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Moyen Orient et Monde - Arabie saoudite

MBS reprend la main pour faire oublier l’affaire Khashoggi

Le prince héritier Mohammad ben Salmane annonce des mégaprojets à la pelle et encourage les loisirs à tout-va tout en ne tolérant aucune voix contestataire.

Le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammad ben Salmane visitant la grande mosquée à La Mecque, le 12 février. Photo Saudi Royal Palace/AFP

Cela devient presque une habitude. À chaque nouvel élément distillé par la presse internationale sur l’affaire Khashoggi – éminent journaliste saoudien exilé aux États-Unis et assassiné alors qu’il se trouvait au consulat de son pays à Istanbul –, celui-ci est sciemment passé sous silence par la presse saoudienne, qui s’empresse alors d’annoncer le lancement par le prince héritier Mohammad ben Salmane (MBS) d’un projet titanesque. Une manière de détourner l’attention d’une affaire que le prince veut définitivement enterrer. Comme si elle n’avait jamais existé. Car pour l’homme fort d’Arabie, rien ne doit venir gripper les rouages de la folle machine à changements qu’il a impulsée lors de son accession au pouvoir. Mohammad ben Salmane a-t-il seulement sourcillé jeudi dernier lorsque Agnès Callamard, la rapporteuse spéciale de l’Organisation des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, a affirmé que l’assassinat de Jamal Khashoggi a été « planifié et perpétré par des représentants du royaume d’Arabie saoudite » ? Rien n’est moins sûr, puisqu’il a déjà esquivé des attaques bien plus sérieuses au cours de ces derniers mois. La presse saoudienne s’est bien gardée de relayer cette information diffusée pourtant dans tous les médias internationaux.

L’important à présent est de démontrer – tant en interne qu’à l’international – que le régime est plus fort que jamais, en lançant des projets plus monumentaux les uns que les autres. Lundi dernier, le prince héritier faisait le déplacement à al-Ula, une localité au nord de Médine, à quelques kilomètres de la frontière jordanienne, où se dressent des ruines nabatéennes méconnues et aussi spectaculaires que celles de Pétra, en Jordanie. Il y a annoncé la construction d’un complexe touristique par l’architecte français de renommée internationale Jean Nouvel, ainsi qu’une réserve naturelle de 925 km2 destinée à protéger des espèces spécifiques de la région. Un mégaprojet censé créer 38 000 emplois, selon la presse locale, et piloté par une commission royale ad hoc. Cette annonce n’est que la dernière d’une longue série.

Fin janvier, le Public Investment Fund (PIF), le fonds souverain saoudien, créait la Neom Company avec un capital de 500 milliards de dollars. Dans le même temps, MBS s’empressait de faire appel à bon nombre d’hommes d’affaires qu’il avait enfermés au Ritz en novembre 2017 pour des « consultations sur la manière dont ils pourraient contribuer » à l’essor de Neom et du pays de manière globale, confie une source proche du dossier, qui a souhaité gardé l’anonymat. Le 30 janvier dernier, le gouvernement annonçait à grands bruits la fin de la campagne anticorruption « qui a permis de renflouer les caisses de l’État à hauteur de 106 milliards de dollars ». Une manière pour MBS de lancer un signal à ses anciens partenaires pour les inviter à tourner la page du Ritz et à se mettre au travail, malgré les rancœurs à peine dissipées.

Non loin de Neom, à Sharma, toujours dans le nord-est du pays, un complexe touristique balnéaire est également prévu. Destiné à être une « free zone », c’est-à-dire répondant à des règles spécifiques et différentes de celles qui régissent le royaume, les femmes pourront y bronzer en maillot de bains et les amateurs de jeux de hasard pourront se rendre dans le casino qui y sera construit. La première phase devrait être terminée sous 18 mois, selon les estimations d’une source proche du projet.


(Lire aussi : Washington "n'étouffe pas" l'affaire Khashoggi, affirme Pompeo)


Un mot de trop
En novembre dernier, le roi Salmane avait entamé une tournée des régions, une opération séduction dictée par la nécessité de faire oublier l’atrocité du meurtre de Jamal Khashoggi, un mois plus tôt. Pendant un mois, il a fait la une des journaux, annonçant à tour de bras projets de développement et promesses d’aide dans les régions les plus reculées du pays. Mais c’est bien Mohammad ben Salmane qui a repris la main aujourd’hui, lancé dans un sprint vers un avenir qu’il veut présenter comme prometteur et prospère. Cela n’est toutefois pas du goût de tous, et il le sait. Si une partie de la jeunesse saoudienne ne jure plus désormais que par lui, notamment lorsqu’il est question d’émancipation des femmes et de loisirs, il reste qu’une grande partie n’y trouve plus son compte à cause des arrestations de mai 2018, qui ont visé des femmes activistes de premier plan. Plus personne ne s’aventure à critiquer cet état de fait, même virtuellement. La plupart des comptes Twitter affiliés aux activistes n’existent plus, et ils ne sont plus qu’une poignée d’exilés à continuer à critiquer, depuis l’étranger, l’homme fort du royaume.

