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Nos Lecteurs ont la Parole - par Antoine MESSARRA

Affaire Carlos Ghosn : la justice : judiciaire ou complice ?

L’affaire Carlos Ghosn oblige, dans les médias et partout, à se conformer au principe de la présomption d’innocence. Mais cette affaire pose aujourd’hui avec ampleur un problème général sur des pratiques fréquentes d’ouverture de dossiers, de transparence et de lutte contre la corruption. Les tribunaux, l’opinion dite publique et les militants démocrates risquent d’être dupes et indirectement complices.

De quoi s’agit-il ? La pratique de l’ouverture de dossiers est largement utilisée par des régimes tyranniques contre des contestataires que ces mêmes régimes ont placés à des postes privilégiés pour qu’ils puissent s’enrichir sous condition de subordination au régime.

Ceux qui décident l’ouverture de dossiers et brandissent le souci de protection de l’argent public, de la légalité, de l’acquittement d’obligations fiscales, de transparence financière… agissent-ils pour assouvir une vengeance personnelle ? Sanctionner un collaborateur qui veut désormais sortir de la subordination ? Briser un rival et concurrent dans une grande entreprise ?

Il est utile certes que toute personne qui remplit une charge se considère contrôlée par ses pairs et évite les dérapages. « Vous êtes comme le cristal », disait un haut responsable syrien à Fouad Boutros. Face à l’incompréhension de Fouad Boutros, il lui répond : « On n’a pas trouvé une faute dans votre parcours! » Trouver une faute, pourquoi ? Pour subordonner, accuser, pratiquer le chantage.

On peut d’ailleurs, pour subordonner, se venger ou écarter un rival, ouvrir un dossier à propos de tout fonctionnaire exemplaire en enregistrant, au jour le jour, ses moindres peccadilles, à la manière de la fable de la Fontaine, La peste, et de l’âne coupable d’avoir mangé l’herbe d’autrui.

De grands « coupables » de l’histoire, surtout Jésus, ont été condamnés pour des prétextes brandis par des gens de pouvoir, des rivaux, des adversaires, et, en somme, des gens de mauvaise foi.

C’est là le cœur du problème de justice. La justice n’est pas vengeance. La bonne foi est une catégorie juridique, un fondement du droit.

Le danger aujourd’hui est de considérer des accusateurs qui ouvrent des dossiers comme défenseurs de la légalité, de la transparence et de la chose publique. De la sorte, la justice n’est plus véritablement judiciaire. Elle devient instrumentale, complice de personnes haineuses qui cherchent la vengeance et non la légalité. En condamnant le coupable, la justice aux yeux bandés risque d’être complice, promotrice d’un monde où le droit devient instrumental, dépouillé de sa fonction normative.

Dossiers fermés, dossiers ouverts, pour des enjeux de pouvoir et de vengeance, ce n’est ni légalité, ni justice, ni transparence, ni anticorruption, ni bonne gouvernance.

Antoine MESSARRA

Membre du Conseil constitutionnel

chaire Unesco-USJ

L’affaire Carlos Ghosn oblige, dans les médias et partout, à se conformer au principe de la présomption d’innocence. Mais cette affaire pose aujourd’hui avec ampleur un problème général sur des pratiques fréquentes d’ouverture de dossiers, de transparence et de lutte contre la corruption. Les tribunaux, l’opinion dite publique et les militants démocrates risquent d’être dupes...

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