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Économie

La livre, les taux d’intérêt et les prêts au logement : beaucoup de bruit en période difficile

Nous entendons et nous lisons de plus en plus fréquemment des choses, exprimées officiellement comme officieusement, sur l’approche d’un effondrement financier et économique dans le pays, une pression croissante sur la livre, un changement dramatique sur la construction des taux d’intérêt sur la livre et le dollar, et enfin sur la nécessité d’une reprise des prêts au logement subventionnés par les banques. Tout ce brouhaha n’est ni surprenant ni justifié. Tout d’abord, au sujet de la livre, les Libanais devraient être rassurés car ils sont désormais les seuls à détenir des dépôts, qu’ils soient résidents ou non-résidents. Il n’y a aucun risque à l’horizon. Puisque la Banque du Liban (BDL) disposait de 43,33 milliards de dollars de réserves en devises étrangères au 15 septembre 2018, contre 43,0 milliards à la mi-septembre 2017 ; et les réserves en or de la BDL sont toujours au même niveau, soit à environ 9,22 millions d’onces, indépendamment des fluctuations des prix sur les marchés internationaux. Et sur cette période, le portefeuille de la Banque du Liban d’obligations souveraines libanaises et non libanaises demeure quasi inchangé : 29,5 milliards de dollars en septembre 2018 contre 28,7 milliards en septembre 2017. En examinant le bilan publié, cité ci-dessus, il en ressort que les engagements des banques et des institutions financières auprès de la BDL ont légèrement augmenté en passant de 85,05 à 85,3 milliards de dollars sur la même période (septembre 2017/septembre 2018). De même pour les dépôts du secteur public auprès de la Banque du Liban qui sont restés au même niveau, soit à 6,3 milliards de dollars contre 6,4 milliards à la même période un an plus tôt.

En d’autres termes, la construction du bilan de la Banque centrale n’a enregistré aucun changement notoire durant cette année, soit de septembre 2017 à septembre 2018. Ce qui signifie que les piliers du taux de change de la livre et les moyens à la disposition de la BDL pour la poursuite de la politique de stabilité monétaire sont toujours d’actualité. Alors, pourquoi certains crient à la catastrophe ?

Deuxièmement, sur le plan des intérêts, et depuis qu’une des banques ou plutôt la plus grande des banques a annoncé un nouveau produit financier hybride (en livres et en dollars) avec des taux très attrayants par rapport à ce qui prévaut sur le marché, mais sur de grands dépôts et pour de longues maturités, ça a été la panique ! D’autres banques ont à leur tour proposé des produits similaires. Au final, cela a été positif puisque cela a contribué à la stabilité monétaire face aux pressions provoquées par les rumeurs issues du marché de change. Mais ces opérations aux taux élevés ont concerné des montants très limités des dépôts. Preuve en est que les taux d’intérêt sont restés en moyenne similaires à ceux pratiqués à la fin août, soit à 7,81 % sur le marché de la livre et à 4,93 % sur le marché du dollar selon les données à notre disposition. Cette légère évolution des taux d’intérêt s’inscrit dans le cadre de ce qu’on a démontré plus haut sur la stabilité de la construction des actifs et des engagements de la BDL. Il est évident aussi que les taux d’intérêt moyens sur les marchés de la livre et du dollar ont connu une tendance haussière sur la période juillet 2017-juillet 2018 en passant de 5,94 à 7,57 % en ce qui concerne le marché de la livre, et de 4,09 à 4,65 % en ce qui concerne le marché du dollar, selon les dernières statistiques publiées par la BDL. Il est probable que cette tendance haussière se confirme lors de la prochaine période, d’autant plus que le déficit des finances publiques et celui de la balance des paiements ne cessent de se creuser, qu’aucune solution n’a été apportée aux problèmes socio-économiques et que les engagements pris par le Liban durant la conférence de Paris (CEDRE) tardent à être mis en œuvre.

En troisième lieu, sur le plan des finances publiques et des prêts au logement, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a bien fait de mettre la commission des Finances et du Budget devant la réalité des choses. Prendre conscience de la dangerosité de la situation constitue une porte d’entrée à la solution. Le Parlement a également bien fait de voter certaines législations qui permettent d’entamer le processus CEDRE. Le ministre des Finances et le Parlement ont aussi bien fait de voter la loi dite de soutien au logement, et plus précisément d’un montant de 100 milliards de livres pour les taux d’intérêt des prêts au logement. C’est bien également qu’il ait été décidé que ces prêts soient accordés dans le cadre du mécanisme de prêt au logement inclus dans le protocole signé entre l’Établissement public de l’habitat (EPH) et un certain nombre de banques.