Paradoxalement, alors que les salles de cinéma fonctionnent désormais dans la plus grande normalité dans le royaume, et qu’une partie des femmes ont réussi – malgré le parcours parsemé d’obstacles pour l’obtention du permis – à prendre le volant, la peur règne en maître. Celle-ci a changé de source, puisque la Commission pour la promotion de la vertu et la répression du vice est muselée depuis mars 2015. Amputée de ses principales prérogatives policières, les citoyens saoudiens ne la craignent plus. Ce qu’ils craignent désormais, c’est de se faire arrêter pour un mot de trop.

Même s’il a muselé les ultraconservateurs en envoyant nombre d’entre eux croupir en prison, MBS sait qu’il doit constamment les avoir à l’œil. En octobre dernier, au lendemain de l’affaire Jamal Khashoggi, les agents de la Moutawa (police des mœurs) ont tenté un come-back, rapidement annihilé. Cette réapparition de la Moutawa a par la suite été instrumentalisée. C’est en tout cas ce qu’affirme une source proche de la cour, sous couvert d’anonymat : « Les hommes de la Moutawa qui circulent à nouveau dans les rues, la pression pour appliquer à la lettre la ségrégation des sexes d’usage dans le royaume, tout ça, c’était fait exprès. » « C’était pour montrer que si MBS part, tout cela redeviendra une réalité », précise-t-il.


(Lire aussi : L’assassinat de Khashoggi, un « meurtre planifié et perpétré » par des représentants de l’État saoudien)


Concerts mixtes et roses rouges
L’un des hommes les plus proches de MBS, Turki al-Cheikh, pilote l’Entertainment Authority qui fonctionne désormais à plein régime, deux ans après sa création et pas mal de balbutiements. Sa mission est désormais claire : amuser le plus possible la galerie afin de lui faire oublier des restrictions de plus en plus étouffantes des libertés publiques. Ainsi s’enchaînent concerts et événements un peu partout en Arabie, sous l’œil courroucé des ultras. Derniers en date : le concert de David Guetta à Riyad et celui de Mariah Carey suivie de Tiesto. Avec une audience mixte, une jeunesse ravie, mais la abaya qui reste obligatoire pour que les femmes soient admises dans l’enceinte du concert. Le lendemain, la presse louait la performance de la chanteuse américaine tout en soulignant « la fin de la ségrégation des sexes dans le royaume ». De l’impensable pour la jeunesse saoudienne. « Les jeunes sont ravis, ils osent à peine y croire. Mais les hommes âgés n’adhèrent pas à tout cela », commente, sous le couvert de l’anonymat, un Saoudien en soupirant.

Pendant que le roi Salmane recevait hier le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas en lui réaffirmant le soutien de son royaume pour la création d’un État palestinien – un soutien que MBS avait semblé nuancer l’année dernière –, le prince héritier visitait La Mecque et priait à l’intérieur de la Kaaba. Un message implicite à l’adresse de l’aile la plus conservatrice de sa cour ? Dans le même temps, à la veille de la Saint-valentin, les supermarchés et autres fleuristes du royaume étaient hier en train de stocker roses rouges et toute la panoplie de gadgets prisés par les clients à cette occasion. Cette année en Arabie saoudite, le 14 février s’affiche partout, même dans les pages de publicité des journaux qui louent désormais « la journée de l’amour » pour attirer la clientèle. Le temps où les roses rouges étaient interdites et détruites par les agents de la Moutawa semble désormais bien loin. Un jeu d’équilibre à la précision chirurgicale dont MBS a le secret et dont personne, du moins pour le moment, n’entrevoit la fin.


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commentaires (4)

En fait de prendre la main , il prend la main de qui ? Ou alors qui lui prend la main ? On les connaît à ces bensaouds ils se baladent main dans les main et les yeux dans les yeux , en ce jour de ST Valentin . De grands romantiques. Lol...

FRIK-A-FRAK

14 h 20, le 14 février 2019

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Commentaires (4)

  • En fait de prendre la main , il prend la main de qui ? Ou alors qui lui prend la main ? On les connaît à ces bensaouds ils se baladent main dans les main et les yeux dans les yeux , en ce jour de ST Valentin . De grands romantiques. Lol...

    FRIK-A-FRAK

    14 h 20, le 14 février 2019

  • Il veut faire oublier l' affaire Kashoggi, mais le Congrès américain, lui, ne semble pas vouloir oublier, et ce à juste titre !

    LeRougeEtLeNoir

    13 h 21, le 14 février 2019

  • Mais on ne lui demandait pas tant ! Faire de la bensaoudie un lupanar, carrément quoi !!!! Hahahaha ...

    FRIK-A-FRAK

    10 h 45, le 14 février 2019

  • D,AUTRES S,EN FONT THEATRALEMENT DE LA BILE, LE MINI SULTAN MENE L,ORCHESTRE. POUR MBS L,AFFAIRE EST CLOSE.

    LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

    09 h 07, le 14 février 2019

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