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Moyen Orient et Monde - Syrie

Hay’at Tahrir al-Cham gagne du terrain sur les rebelles

Le groupe Noureddine al-Zinki a été vaincu hier par la coalition jihadiste dans le rif d’Alep.

Manifestations à Ma’arat al-Nouman, dans la province d’Idleb, contre les assauts de Hay’at Tahrir al-Cham, le 4 janvier 2019. Photo Abdelaziz Ketaz

Le groupe jihadiste dominant dans la région d’Idleb (nord de la Syrie), Hay’at Tahrir al-Cham (HTC-essentiellement composé de l’ex-branche syrienne d’el-Qaëda) tente depuis quelques jours d’accroître son autorité dans les provinces qui échappent au contrôle de Damas, en ravissant des localités des mains des groupes rebelles. Une lutte de pouvoir qui s’associe à un combat idéologique entre des groupes aux agendas différents.

La faction est parvenue hier à chasser de la province d’Alep le mouvement Noureddine al-Zinki, affilié au Front national de libération (FNL), une puissante coalition de factions rebelles soutenue par la Turquie, provoquant la fin du mouvement. Les jihadistes de HTC ont accusé lundi ce groupe d’avoir tué cinq de leurs combattants, avant de lancer une offensive contre des positions rebelles dans l’ouest de la province d’Alep, entraînant en seulement quatre jours la mort de 119 insurgés, 61 jihadistes et 58 rebelles.

« HTC est parvenu à mettre fin à la présence de ce mouvement en s’emparant de ses territoires », confirme Youssef Hammoud, porte-parole de l’Armée nationale (créée avec Ankara), contacté via WhatsApp. Les jihadistes se seraient d’abord emparés de la base de Cheikh Souleiman, provoquant la débâcle des combattants d’al-Zinki, qui ont par la suite perdu le contrôle de Darret Ezza, Ainjareh, Khan al-Assal, et de plusieurs autres villages. Les deux formations, qui avaient fusionné pendant quelques mois en 2017, ont été à couteaux tirés durant deux ans et s’affrontaient régulièrement pour le contrôle de territoires. Selon plusieurs sources concordantes, ce serait le groupe Faylaq al-Cham (qui a intégré le Front national de libération-pro-Ankara) qui aurait négocié la reddition et les transferts des soldats de Noureddine al-Zinki. « La majorité d’entre eux ont rejoint nos territoires (du Bouclier de l’Euphrate) », confirme Youssef Hammoud. Il ne serait pour l’heure pas question, selon lui, d’intégrer des soldats du groupe vaincu au sein de leur coalition. Noureddine al-Zinki s’est toujours plus ou moins comporté comme un groupe indépendant et hors de contrôle, malgré plusieurs alliances de circonstance conclues dans le passé et récemment. Nettement plus radical que le reste des factions rebelles, il a toujours été isolé, ce qui pourrait expliquer pourquoi la Turquie n’est pas intervenue dans ces combats.

« L’Armée nationale s’est très probablement contentée d’observer les évolutions, en espérant que HTC en finisse avec les commandants de Noureddine al-Zinki, afin d’en récupérer les membres », estime un activiste basé en Turquie.


(Lire aussi : Les opposants au régime Assad en plein désarroi)


Le régime en embuscade
Les combats se poursuivaient hier contre HTC, les affrontements dans le gouvernorat d’Alep ayant provoqué l’embrasement d’autres fronts dans le sud-ouest d’Idleb et le nord-ouest de Hama. La province de Hama est contrôlée quasi totalement par les troupes du régime alors que celle d’Alep l’est à 40 % et que celle d’Idleb leur échappe presque entièrement. Idleb est l’ultime grand bastion jihadiste et rebelle du pays, contrôlée majoritairement par HTC, puis par le FNL. Le territoire est considéré comme une zone d’influence turque, Ankara parrainant les rebelles et tentant de contenir les actions de HTC. « Le Front national de libération est parvenu hier à chasser HTC de plusieurs localités à Idleb, et les tensions entre les deux parties sont toujours présentes », confirme le porte-parole de l’Armée nationale, qui a envoyé des combattants de Afrine afin de soutenir le FNL contre HTC.

Malgré la signature des accords de Sotchi entre la Turquie (parrain des rebelles) et Moscou (allié de Damas), le 17 septembre dernier, dans le but de créer une zone démilitarisée, la région d’Idleb est aujourd’hui doublement menacée. En dépit du cessez-le-feu, le régime et ses alliés ont repris leurs bombardements contre plusieurs villes, et les guerres inter-rebelles viennent compliquer davantage la situation.

Plus HTC gagne du terrain, plus cela fait le jeu du régime qui parvient ainsi à justifier ses campagnes de bombardements. « Beaucoup de villes du gouvernorat d’Idleb espèrent aujourd’hui venir à bout de Tahrir al-Cham, comme chez nous à Saraqeb », confie Mohammad Barich, un photographe contacté par L’Orient-Le Jour, qui n’hésite pas à dénoncer le contrôle du groupe jihadiste sur sa ville. « La menace est partout. N’importe qui dans la rue peut à tout moment être fouillé ou jeté en prison », ajoute-t-il. Le groupe jihadiste, dont l’image s’est davantage ternie ces derniers mois notamment à cause d’exactions et de meurtres ciblés, est loin de faire l’unanimité auprès de la population de la région. À Ma’aret al-Naaman, hier, les habitants sont descendus dans la rue pour dénoncer la prise d’assaut par HTC de plusieurs localités des rifs d’Alep et d’Idleb. « À Ma’aret al-Naaman, le peuple, l’Armée syrienne libre (ASL) et même les pierres haïssent al-Nosra. Ils n’osent même pas mettre les pieds dans la ville », confie Abdel-Aziz Ketaz, un journaliste de la ville, qui a suivi la manifestation.

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