D’un côté, la rencontre de Varsovie, et de l’autre, le sommet de Sotchi. Deux réunions internationales consacrées au Moyen-Orient et deux images de mésentente, voire de semi-échec. Mais en même temps, deux luttes d’influence qui rappellent les moments forts de la guerre froide entre les États-Unis et l’Union soviétique, avant l’effondrement de cette dernière.
Une source diplomatique libanaise précise que la concomitance de ces deux réunions montre que, désormais, la lutte d’influence internationale se joue au Moyen-Orient, aussi bien les États-Unis de Donald Trump que la Russie de Vladimir Poutine cherchant à avancer leurs pions et à marquer des points sur l’autre camp en utilisant ce vaste terrain de confrontation.
Selon la source précitée, la rencontre de Varsovie avait dès le départ de grandes failles, notamment sur le plan de la participation et sur le niveau de représentation. De plus, elle n’avait pas un ordre du jour précis, ni un plan d’action à soumettre aux présents. C’est ainsi qu’elle avait pour titre officiel l’établissement de la paix au Moyen-Orient, alors qu’en coulisses, elle avait été initiée dans le but de former une large coalition contre l’Iran, sans le déclarer publiquement. Comment peut-on, en effet, sonder les possibilités d’une paix au Moyen-Orient sans la participation de pays aussi influents sur le plan régional que l’Iran ou la Turquie ? Toujours selon la source précitée, le seul grand acquis de cette réunion est le fait d’avoir réuni officiellement autour d’une même table le Premier ministre israélien et les ministres des Affaires étrangères de quatre pays arabes : l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Yémen. Beaucoup d’informations sur des rencontres secrètes entre des représentants de plusieurs pays arabes et des responsables israéliens avaient déjà été publiées dans plusieurs médias, notamment israéliens, britanniques et américains. Mais c’est la première fois que ces rencontres sont publiques et parlent de coordination face à un ennemi commun. Un grand tabou est ainsi brisé, et c’est certainement une grande victoire diplomatique pour l’administration américaine et pour le conseiller du président Trump Jared Kushner. Les parties concernées attendent les réactions arabes, mais un premier pas a été certainement franchi au niveau des relations arabo-israéliennes. Peut-on pour autant parler de la préparation d’une action commune contre l’Iran ? Selon la source diplomatique libanaise, il est trop tôt pour se prononcer sur cette question, et pour l’instant, chacun compte sur l’autre pour mener des actions concrètes contre l’influence de la République islamique d’Iran dans la région. En face, à Sotchi, la rencontre entre les trois présidents qui couvrent et parrainent le processus d’Astana en Syrie (Poutine, Rohani et Erdogan) n’est pas la première du genre. Ce groupe, qui a lancé le processus d’Astana sur une initiative russe, a déjà à son actif plusieurs réalisations, contrairement au processus de Genève qui piétine. Il a réussi à instaurer des zones de désescalade et à former une commission pour l’élaboration d’une nouvelle Constitution en Syrie. Mais la dernière réunion qui s’est tenue jeudi a montré des divergences sur l’approche du dossier syrien.
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Si les autorités turques reconnaissent désormais officiellement l’intégrité du territoire syrien et refusent toute partition de la Syrie, ainsi que l’établissement d’une zone tampon sous leur contrôle à la frontière syro-turque, préférant dire qu’elles souhaitent une zone sécurisée (c’est-à-dire sans « les terroristes » kurdes et islamistes), elles continuent à vouloir mener des opérations militaires contre les groupes qu’elles qualifient de terroristes. Par contre, les présidents russe et iranien ont insisté sur le fait que tout le territoire syrien doit être contrôlé par l’armée du pays, exprimant ainsi leur appui au président syrien Bachar el-Assad. Bien qu’elles aient nuancé leur position à l’égard du président syrien, les autorités turques préfèrent parler d’une période transitoire, tout en continuant de refuser son maintien au pouvoir au-delà de ce délai. Selon la source diplomatique libanaise, il semble clair que les divergences demeurent, les autorités turques souhaitant mener une opération militaire au nord de la Syrie pour officiellement combattre les terroristes, et surtout pour neutraliser les Kurdes et pouvoir ramener les 4 millions de réfugiés syriens en Turquie dans cette zone, consacrant ainsi indirectement leur influence sur cette région. Par contre, les Russes et surtout les Iraniens préfèrent que, si une opération militaire s’avère nécessaire, elle soit menée par l’armée syrienne et qu’elle soit aussi limitée que possible. C’est pourquoi, pour l’instant, ils préfèrent poursuivre la politique de grignotage et de réconciliations internes syriennes entre les factions de l’opposition qu’ils ne considèrent pas comme des terroristes et le régime.Toujours selon la source précitée, les divergences perçues dans le cadre du sommet de Sotchi ne sont toutefois pas déterminantes, car les autorités turques n’ont pas confiance dans l’administration américaine, même si elles maintiennent de bonnes relations avec elle, et en même temps, elles ont trop d’intérêts communs régionaux avec l’Iran et la Russie.
Finalement, quelle que soit l’évaluation des rencontres de Varsovie et de Sotchi, celles-ci constituent deux dynamiques contradictoires, la première renforce la division et la seconde cherche des solutions... Entre les deux, le sort de la région reste confus.
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SATURNE
15 h 18, le 17 février 2019