L’association Coordination chrétiens d’Orient en danger (CHREDO) a organisé mardi dernier une conférence internationale qui s’est tenue dans la salle du conseil régional d’Île-de-France, à Paris, avec la participation de délégations de huit pays représentés par 17 dignitaires religieux chrétiens et musulmans, 5 ministres et députés et 8 ONG. Le Liban était représenté par l’ambassadeur Rami Adwan, le député Simon Abiramia, le ministre Pierre Bou Assi, et MM. Fouad Abounader et Habib Ephrem. Le coup d’envoi de cet important séminaire – qui avait pour thème « En finir avec les discriminations contre les chrétiens et les autres minorités en Orient » – a été donné par Mme Valérie Pécresse, présidente de la région d’Île-de-France. Il s’agit de la première conférence du genre en Europe.
À l’ouverture des travaux, l’ambassadeur du Liban, Rami Adwan, a notamment évoqué l’exemple de coexistence et de dialogue entre les religions que représente le Liban. Il a exposé en outre, chiffres à l’appui, la gravité du problème des déplacés syriens et palestiniens, mettant l’accent sur les retombées que cette situation pourrait avoir si le retour des déplacés dans leurs pays venait à être gelé. M. Adwan a affirmé dans ce cadre que « 96 % du territoire syrien est maintenant pacifié et de ce fait le retour devrait s’accélérer ».
De son côté, le ministre des Affaires sociales Pierre Bou Assi (Forces libanaises) a lui aussi abordé la question des réfugiés syriens, précisant que les Libanais et les organisations internationales gèrent ce dossier en accordant l’aide obtenue indistinctement à tous les déplacés, sans distinction d’appartenance confessionnelle.
Le député CPL, Simon Abiramia, a souligné pour sa part qu’il exprime les vues de toutes les factions politiques et communautaires libanaises, précisant à ce sujet que cette conférence est marquée, au plan libanais, par la participation d’intervenants des trois principales composantes politiques de la communauté chrétienne libanaise. M. Abiramia a relevé dans ce cadre que ces trois composantes chrétiennes expriment « des vues identiques sur les principes de solidarité, de tolérance et de coexistence entre les composantes de tout le peuple libanais ».
M. Fouad Abounader, conseiller du leader des Kataëb et président de l’association Nawraj, a présenté des propositions concrètes, à savoir la création d’un organisme de suivi et de coordination en vue de l’application des résolutions de la conférence, de même qu’il a suggéré la mise en place d’un observatoire international pour suivre les développements au Liban concernant les réfugiés et l’entente entre les diverses communautés du pays et de la région. M. Abounader a ensuite prôné la neutralité du Liban, soulignant la nécessité de se conformer au principe de distanciation par rapport aux événements qui secouent la région.
Enfin, M. Habib Ephrem (Ligue syriaque) a reproché à la communauté internationale de « fermer les yeux sur l’extermination des chrétiens d’Orient ». Il a rappelé les épisodes sanglants de l’histoire récente et du siècle dernier lorsque « des dizaines de milliers de syriaques ont été passés au fil de l’épée en Turquie ainsi qu’en Iran », citant les noms des villes où ces atrocités ont été commises.
(Lire aussi : "Une proclamation de Paris" pour la défense des chrétiens d'Orient et des minorités)
La Proclamation de Paris
Au terme des conférences et tables rondes auxquelles ont participé plus de 400 personnalités chrétiennes et musulmanes, une Proclamation internationale de Paris contre les discriminations visant les chrétiens d’Orient et d’autres minorités a été signée et diffusée par les prélats et des dignitaires religieux musulmans des pays suivants : Arménie, Égypte, Jordanie, Irak, Koweït, Liban et Syrie, ainsi que par une dizaine de parlementaires français, des magistrats et des avocats. Les dignitaires musulmans, dont des représentants de hautes instances sunnite et chiite, ont dénoncé et condamné en termes clairs et courageux « les dérives criminelles et islamistes, étrangères aux enseignements du Coran ».
Voici les principaux points de la Proclamation internationale de Paris, lue par Patrick Karam :
- Les signataires dénoncent les actes terroristes qui constituent des crimes contre l’humanité, déclarant solennellement que des groupes tels que Daech et les autres organisations similaires utilisent la religion pour justifier leurs crimes que l’islam désapprouve.
- Les signataires affirment sans ambiguïté le droit inaliénable des chrétiens d’Orient et des autres minorités persécutées (dont les yézidis) à rester et à vivre sur leur terre dans la dignité et la sécurité, sans subir de discrimination, et à pratiquer leur foi en toute liberté.
- Les signataires appellent la communauté internationale à ne pas faire d’amalgame entre les barbares et l’islam.
- Les signataires appellent le Conseil de sécurité des Nations unies à prendre les décisions nécessaires, conformément au chapitre VII de la Charte des Nations unies, pour imposer des sanctions contre les États, organisations et associations reconnues coupables de terrorisme.
- Les signataires ont convenu de créer un comité dont la mission serait de suivre l’application des recommandations de cette conférence.
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22 h 51, le 13 décembre 2018