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Moyen Orient et Monde - Syrie

Symbole de la « révolution », Kfar Nabel rêve toujours de liberté et de justice

Un jeune Syrien marchant dans les rues de Kfar Nabel en juin 2013. Daniel Leal-Olivas/AFP

Des inconnus ont eu beau abattre leur militant le plus célèbre, les habitants de Kfar Nabel sont bien déterminés à continuer de faire vivre l’esprit rebelle de cette petite ville du nord-ouest de la Syrie.

Dès les premières heures du soulèvement pacifique contre le régime de Bachar el-Assad en 2011, Kfar Nabel s’est distinguée par l’originalité de ses slogans contre le pouvoir, s’attirant l’attention des médias internationaux. Passée en 2012 sous le contrôle des rebelles, qui dominent aujourd’hui avec les jihadistes de Hay’at Tahrir al-Cham (HTC) la province d’Idleb, dont dépend Kfar Nabel, la localité arbore toujours des peintures murales louant la révolte contre le régime.

« Vous ne tuerez pas notre révolution », est-il écrit sur un mur. « La révolution a commencé à Kfar Nabel. Cette ville en était l’étincelle dans le Nord syrien », affirme le militant Abdallah al-Dani. Elle est « désormais une chandelle » dans cette région « sombre » du pays, poursuit le jeune homme de 26 ans. « Au début de la révolution, certains se chargeaient de l’organisation des manifestations, parmi lesquels Raëd Farès (...) qui a propulsé la voix » de Kfar Nabel au-delà des frontières, se remémore-t-il. La semaine dernière, Farès et son ami, le militant Hammoud al-Jneid, ont été abattus par des hommes armés non identifiés dans cette ville de 20 000 habitants. Cet assassinat, pour lequel les jihadistes ont été pointés du doigt par des militants, a suscité une condamnation à l’étranger, notamment du président français Emmanuel Macron et du représentant spécial des États-Unis pour le conflit syrien James Jeffrey.


(Lire aussi : Comment la révolution syrienne a été tuée)


Créativité et humour

En 2011, Kfar Nabel s’était vite ralliée au mouvement de contestation populaire anti-Assad qui se propageait à travers la Syrie avant qu’il ne soit réprimé dans le sang par les forces du régime.

La ville fut le théâtre d’affrontements entre l’armée et des déserteurs, s’affranchissant en 2012 de l’emprise des forces loyalistes.

Aux premiers temps du soulèvement, les habitants rivalisaient de créativité et d’humour à travers les pancartes et banderoles brandies en arabe et en anglais lors des rassemblements organisés chaque vendredi à travers le pays. Raëd Farès et d’autres militants savaient inventer des slogans originaux, parfois sous forme de messages à l’adresse du Conseil de sécurité de l’ONU, des pays arabes et occidentaux, ainsi qu’à l’ensemble des Syriens. L’un des plus célèbres remonte au 14 octobre 2011, au moment où la confrontation armée prenait le pas sur la contestation pacifique: « À bas le régime et l’opposition (...) À bas la nation arabe et musulmane, à bas le Conseil de sécurité (...) À bas le monde (...) À bas tout. » Durant les années suivantes, ces slogans ont évolué au rythme de l’évolution du conflit et de ses acteurs, n’épargnant aucune partie.

« Russie (l’allié de Damas, NDLR), libère le Conseil de sécurité » de l’ONU, ou encore « État islamique en Irak et en Syrie : nous ne l’avons pas libérée (la Syrie, NDLR) pour que vous la gouverniez (...) Partez », proclamaient sur la Toile des habitants de Kfar Nabel.


(Pour mémoire : Ghouta : chronique d’une révolution écrasée)


« Révolution contre l’injustice »

Car pour le militant Bilal Bayouche, si les habitants de Kfar Nabel se sont révoltés contre le régime, ils n’ont pas tardé aussi à défier les puissants groupes jihadistes. « Kfar Nabel s’est opposée à l’EI depuis 2013, et des veillées de solidarité avec les militants détenus par HTC ont aussi été organisées », dit-il.

HTC a tenté d’imposer ses règles à cette localité, en interdisant notamment en 2016 à Radio Fresh, créée par Raëd Farès, de diffuser de la musique. Ce dernier « avait alors choisi de diffuser à la place des sons d’animaux comme ceux d’oiseaux ou de coqs », raconte M. Bayouche. Cette prédominance de HTC dans la région n’a pas empêché l’émergence de slogans critiques envers les groupes extrémistes, tandis que les habitants de Kfar Nabel continuent de manifester contre le régime. « Kfar Nabel, c’est (l’histoire d’)une révolution contre l’injustice, quelle qu’elle soit », martèle Mohammad Allouche, un étudiant de 21 ans. « Nous continuerons jusqu’à faire tomber le régime », renchérit M. Bayouche, qui confie cependant avoir peur après les assassinats de militants. Pour Abdallah al-Dani, « Kfar Nabel a perdu Raëd Farès, mais il incarnait une idée et cette idée ne mourra pas ».


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