Le changement de régimes dans les pays arabes ne préoccupe pas seulement les dictateurs du cru. Il y a aussi les populations civiles qui payent comme toujours le prix le plus cher ; en raison de la répression armée, du chaos résultant d’une transition ratée, ou même à cause d’une intervention censée les protéger comme ce fut le cas en Libye.
Dans le contexte de ce grand bouleversement, il serait opportun de jeter un regard aussi sur les minorités. Il faut éviter cependant de tomber dans le piège récurrent de ne considérer, en examinant ce sujet, que les minorités « religieuses ». Car il y a dans la région des minorités ethniques (Kurdes, Arméniens, Turkmènes, Africains, Berbères, Circassiens, Tchétchènes, Chaldéens ...), ou aussi sociales (populations autochtones, homosexuels...), et également politiques (marxistes, nassériens, nationalistes, etc.). De plus, parmi les minorités religieuses, il n’y a pas que des chrétiens. Il y a aussi les druzes, les alaouites, les ismaélites, les juifs, les bahaïs, les mandéens, etc.
Plusieurs figures académiques, politiques, religieuses et sociales expriment leur crainte quant à l’avenir réservé aux minorités suite à la chute de certains régimes. Ces craintes présupposent que la situation actuelle des minorités est bonne, ou tout au moins acceptable. Les minorités, toutes catégories confondues, vivaient-elles dans la dignité dans la région avant 2011 ?
Les minorités ne furent « protégées » par les régimes en place que lorsqu’elles ont décidé de se démettre de l’exercice de leurs droits politiques et civils (ou au moins d’une partie de ces droits) et de montrer une loyauté aveugle envers le régime. Toute diversion à l’égard de ce parcours menait à des répressions ignobles, indépendamment de la religion, de l’ethnie ou de l’origine des opposants. L’ironie du sort veut que les régimes autocratiques de la région arabe aient su être « équitables » en opprimant leurs peuples. Jamais un opposant politique ne fut moins réprimé qu’un autre opposant à cause de son origine religieuse ou autre.
Cette réalité est valide pour toutes les minorités, religieuses ou pas. Ainsi, les Kurdes ne vivaient nullement dans la dignité ni en Syrie, ni en Irak, ni en Iran, ni en Turquie. Ce dernier cas de figure est important pour montrer que la nature du régime n’assure pas nécessairement une vie plus digne aux minorités. Les Kurdes turcs furent réprimés autant par les régimes laïcs (soutenus par les militaires) que par l’AKP (parti « islamiste modéré »).
La situation des minorités dans la région du Golfe arabe n’est pas meilleure : il ne suffit pas donc d’être étiqueté « régime modéré » par l’Occident pour être tolérant et respectueux de la diversité et des droits de l’homme. Les populations autochtones, les non-musulmans, les homosexuels se voient bafouer leurs droits tous les jours dans cette partie du monde arabe.
En Irak, contrairement à une certaine propagande, ce ne sont pas les seuls chrétiens qui furent pris pour cibles. Toutes les autres minorités le furent d’une façon ou d’une autre par un « nouveau » régime irakien « issu des urnes (?) », et en plus « ami » de l’Occident.
De l’autre côté du Golfe, les quelques signes apparents d’ouverture en Iran ne signifient pas que le régime est tolérant envers les minorités. Celles-ci vivent dans des conditions non-conformes aux principes de dignité humaine.
Les exemples précités ne sont que quelques-uns censés refléter une réalité incontournable : ni les régimes militaires, ni les dictatures laïques, ni les monarchies proches (politiquement) de l’Occident, ni les théocraties, ni les régimes sunnites, ni ceux sous influence chiite...n’ont pu assurer aux minorités du Proche-Orient une vie digne. Promouvoir ou défendre une catégorie spécifique de régimes politiques pour protéger les minorités est une erreur colossale. C’est au cœur de la société qu’il faut chercher la solution : dans le système valoriel de la société et des groupes minoritaires eux-mêmes.
Qui dit qu’une de ces minorités au pouvoir serait moins répressive que les autres composantes ? Le style de gouvernement dans la région autonome du Kurdistan irakien est-il dénué de violations des droits de l’homme ?
Quand les chrétiens étaient au pouvoir au Liban, se sont-ils comportés conformément aux principes qu’ils prônent sur tous les plateaux ? Les chiites au pouvoir traitent-ils leurs compatriotes minoritaires mieux qu’ils ne sont traités eux-mêmes à Bahreïn ? Les non-sunnites au Golfe sont-ils mieux traités que les sunnites dans le sud de l’Irak ou en Iran ?
Force est de constater donc que les peuples de la région n’ont pas appris les leçons qui s’imposent de leurs souffrances. Soit ils se plaignent à outrance (quand ils sont victimes), soit ils continuent de se baser sur l’équation du plus fort pour éliminer les autres quand ils le peuvent. Ce ne sont ni les minorités qui sont des brebis innocentes ni les majorités ethniques ou religieuses qui sont les méchants loups : c’est l’échelle de valeurs qui est faussée. Et c’est à ce niveau qu’un travail de longue haleine doit être entamé.
Les transitions sont toujours douloureuses et vont certainement faire des dégâts (parmi les minorités et les majorités). Mais après la tempête, les citoyens de ces pays du printemps arabe sauront-ils enfin se mettre d’accord sur un nouveau pacte social respectueux des valeurs de dignité, de liberté et d’égalité ? C’est le défi essentiel auquel doit s’atteler avant tout la société civile, mais aussi, et surtout, ces mêmes défenseurs des minorités.
Dans le contexte de ce grand...
commentaires (5)
Il n'est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir...les voeux pieux,les protestations de "fraternité",tout çà c'est du baratin et rien d'autre...la vraie vérité,celle qui crève les yeux(c'est sûrement pour çà que les "grandes âmes ne la voient pas),c'est que le MO est en train de basculer dans l'intégrisme islamique...et que l'essentiel du débat se situe là...pas un jour sans attentat contre les chiites en Irak...pas un jour sans exaction et humiliation pour les Coptes en Egypte,pas un jour sans qu'un illuminé ne prêche un jihad supplémentaire contre ceci ou celà...qui peut dire le contraire?Un saoudien peut aller à Rome,visiter le vatican et s'il lui chante,dire la prière au beau milieu de Saint Pierre,non?j'arrête là,parceque le wishfull thinking de certains commence à me gonfler...les deux faces d'une même monnaie...certes,c'est le cas....Tasso,je me sens un peu seul,là...reviens,il y a les mêmes à la maison!
GEDEON Christian
06 h 15, le 21 février 2012