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Liban - Justice

Atteintes à la liberté d’expression au Liban : 2019 s’ouvre sur la lancée de 2018

Des plaintes mettant en cause Charles Jabbour, responsable de la communication des FL, et Betty Hindi, présidente d’association, font l’objet d’enquêtes.

le 24 juillet dernier, des manifestants s’étaient rassemblés, dans le centre-ville de Beyrouth, sur la place Samir Kassir, pour dénoncer les atteintes répétées à la liberté d’expression. Anawar Amro / AFP

Le début de l’année 2019 n’aura pas été très différent de l’année 2018, où les plaintes pour diffamation se sont multipliées, visant des journalistes, des militants de la société civile ou des internautes lambda. Hier, la procureure générale du Mont-Liban, la juge Ghada Aoun, a pris la décision de transférer une plainte déposée par un groupe d’avocats contre Charles Jabbour, responsable de la communication auprès des Forces libanaises, pour « atteinte à Dieu et aux religions, et pour appel à la discorde », au bureau de lutte contre la cybercriminalité afin qu’une enquête soit effectuée. Les avocats Mohammad Zayad Jaafil, Sawsan Mrad, Nadim Kawbar et Dania Abou Melhem avaient déposé cette plainte contre le journaliste suite à un talk-show télévisé où il avait été confronté à un analyste politique proche du Hezbollah, Habib Fayad, qui s’était soldé par une vive discussion et un départ précipité de ce dernier.

La seconde affaire a été soulevée hier par le ministre sortant de la Justice, Salim Jreissati. Celui-ci a demandé au procureur général près la Cour de cassation, le juge Samir Hammoud, de se saisir d’une affaire concernant Betty Hindi, fondatrice de l’association World House of Lebanon. Selon le ministre sortant, « dans une conférence de presse pour lancer son association, Betty Hindi a attaqué le président de la République et ce qu’elle a appelé sa “cour”, les accusant de corruption et de manque de crédibilité dans leur appel au changement et à la réforme ». Toujours selon le ministre sortant, Mme Hindi « a soutenu avoir des informations sur la prestation du président et des documents qui vont à l’encontre de sa volonté affichée de combattre la corruption, lui demandant même de lever le secret bancaire ». Le ministre a considéré ces propos comme de la diffamation contre le président et a demandé au procureur d’examiner la teneur de la conférence de presse et de prendre les mesures qu’il pense adéquates.


(Lire aussi : Souhaid toujours dans le viseur)


« Non à la culture de soumission »

Interrogé par L’OLJ sur la plainte le concernant, Charles Jabbour précise que les faits remontent à un an, lorsqu’il avait participé à un talk-show sur la OTV animé par le journaliste Jean Aziz, en présence de l’analyste Habib Fayad. « M. Fayad avait qualifié le (président de la République assassiné) Bachir Gemayel de traître, explique-t-il. Dans ma défense du président Gemayel, j’ai fait une longue introduction dans laquelle j’ai estimé qu’il fallait cesser de s’accuser mutuellement de traîtrise. Et à la fin, j’ai terminé par une phrase, lui lançant que “personne après Dieu ne peut porter atteinte à ce que nous considérons comme sacré”. Pour moi, c’est juste une expression du dialecte libanais, sans autre signification. Or, ma mention de Dieu dans ce contexte a apparemment motivé ces poursuites lancées contre moi, bien que je n’aie porté atteinte à aucune religion de quelque manière que ce soit. »

Le motif invoqué dans cette affaire cacherait-il une condamnation de nature plus politique ? M. Jabbour affirme s’être renseigné sur ces quatre avocats, qui sont d’une mouvance clairement hostile à la ligne politique de Bachir Gemayel. « Je me sens visé pour la ligne politique que je représente, affirme-t-il. Ce qu’on cherche à imposer, c’est une culture de soumission. »

Que dit cette affaire sur la liberté d’expression dans le pays ? « Il faut attendre les résultats de cette plainte pour en juger, peut-être que cette affaire sera close, dit-il. J’avais d’ailleurs pensé que cette vieille plainte était derrière nous quand l’information est tombée ce matin. Dans tous les cas, nous suivrons cette affaire jusqu’au bout. » En réponse à une question, le journaliste ne commente pas le timing suivant lequel cette affaire a refait surface, se demandant si ce n’est pas simplement lié au fonctionnement de la justice.

