, je l'espère, du Premier ministre Saad Hariri, pour que le mariage civil soit reconnu", a ajouté la ministre, du Courant du Futur.
Le Liban, où coexistent dix-huit confessions religieuses, n'a pas de code de statut personnel unifié et toutes les questions relatives au statut personnel, qu'il s'agisse de mariage, divorce, garde des enfants, héritage, etc. sont donc soumises au droit relatif au statut personnel de sa communauté. Les unions civiles célébrées à l'étranger sont toutefois reconnues.
Réagissant lundi à ces déclarations, Dar el-Fatwa, l'instance religieuse sunnite, a proclamé dans un communiqué "le refus catégorique du mariage civil au Liban", soulignant qu'il s'agit d'un point de vue "connu depuis des années".
"La ministre Hassan ne mesure pas ce que signifie le mariage civil, dans sa dimension islamique et elle n'a pas réfléchi avant de s'exprimer à ce sujet", a de son côté réagi le mufti de Tripoli et du Liban-Nord, Malek el-Chaar. "Le mariage civil est une violation de la charia et la priorité est de se concentrer sur les spécificités des différentes confessions religieuses", a-t-il ajouté.
Le député sunnite prosyrien Adnane Traboulsi a pour sa part souligné que le mariage civil avait "toujours été refusé par les chefs de gouvernements et toutes les personnalités et communautés musulmanes". "Il s'agit d'une ligne rouge et nous ne permettrons pas que soit manipulée l'organisation du statut personnel chez les musulmans", a-t-il ajouté.
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Déclarations "audacieuses"
Les propos de Mme Hassan ont toutefois été salués par plusieurs responsables et organisations politiques.
Le leader druze Walid Joumblatt s'est dit "partisan du mariage civil et de l'adoption d'un code du statut personnel civil". "Est-il possible de donner son avis sur le mariage civil sans être taxé d'hérésie, s'est-il interrogé. C'en est assez de l'utilisation de la religion pour créer des dissensions entre les citoyens".
Le Bloc National a affiché son soutien aux déclarations "audacieuses" de la ministre de l'Intérieur. "Le mariage civil est le premier moyen de lier tous les citoyens. La famille est la première cellule qui rassemble en son sein les citoyens, avant d'autres cadres comme les partis et les communautés", a souligné le parti dans un communiqué. Le Bloc National a assuré qu'il allait "soutenir toutes les initiatives" promouvant le mariage civil.
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10 h 37, le 19 février 2019