Isolé par les Occidentaux depuis l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre dernier, Riyad cherche à redorer son blason avec d’autres partenaires en mettant le cap vers l’Asie de l’Est. Le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, a entamé une tournée régionale hier par le Pakistan où il doit rester jusqu’à aujourd’hui avant de s’envoler pour l’Inde puis la Chine. Le dirigeant de facto du royaume wahhabite devait initialement s’arrêter brièvement en Indonésie et en Malaisie, mais ces étapes ont finalement été reportées samedi à la dernière minute, sans qu’aucune information supplémentaire ne soit fournie par Riyad. Marquant son premier déplacement depuis le G20, qui s’est tenu en Argentine en novembre dernier, ce voyage est l’occasion pour le prince héritier saoudien d’afficher sa capacité à maintenir des relations diplomatiques et économiques solides et le poids de son influence dans la région, loin de ses difficultés avec l’Occident. Accusé d’avoir commandité le meurtre de Jamal Khashoggi pour ses positions vues comme trop dérangeantes à l’égard de l’establishment saoudien, Riyad est aussi régulièrement pointé du doigt par les ONG pour ses violations des droits de l’homme.
Des sujets qui ne devraient pas être soulevés cette semaine pendant la tournée du prince héritier saoudien. « MBS recherche et recevra un accueil très chaleureux dans les trois pays », alors qu’il arrive avec de nombreuses promesses d’investissement, estime Neil Quilliam, chercheur au sein du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House, interrogé par L’Orient-Le Jour. « Contrairement aux visites en Occident, il est très peu probable qu’on lui pose des questions embarrassantes sur le meurtre de Khashoggi ou l’emprisonnement de militantes », indique-t-il.
Peu avant l’arrivée de MBS à Islamabad, les messages de bienvenue se multipliaient hier sur Twitter sous le hashtag #WelcomePrinceMBS (Bienvenue Prince MBS) alors que le royaume saoudien et le Pakistan entretiennent des liens étroits de longue date sur les plans militaire, diplomatique et économique. La relation entre Riyad et Islamabad s’est toutefois quelque peu dégradée en 2015 suite au refus du Parlement pakistanais d’engager les forces pakistanaises dans la coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis au Yémen pour appuyer le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi face aux rebelles houthis. Des protestations ont également eu lieu dans les rues pakistanaises la semaine dernière contre la venue de MBS, tandis que le hashtag #MBSNotWelcome (MBS n’est pas le bienvenu) circulait hier sur les réseaux sociaux.
(Lire aussi : MBS reprend la main pour faire oublier l’affaire Khashoggi)
Diplomatie du portefeuille
Des éléments qui n’ont pas entaché la rencontre entre le prince héritier et le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, alors que le prince héritier saoudien et sa délégation de 1 100 personnes sont loin d’arriver les mains vides. Alors qu’Islamabad se trouve dans une situation économique difficile, MBS a signé des protocoles d’entente hier pour un montant de vingt milliards de dollars. « Nous pensons que le Pakistan va devenir un pays très important dans un futur proche et nous voulons nous assurer d’en faire partie », a déclaré hier le prince héritier saoudien. « Nous allons travailler avec le Pakistan dans tous les domaines, économique, politique et sur la sécurité pour nous assurer de créer un avenir incroyable pour l’Arabie saoudite et le Pakistan », a-t-il insisté. Riyad devrait également aider à financer la construction du port de Gwadar, point stratégique géré par la société d’État chinoise China Overseas Port Holding Company, qui s’inscrit dans le cadre du « corridor économique » entre Pékin et Islamabad.
Une diplomatie du portefeuille qui devrait jouer en faveur du royaume wahhabite alors que « MBS a l’intention de maintenir le Pakistan fermement dans son orbite, en particulier dans la mesure où il cherche à renforcer les relations avec l’Inde », note M. Quilliam. La visite de MBS intervient dans un contexte tendu entre l’Inde et le Pakistan alors qu’un attentat perpétré jeudi dernier par Jaish-e-Mohammed (Armée de Mohammed) a tué 44 policiers indiens dans la région du Cachemire, zone que se disputent les deux pays. New Delhi accuse notamment Islamabad d’être impliqué dans l’attaque en soutenant le mouvement islamiste. « Il est donc important d’établir un équilibre entre les deux, surtout pour réduire l’influence de l’Iran au Pakistan », précise le chercheur, alors que Riyad cherche à endiguer l’influence de Téhéran au Moyen-Orient.
Le dossier du processus de paix en Afghanistan pourrait également être évoqué entre MBS et Imran Khan, alors que des pourparlers ont récemment eu lieu à Doha entre les représentants des talibans et Washington pour mettre un terme au conflit. Les talibans ont toutefois annoncé hier le « report » de leur visite prévue aujourd’hui à Islamabad.
(Lire aussi : Meurtre de Khashoggi : les photos d'un "complice" turc publiées par des médias)
Favoriser de nouveaux accords
Le pan économique de la tournée de MBS devrait ensuite être un peu plus exacerbé lors de ses rencontres avec le Premier ministre indien, Narendra Modi, puis le président chinois Xi Jinping et le vice-Premier ministre Han Zheng. Selon le porte-parole de la diplomatie chinoise, le déplacement de MBS en Chine a pour objectif d’« approfondir la coopération » entre les deux pays, notamment au sujet des projets des Routes de la soie lancés par Pékin. « L’Inde et la Chine sont des partenaires naturels, compte tenu de leur dépendance croissante vis-à-vis du Golfe pour les importations d’énergie et de la volonté de Riyad d’investir dans des activités en aval dans les deux pays, liant ainsi leurs fortunes économiques », souligne M. Quilliam. Pékin et New Delhi sont des marchés pétroliers conséquences pour Riyad alors qu’ils représentaient respectivement 14,6 % et 9,5 % des exportations saoudiennes de bruts en 2017. Autant de liens qui devraient favoriser l’annonce de nouveaux accords et partenariats lors de la visite de MBS. Toutefois, « la mise en œuvre et le suivi seront une question totalement différente et transformer les mots en action sera le véritable défi des visites », nuance M. Quilliam.
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Pourquoi nous dire " loin" de l'occident ? ?????? Lol lol.. ... Est ce que C'EST pour insinuer qu'il fuit les occidentaux, ou est ce parce que c'est devenu un gros ingrat , après tout ce que l'occident lui a passé comme baume ? Lolllllll. .. Tu quoque mi fillius. Lol.
09 h 11, le 18 février 2019