Concernant l’affaire Betty Hindi, nous n’avons pu contacter la principale intéressée. Le site web de World House of Lebanon qualifie cette association « d’organisation apolitique non gouvernementale basée au Liban et fondée en 2009 ». Son objectif est de « promouvoir l’esprit de coopération et d’union entre Libanais résidents et non résidents, descendants d’émigrés libanais inclus ». L’ONG dit vouloir encourager les émigrés d’origine libanaise à s’impliquer dans la vie politique, sociale et culturelle, d’une part, et à défendre les causes en relation avec le Liban dans leur pays d’adoption, d’autre part.


(Lire aussi : Droits de l’homme et liberté d’expression : réaffirmer l’exception libanaise)


« Transposer la bataille sur la scène internationale »

Que dire de ces deux nouvelles affaires surgies en début d’année ? Ayman Mhanna, directeur exécutif de Skeyes, pense que la série d’atteintes à la liberté d’expression, notée en 2018, se poursuit sur sa lancée. « Le plus grave, c’est l’instrumentalisation des lois que l’on applique de manière sélective, dit-il à L’OLJ. En fait, ces affaires sont toujours liées à des objectifs politiques. À titre d’exemple, si les relations entre le Courant patriotique libre et les Forces libanaises étaient au beau fixe, cette affaire contre Charles Jabbour n’aurait probablement pas resurgi. Sur un autre plan, cette hypersensibilité par rapport au président de la République et son entourage ne semble faire son effet que sur certaines personnes considérées comme plus vulnérables, et non sur celles qui jouiraient d’une certaine protection politique. »

M. Mhanna rappelle que de telles poursuites pour des critiques contre le président de la République (effectivement interdites par la loi lorsqu’elles sont personnelles) ont déjà eu lieu sous le président Michel Sleiman, mais s’étaient alors limitées à trois ou quatre affaires. Il dénonce par ailleurs « une tendance à se cacher derrière des avocats qui prennent l’initiative de porter plainte dans ces affaires ».

Comment faire face à cette tendance ? « Il faut tout d’abord une solidarité entre journalistes de tous bords dès qu’un confrère est visé ; or ce n’est malheureusement pas le cas au Liban, répond Ayman Mhanna. Ce serait également utile d’avoir une décision politique de protéger la liberté d’expression, mais cela est compromis s’il s’agit toujours des mêmes décideurs. » Pour lui, la seule voie actuellement est de transposer cette bataille sur la scène internationale. « Avec (le militant des droits de l’homme) Wadih el-Asmar, nous avons déjà envoyé une lettre au rapporteur spécial des droits de l’homme de l’ONU, qui a réagi sur ce sujet, précise-t-il. Nous devons convaincre les organisations internationales de lier leur coopération avec les autorités libanaises à la dénonciation des abus. Et si celles-ci se prévalent de la loi, leur faire remarquer que les textes ne sont appliqués que de manière aléatoire. »

Mais quels résultats tangibles espérer d’une telle démarche ? « Médiatiser ces affaires crée une sorte de protection, affirme-t-il. Nous avons remarqué que les poursuites contre des personnages célèbres, très médiatisées donc, se sont mieux terminées que dans le cas de personnes moins connues. Il faut donc apporter le même soutien à tous. »


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Le début de l’année 2019 n’aura pas été très différent de l’année 2018, où les plaintes pour diffamation se sont multipliées, visant des journalistes, des militants de la société civile ou des internautes lambda. Hier, la procureure générale du Mont-Liban, la juge Ghada Aoun, a pris la décision de transférer une plainte déposée par un groupe d’avocats contre Charles...

commentaires (2)

ON ESSAIE D,ENCHAINER LA LIBERTE D,EXPRESSION MAIS LES LIBANAIS S,EXPRIMERONT LIBREMENT TOUJOURS...

LA LIBRE EXPRESSION

21 h 11, le 09 janvier 2019

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • ON ESSAIE D,ENCHAINER LA LIBERTE D,EXPRESSION MAIS LES LIBANAIS S,EXPRIMERONT LIBREMENT TOUJOURS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    21 h 11, le 09 janvier 2019

  • La liberté d'expression sur les rives du Barada et du Golfe persique : - A l'encontre d'un leader politique libanais, Bachar el-Assad vient de déclarer : Sa couleur grise ne nous plaît plus. - A propos des relations tendues entre l'Iran et les Etats-Unis, l'ayatollah Ali Khomenei vient de déclarer : Certains responsables américains sont des "idiots de première classe".

    Un Libanais

    17 h 23, le 09 janvier 2019

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