Les taux interbancaires au jour le jour sur la livre libanaise – taux d’intérêt en vigueur sur les prêts à court terme entre banques – ont fortement augmenté ces derniers jours pour atteindre 75 % hier, ont indiqué plusieurs sources bancaires à L’Orient-Le Jour, confirmant une information parue le même jour sur le site du Daily Star.
« Les taux sont passés d’environ 5 %, leur moyenne depuis plusieurs mois, à une fourchette de 10 % à 15 % la semaine dernière. Ils étaient à 40 % au début de cette semaine, puis 60 % mercredi et enfin 75 % hier », détaille une des sources interrogées sous couvert d’anonymat. « Généralement, les taux interbancaires au jour le jour augmentent quand certains établissements se retrouvent avec d’importants besoins de liquidités qu’ils doivent alors emprunter à d’autres banques, qui en ont suffisamment », rappelle le chef du département des recherches à Byblos Bank, Nassib Ghobril. « Cela n’a pas d’incidence sur les taux des dépôts et des crédits, qu’ils soient en livres ou en dollars », souligne-t-il. Le taux de référence indicatif (Beirut Reference Rate) est actuellement de 10,70 % sur la livre et de 7,90 % sur le dollar.
(Lire aussi : La livre, les taux d’intérêt et les prêts au logement : beaucoup de bruit en période difficile)
Formation du gouvernement
Une hausse des taux sur le marché interbancaire peut être liée à une situation de crise, comme en novembre 2017 suite à la démission avortée du chef du gouvernement sortant, Saad Hariri, depuis Riyad, en plein contexte de tensions régionales entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Cette situation avait créé un vent de panique chez de nombreux déposants qui avaient converti en devises l’équivalent en livres de 3 milliards de dollars, soit 5 % de la masse monétaire, selon un rapport publié en février par Bank Audi. Les taux interbancaires sur la livre avaient alors oscillé autour de 120 % pendant quelques jours avant de progressivement retrouver leur niveau habituel.
L’inflation des taux interbancaires peut aussi être provoquée par un événement ponctuel. Pour le directeur du département de recherche de Bank Audi, Marwan Barakat, la hausse actuelle s’explique « plus par le récent retrait par la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) d’une partie de ses dépôts en livres dans les banques, afin de souscrire des bons du Trésor, que par une augmentation du nombre d’opérations de conversion de livres en dollars de la part des déposants ».
Pour la source anonyme précitée, l’opération « habituelle » de la CNSS, mais qui a néanmoins eu pour effet de diminuer le niveau de liquidités du marché, n’aurait pas eu un tel impact en temps normal. « Le marché est nerveux parce que la formation du gouvernement s’enlise depuis les législatives de mai, que la crise économique perdure et que la situation sécuritaire au Liban-Sud est sous observation suite à l’affaire des tunnels du Hezbollah », analyse-t-elle, en notant, tout comme MM. Ghobril et Barakat, que les taux interbancaires se stabiliseraient si le nouvel exécutif était rapidement formé.
Cette hausse des taux survient alors que le pays est confronté à un ralentissement de son activité bancaire. « Les dépôts (au Liban) ont baissé en raison de la situation économique dans les pays du Golfe et la situation monétaire mondiale (marquée par la hausse des taux d’intérêt américains continue depuis 2015) », a reconnu hier M. Hariri à Londres, en marge d’une séance de questions-réponses organisée par le centre de réflexion Chatham House (voir page 2), avant d’affirmer que le nouveau gouvernement serait bientôt formé.
Pour mémoire
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commentaires (12)
Un peu de lecture pour comprendre le système monétaire .. enfin comprendre une infime partie ... Sachons toutefois que les billets sont imprimés par les banques centrales mais aussi certaines banques commerciales libanaises (au Liban, celles qui prêtent des crédits aux particuliers, aux entreprises et à l'état) ---------------------------------------- A lire pour comprendre : Ce ne sont pas les moyens de paiement (les billets...) qui font la richesse, mais bien le volume de produits et de services disponibles sur le marché. A quoi sert d’avoir les poches pleines d’or si les étals sont vides ! Voilà pourquoi la quantité de monnaie en circulation doit toujours être corrélée à la production. Si elle augmente plus vite, ce sont… les prix qui s’emballent. Les Allemands peuvent en témoigner. Dans les années 1920, leur Banque centrale avait imprimé une telle masse de marks (pour rembourser à la France les dommages de guerre) que les étiquettes doublaient tous les jours dans les magasins. Il fallait une brouette remplie de billets pour acheter son pain ! Un siècle plus tard, nos voisins sont toujours traumatisés par le souvenir de cette hyperinflation, et cela explique leur obsession de la rigueur.
Sarkis Serge Tateossian
00 h 35, le 15 décembre 2018