Cette loi qui est nécessaire mais pas suffisante a toutefois besoin d’un certain nombre de prérequis : premièrement, il faut un accord entre l’EPH et les banques sur les taux d’intérêt, la part de subvention et la part non subventionnée. Deuxièmement, une garantie de durabilité de ce soutien tout au long de la durée des prêts au logement qui oscille entre 20 à 30 ans doit être assurée aux banques. Troisièmement, et c’est là le point le plus important, il faut que les banques souhaitant accorder des prêts au logement aient suffisamment de liquidités en livres, soit plus de mille milliards. La manière avec laquelle cette liquidité sera assurée n’est pas claire encore, dans le sillage de la circulaire de la BDL qui impose aux banques de réduire leur part d’emprunt en livres par rapport aux dépôts en livres jusqu’à 25 % d’ici à la fin 2019.

Une dernière remarque concernant les prêts au logement : pour être objectif, il faut reconnaître ce que les banques ont fait en coopération avec la BDL au cours des deux dernières décennies. Cette coopération a fourni des prêts au logement à plus de 132 000 ménages libanais ayant des revenus moyens ou limités, et un portefeuille de prêts au logement de plus de 13 milliards de dollars à travers l’utilisation des réserves obligatoires en livres et par le biais des plans de relance.

Il est donc injuste de se concentrer sur certains cas ou sur certaines des lacunes qui accompagnaient le mécanisme de prêt au logement tout au long des vingt dernières années, puisque ces cas ne représentent que 3,3 pour mille du nombre d’emprunteurs et du volume de prêts au logement, comme le montrent les données publiées récemment par la Banque du Liban. Il est aussi injuste de faire abstraction des 99,99 % de la valeur et du nombre de prêts au logement qui ont bénéficié aux familles éligibles. On a dit un jour que l’histoire de Beyrouth n’avait pas commencé avec untel, mais aujourd’hui nous disons : les prêts au logement n’ont pas commencé avec la loi adoptée le 25 septembre 2018. Les banques les ont initiés et les poursuivent depuis au moins deux décennies.

Contenu produit par Makram SADER, secrétaire général de l’Association des banques du Liban (ABL).

Nous entendons et nous lisons de plus en plus fréquemment des choses, exprimées officiellement comme officieusement, sur l’approche d’un effondrement financier et économique dans le pays, une pression croissante sur la livre, un changement dramatique sur la construction des taux d’intérêt sur la livre et le dollar, et enfin sur la nécessité d’une reprise des prêts au logement...

commentaires (3)

Ce qui manque dans l’analyse de Mr. Sader est la croissance astronomique du bilan de la BDL. Les reserves en or et obligations souveraines non Libanaises doivent supporter un bilan beacoup plus massif. Ce qui est encore plus concernant est le fait que la BDL est en train de financer les obligations du gouvernment en echappant les marches publiques. Ces derniers pourraient imposer des taux encore plus eleves.

K Kanaan

10 h 09, le 17 octobre 2018

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Commentaires (3)

  • Ce qui manque dans l’analyse de Mr. Sader est la croissance astronomique du bilan de la BDL. Les reserves en or et obligations souveraines non Libanaises doivent supporter un bilan beacoup plus massif. Ce qui est encore plus concernant est le fait que la BDL est en train de financer les obligations du gouvernment en echappant les marches publiques. Ces derniers pourraient imposer des taux encore plus eleves.

    K Kanaan

    10 h 09, le 17 octobre 2018

  • LA SANTE MAINTENUE A COUPS DE PILLULES ET D,INJECTIONS DE MEDICAMENTS N,EN EST PAS UNE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 03, le 17 octobre 2018

  • Il n'est pas nécessaire d'avoir un doctorat en économie pour comprendre q'un pays où les intérêts augmentent d'années en années est en crise. Aucun pays au monde n'a prévenu sa population la veille d'une dévaluation c'est l'effet surprise. On se réveille un beau matin et voilà. Les banquiers et certains politiciens au Liban ont beau rassurer sur la santé de la livre mais la réalité est que c'est hors de tout contrôle. Avec la corruption qui règne, les réformes non entamées,le gouvernement pas formé, la crise des réfugiés..... Bonne chance à ceux qui nous veulent faire croire que tout va bien

    Elie H

    02 h 58, le 17 octobre 2018

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